MÉTHODOLOGIE PHILOSOPHIQUE POUR LES CLASSES DE TERMINALE A/SES PAR ÉGOUÉ CASIMI

MÉTHODOLOGIE PHILOSOPHIQUE POUR LES CLASSES DE TERMINALE A/SES PAR ÉGOUÉ CASIMIR JUNIOR Doctorat (Ph.D) en philosophie à l’Université de Dschang CHAPITRE PREMIER LA DISSERTATION PHILOSOPHIQUE JUSTIFICATION : Ce chapitre vise à développer chez l’apprenant l’art de l’argumentation philosophique en résolvant, avec rigueur et clarté, une problématique en rapport avec un sujet donné, afin de faire la promotion de la réflexion. 1.1. Généralités sur la dissertation philosophique 1.1.1. Définition de la dissertation philosophique et identification des types de sujet La dissertation philosophique est l’un des exercices fondamentaux de l’acte philosophique, pour ne pas dire l’exercice philosophique par excellence. Si l’on veut au moins une fois dans sa vie poser un acte philosophique, il s’avère nécessaire de réaliser une dissertation de type philosophique. Mais comment peut-on définir cet exercice philosophique si spécifique ? Selon Henri Pena-Ruiz, « le mot dissertation désigne toute forme de réflexion en acte, généralement écrite, ayant pour but de poser un problème, d’en développer les implications, et enfin d’envisager les solutions nettement définies à ce problème1 ». De ce fait, elle se distingue de la dissertation littéraire par le fait qu’elle est un « travail du concept », une invention des concepts, qui se produit dans la pure abstraction rationnelle, alors que l’exercice littéraire fait recours au concret, à l’imaginaire et à la sensibilité. Elle se distingue également de l’exercice d’érudition par le fait qu’elle est une réflexion libre et personnelle, et non un défilé de connaissances dans la mesure où raisonner n’est ni réciter ni faire défiler doctrines et théories diverses. Elle se distingue enfin de la démonstration mathématique par le fait qu’elle est 1 Henri Pena-Ruiz, Méthodologie philosophique, Paris, Bordas, 1978, p. 15. Égoué Casimir Junior (Ph.D) 2  un débat contradictoire argumenté et non un raisonnement déductif visant à établir la vérité d’une proposition. C’est pourquoi la dissertation philosophique « peut donc être définie comme un itinéraire mobile et dynamique, aboutissant à une conclusion claire, à travers une problématique et une discussion organisée2 ». De plus, elle est « un écrit qui a pour but d’exposer les conditions d’intelligibilité (en soi) et de compréhension (pour un esprit, par exemple celui du lecteur) d’un problème philosophique3 ». Pour les classes de philosophie au Cameroun, il existe deux types de sujet : le « sujet-question » et le « sujet-citation ». La différence entre les deux est que, dans le premier, on discute à partir d’une question et, dans le second, on évalue une citation. Voici un tableau comparatif : Sujet-question Sujet-citation 1 Thèse 1 Analyse ou explication 2 Antithèse 2 Limites/Critique/Réfutation 3 Synthèse 3 Valeur et intérêt 1.1.2. Analyse conceptuelle du libellé du sujet Si la dissertation philosophique est un « exercice spirituel », elle doit développer en nous un ensemble d’analyses et de raisonnements, afin de permettre qu’on puisse prendre position sur un sujet donné. En effet, on ne peut pas réfléchir sur un sujet qu’on n’a pas compris. Il se pose alors une question : comment faire pour bien analyser et comprendre un sujet ? 2 Jacqueline Russ, Les méthodes en philosophie, Paris, Armand Colin, 1992, p. 77. 3 Dominique Folscheid, Jean-Jacques Wunenburger, Méthodologie philosophique, Paris, PUF, 1992, p. 155. Pour ce faire, il s’agit d’analyser conceptuellement le libellé du sujet, afin de définir les concepts-clés du sujet, en faisant attention à la ponctuation, car chaque mot joue un rôle. Tout cela permet de saisir l’« esprit » du sujet et non de se contenter de la « lettre ». 1.1.3. Reformulation du sujet et identification du problème Il s’agit ici de déterminer le présupposé du sujet qui constitue la première affirmation possible à la question du « sujet-question ». En ce qui concerne le « sujet-citation », la citation est déjà une affirmation. Il faut dès lors reformuler ces affirmations, afin de montrer au correcteur qu’on comprend le sujet. Cette étape s’appelle la reformulation du sujet. Pour poser un problème philosophique, il est nécessaire de formuler une aporie à propos du sujet. La formulation du problème se fera de préférence affirmative. 1.1.4. Problématique et élaboration du plan Pour construire une problématique, il est indispensable d’établir un plan détaillé. Ce plan sera de préférence dialectique, car la méthode philosophique est par excellence dialectique. Voici un tableau récapitulatif du plan dialectique : 1 La thèse défendue : la vérité de la thèse : l’Affirmation 2 La réfutation de la thèse : l’antithèse : la Négation 3 La synthèse du conflit : la métathèse où l’on rapproche les oppositions pour supprimer la contradiction dans une catégorie supérieure qui permet le dépassement sans opérer nécessairement la conciliation. Elle est la Négation de la négation. Égoué Casimir Junior (Ph.D) 3  Après ce travail théorique, fait au brouillon, on peut passer à la rédaction proprement dite de la dissertation. Pour bien réussir la rédaction d’une dissertation philosophique, il est essentiel de faire ressortir trois parties : l’introduction, le corps du sujet et la conclusion. 