Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert Les causes et les raiso

Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert Les causes et les raisons Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert DANS LA MÊME COLLECTION Jacques Bouveresse : Langage, perception et réalité R. Casati et J. Dokic: Essai sur la philosophie du son Donald Davidson : Enquêtes sur la vérité et l'interprétation Jean-Yves Goffi: Le philosophe et ses animaux J.-P. Leyvraz et K. Mulligan: Wittgenstein analysé Claudine Tiercelin : La pensée signe Couverture: Hugues Drouot Copyright© 1995 by éditions Jacqueline Chambon, Nîmes ISBN: 2-87711-136-9 ISSN : 1242-9066 Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert Ruwen Ogien Les causes et les raisons Philosophie analytique et sciences humaines ÉDITIONS JACQUELINE CHAMBON Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert AVANT-PROPOS Après un demi-siècle ou plus de discussions sans concessions autour de l'« homme», du« sujet», des« structures», les sciences humaines se trouvent, en France, dans un état qui, de l'avis à peu près général, n'est guère reluisant. On a l'impression qu'elles se sont trompées de sujet (si on peut dire) ou qu'elles se sont engagées dans un débat qui les dépassait complètement. En mêlant leurs voix à celles des faux prophètes qui annon- çaient, pêle-mêle, la mort de l'homme, de l'art, de l'éthique, de l'histoire, de la philosophie (qui ne s'en portent ni mieux ni plus mal, d'ailleurs), les spécialistes des sciences humaines ont fini par se retrouver sans voix, c'est-à-dire provincialisés, désarmés, quasiment incapables d'affronter un débat théorique ou épisté- mologique significatif. Certes, il ne serait pas très difficile de comprendre la répulsion de ces spécialistes à l'égard des « débats théoriques », s'il était sûr que ces débats devaient obligatoirement ressembler à ce qu'ils étaient à la grande époque structuraliste, ou aux confron- tations présentes entre rescapés de l'époque. Mais il est clair que ce n'est pas le cas. Ainsi, dans le monde dit anglo-saxon, philosophes, logiciens, linguistes, psychologues n'ont jamais cessé de collaborer à une entreprise qui leur paraissait commune, féconde, cumulative, enrichie par les plus vifs débats et par la multiplication presque agaçante des théories. Et de leurs efforts croisés, de leur opti- misme « naïf» est né, entre autres, ce qu'on importe aujourd'hui avec un enthousiasme suspect sous l'appellation plus ou moins contrôlée de sciences cognitives. En un certain sens pourtant, les préoccupations de ces philo- sophes, logiciens, linguistes, psychologues, etc., n'étaient pas incommensurablement éloignées de celles qui, ici, empêchaient nos théoriciens de discuter sans finir par se battre. Ils se sont, eux aussi, intéressés à la« subjectivité», aux« structures». Mais 5 Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert ils l'ont fait à leur manière, sans pompe et sans grandiloquence, autour de thèmes modestes, accessibles à un ensemble très vaste de chercheurs. Et ces discussions innombrables ont donné naissance à des courants théoriques importants qui traversent les disciplines les plus éloignées. C'est particulièrement évident dans le cas de la critique du behaviorisme, qui a mobilisé des philosophes, logi- ciens, linguistes, psychologues, sociologues trop nombreux pour être cités. On peut avoir des raisons d'être accablé en considérant tout ce qui semble séparer, dans le style, le fond, la fécondité, ce débat de celui qui fut mené ici à partir de préoccupations voisines . . En même temps, on peut trouver quelques motifs d'espoir dans le fait que les sciences dites cognitives, issues de ce débat autour du behaviorisme en réalité, ont, semble-t-il, trouvé en France un public (ignorant probablement les origines modestes de ces sciences) et que, par leur biais, les sciences humaines regagnent un peu de leur vigueur argumentative, de leur unité, de leur failli- bilité. Car l'un des défauts les plus rédhibitoires d'une théorie, c'est, bien entendu, l'immunité complète à l'égard de toute réfuta- tion, et nos « grands théoriciens » donnent l'impression de ne s'être jamais posé la question de savoir s'ils pouvaient à la fois prétendre, comme ils le faisaient de façon souvent tapageuse, à la «scientificité», tout en ne donnant à leurs lecteurs aucun moyen de les réfuter. À ceux qui trouveront ce diagnostic trop sombre, trop som- maire, déformé par les clichés dont on se sert habituellement pour opposer, par exemple, la philosophie« analytique» et la phi- losophie« continentale», on fera observer qu'il n'est, après tout, qu'une façon de prendre au sérieux la fameuse« exception cultu- relle française», que tant de bons esprits revendiquent (mais probablement pas en ce sens assez peu patriotique). Cependant, si on souhaite vraiment tenir compte de ces diffé- rences« géophilosophiques »(un néologisme