1.2. La rédaction de l’introduction 1.2.1. Structure de l’introduction L’introduction, c’est la partie de la dissertation où il faut poser le problème philosophique soulevé par le sujet. Elle est construite suivant trois étapes : amener et reformuler le sujet, formuler et poser le problème philosophique et élaborer la problématique. 1.2.2. Différentes manières d’amener le sujet Amener le sujet d’une dissertation philosophique consiste à introduire le sujet qui est soumis à la réflexion du candidat. On peut distinguer plusieurs manières de le faire. Nous allons en étudier quatre : par définitions des concepts, par exploitation d’une contradiction, par un fait et par une analogie. 1.2.3. Par définitions des concepts Il s’agit ici de la clarification conceptuelle du libellé du sujet. Dans le cadre de l’analyse logique du libellé du sujet, il faut savoir identifier le premier terme du sujet, le substantif, le groupe verbal et le deuxième terme, le prédicat. Cette clarification permettra d’élaborer une reformulation pouvant être soumise à un paradoxe. Exemple : Sujet : Faut-il avoir peur du philosophe ? « Si le philosophe renvoie à une personne aimant la sagesse, “ avoir peur ” signifie en revanche la crainte de quelque chose ou de quelqu’un. Ainsi, la question du sujet, à savoir il faut avoir peur du philosophe, présuppose qu’on doit craindre celui qui aime la sagesse. Mais cette idée peut être paradoxale, car le philosophe est également une personne qui inspire la confiance. Ce paradoxe permet alors de soulever le problème philosophique de la valeur du philosophe pour la société. Pour résoudre ce problème, notre réflexion va s’articuler autour des interrogations suivantes : comment le philosophe peut-il être dangereux pour la société ? Ne faut-il pas, néanmoins, nuancer sa dangerosité ? Quelle serait alors sa véritable valeur sociale ? » 1.2.4. Par exploitation d’une contradiction Il s’agit ici d’exploiter une contradiction qui jaillit de l’analyse immanente du sujet. Celle-ci peut naître d’un paradoxe à l’encontre de l’opinion communément admise, d’une opposition de la pensée de l’auteur de la citation. Cette mise en évidence d’une contradiction rend alors possible l’entrée du paradoxe, point de départ de la justification du problème philosophique. Exemple : Sujet : « Il ne faut pas compter sur le philosophe pour trouver des raisons de vivre ». Que pensez-vous de cette affirmation de CLÉMENT ROSSET ? « Pour Clément ROSSET, “il ne faut pas compter sur le philosophe pour trouver des raisons de vivre”. Autrement dit, celui qui aime la sagesse ne peut rien apporter pour éclairer le sens de notre existence. C’est dire qu’on n’a pas besoin du philosophe dans la société. Mais cette idée semble être contredite par la traditionnelle pensée de René DESCARTES qui laissait entendre que “c’est proprement avoir les yeux fermés, sans tâcher jamais de les ouvrir, que de vivre sans philosopher”. Ce qui signifie que l’activité philosophique est indispensable à l’existence humaine. De cette confrontation d’idées découle le problème de la place du philosophe dans la société. Sur ce, peut-on justifier cette position de ROSSET ? Ne comporte-t-elle pas des insuffisances ? Quelle serait donc la véritable place du philosophe dans la société ? » Égoué Casimir Junior (Ph.D) 4  1.2.5. Par les faits Il s’agit ici de partir d’un fait scientifique, c’est dire d’une réalité positive qu’on peut objectivement vérifier. Cela peut être aussi à partir de l’histoire ou de l’actualité, afin d’introduire le sujet et sa problématique. Exemple : Sujet : Faut-il avoir peur du philosophe ? « L’histoire de la philosophie enseigne que certains philosophes ont remis en cause l’ordre établi en s’opposant ouvertement à la société. C’est sans doute pour cela que le sujet nous interpelle par cette question : faut-il avoir peur du philosophe ? Cela présuppose qu’on doit craindre celui qui aime la sagesse. Cette idée peut être remise en question, puisque le philosophe est aussi considéré comme un modèle social à suivre. D’où le problème est celui de la valeur sociale du philosophe. La résolution de ce problème sera conduite par les questions suivantes : dans quel sens dit-on que le philosophe fait peur ? Cette peur du philosophe est- elle toujours justifiée ? uploads/Philosophie/ methodologie-philosophique-ta-ses-2020.pdf

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