qui n'est ni très élé- gant ni très éclairant, mais qui a le grand avantage de ne pas être aussi compromettant que« culturel» ou« national»), on est bien obligé de compliquer un peu le tableau. Il faudrait faire preuve d'une certaine étroitesse d'esprit pour ne pas prendre en considération les courants positivistes qui sont tou- 6 Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert jours restés vivants en France et la tradition de« clarté carté- sienne», qui, bien sûr, n'a jamais disparu, en dépit des déferle- ments d'hermétisme théorique (une tradition de clarté à laquelle on pourrait tout de même reprocher de se prendre un peu trop au sérieux, d'être une« clarté pompeuse», si on peut s'exprimer ainsi). Inversement, il faudrait être aveugle ou malhonnête pour réduire le mouvement intellectuel dans le monde dit anglo-saxon à cette entreprise étroitement positiviste ou scientiste. Ce mouvement intellectuel se distingue aussi par des critiques remarquables des tentatives d'aligner les sciences de l'homme sur les sciences de la nature. Elles aboutissent à des conclusions qui ne sont guère éloignées de celles auxquelles les illustres critiques « continentaux » sont arrivés, dans le cours de la célèbre querelle sciences de l'esprit- sciences de la nature (ou comprendre-expliquer), conclusions qui sont approximativement les suivantes. S'il est vrai que les sciences de l'homme ne peuvent pas s'ali- gner sur les sciences de la nature, elles sont confrontées à cette alternative : - ou bien revendiquer la spécificité et l'autonomie des méthodes et des objectifs des sciences humaines, c'est-à-dire, faire admettre que le domaine de la scientificité déborde large- ment celui qui est circonscrit par les méthodes et les objectifs des sciences naturelles ; - ou bien renoncer à revendiquer pour les sciences humaines quelque statut scientifique que ce soit, et les aligner sur l'art, le mythe, la vision du monde, ce qui signifie les affranchir des contraintes de la mesure, de la vérification, de la réfutation, mais pas nécessairement des tracas de l'évaluation. Car même si ce qu'on appelle sciences humaines s'apparente à l'art, au mythe, à la vision du monde, il n'en résulte pas que tout se vaut dans ces prétendues sciences. Certaines théories sont plus intéressantes, évocatrices que d'autres, de la même façon que certaines œuvres d'art sont plus séduisantes, fascinantes que d'autres et il n'est pas très facile de dire pourquoi. L'alternative est bien connue et on trouvera certainement autant de partisans de l'un ou l'autre de ses termes en France et ailleurs. Mais la question n'est pas seulement de savoir si on admet l'alternative et si on est disposé à endosser l'une ou l'autre 7 Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert des possibilités qu'elle offre. Elle est aussi de savoir pourquoi on l'admet et pourquoi on choisit l'un des termes de préférence à l'autre. Or, de ce point de vue, il faut, encore une fois, tenir compte de ces différences dites « géophilosophiques », qui devraient être anecdotiques mais qui sont loin de l'être, malheu- reusement. Dans le monde dit anglo-saxon, la critique s'est concentrée autour de problèmes assez bien circonscrits : dichotomie des causes et des raisons, opposition entre les énoncés à la« première personne» et à la« troisième personne», débat autour de la pos- sibilité de traduire, sans les altérer complètement, nos concepts mentaux (croyances, désirs, intention, conscience, etc.) en lan- gage neuro-physiologique, discussion autour de la question de savoir si on peut proposer des explications satisfaisantes à un niveau dit supérieur (psychologique, sociologique, historique, etc.) ou si les seules explications authentiques sont de niveau dit inférieur (physique), et, en corollaire, question de la possibilité d'établir des lois strictes en sciences humaines ou d'attribuer aux événements mentaux (croyances, désirs, conscience) ou sociaux (degré d'intégration, taux de chômage, etc.) des pouvoirs causaux qui ne soient pas purement métaphoriques. En France, la critique du scientisme ou du positivisme étroit ainsi que la défense de l'autonomie des sciences humaines fut, à un moment, une véritable industrie. Mais la cause était, semble-t- il, gagnée d'avance et les arguments ont plutôt servi de décora- tion. C'est vrai des arguments dits phénoménologiques qui ont perdu, à l'importation, toute leur précision pour devenir des lamentations nostalgiques sur l'homme, le« vécu))' l'empathie. Et c'est vrai aussi des arguments dits épistémologiques, qui ont fleuri au bon temps (si on peut dire) du structuralisme, en chan- geant la rhétorique. Au vague désespérant des « phénoménolo- gies))' ils ont substitué la précision inutile, le formalisme d'appa- rat et l'hermétisme uploads/Philosophie/ ruwen-ogien-les-causes-et-les-raisons.pdf

  • 11
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager