QU’EST-CE QUE LA BIOETHIQUE ? Note d’information préparatoire au débat Epi du m
QU’EST-CE QUE LA BIOETHIQUE ? Note d’information préparatoire au débat Epi du mercredi 16 mars 2005 établie par Michel Brugvin 1) « Nous ne sommes pas compétents, mais nous sommes tous concernés. (…) Il faut nous préparer à affronter un jour la question ontologique par excellence : celle d’un homme nouveau où il y aurait, manipulations génétiques aidant, plus et moins que dans l’homme traditionnel. » Jacques Julliard2 1/ REMARQUES PRELIMINAIRES 1/ Face à l’importance croissante de la Recherche et Développement (R&D) des sciences et techniques du vivant, une réflexion éthique est nécessaire. 2/ La bioéthique a pour enjeux, à la fois l’individu et la société, et au delà, l’humanité même. On peut dire que sont également visées la culture et la nature. Cela est vrai au présent et au futur. 3/ La question fondamentale de la bioéthique demeure bien celle de l’éthique ou de la morale, c’est à dire la question du vivre ensemble en société. Mais elle prend tout son sens quand on a à l’esprit que nos sociétés sont elles-mêmes complexes. C’est à dire : composites, pluralistes, multiculturelles, en même temps qu’individualistes et composées de groupes d’intérêt divers, et évolutives. C’est bien pourquoi la question de la bioéthique ne se posait pas dans le monde des années 1900 ni même de 1950, en tout cas pas de cette manière ni avec cette ampleur. 4/ La bioéthique présente ainsi une expression remarquable et très significative des grands problèmes et des enjeux du monde contemporain. Par rapport à ceux-ci, la bioéthique fonctionne comme un verre grossissant. 5/ En ce sens, la question bioéthique permet d’illustrer certaines tensions essentielles de notre temps. On peut citer particulièrement, et pour schématiser, les tensions entre : - d’une part ce qu’on peut appeler une vision moderniste laïque universaliste (typique de l’idéal républicain) ; et une philosophie plus soucieuse de solidarité et de d’égalité économique et sociale. - et d’autre part une approche (d’origine américaine) plus individualiste et souvent de tendance communautariste; et une philosophie ethico-politique d’inspiration libérale - voire hyper libérale. Dit autrement et plus concrètement : est en cause la question du partage entre ce qui relèvera de l’initiative privée (individuelle, communautaire, entrepreneuriale) et ce qui sera régulé par l’autorité publique (de l’Etat particulièrement). 1 Note établie à partir de documents mentionnés ci-après en bibliographie, particulièrement le livre de Gilbert Hottois. 2 « L’homme infini », chronique de Jacques Julliard, « Le Nouvel Observateur » (je n’ai malheureusement pas noté la date de ce n° du Nouvel Obs. (probablement de 2003), mais je t iens la photocopie de l’article à la disposition de ceux qui le souhaitent). 2 2/ HISTORIQUE : D’UN NOUVEAU MOT A DE NOUVELLES INSTITUTIONS Il est intéressant de noter que le mot a été crée en 1970 (ou n’a été crée qu’en 1970…). 1/ Conscience tardive de l’évolution des sciences et des techniques Jusqu’à assez récemment, il n’y a pas eu de vraie conscience collective de l’importance croissante de la Recherche et du Développement techno-scientifiques (R&D ) et de ses enjeux. La science demeurait dans l’esprit public une affaire de discours et de théorie, suivant une tradition d’externalisation de la technique sous la rubrique « application et moyens », intellectuellement peu valorisée. A de rares exceptions près, on a mis beaucoup de temps à reconnaître que la science était devenue moins représentation qu’intervention, opération, production et création. 2/ Nuremberg (1947), Potter (1970) et la bio médecine (1970-2000) o La préhistoire proche de la bioéthique renvoie au Code de Nuremberg (1946-47)3 qui définit les conditions de l’expérimentation humaine, dans l’esprit qui est aussi celui de la Déclaration Universelle des Droits de l’homme (1948) , en exigeant particulièrement : le consentement informé et volontaire du sujet ; une finalité bénéfique (thérapeutique) ; la réversibilité des dommages éventuels, etc. o Le terme « bioéthique » est forgé par un oncologue4 américain Van Rensselaer Potter5. Ce premier usage du mot renvoie à une vision positive du progrès scientifique et technique, tout en soulignant vigoureusement la nécessité de l’accompagner par une réflexion éthique prenant explicitement en compte les valeurs et la totalité (la société globale et la nature, la biosphère). o L’Association Médicale Mondiale (AMM, fondée en 1947) intègre ces principes dans sa Déclaration d’Helsinki (1964). Elle énonce et précise des postions importantes en 1975 et 2000. o En dépit de ces orientations originelles, la bioéthique va se développer aux Etats-Unis dans la proximité de l’éthique médicale davantage centrée sur l’individu et à propos de l’expérimentation sur l’être humain. 3 Il figure dans les attendus de jugement rendu en 1947 par le Tribunal Militaire Américain de Nuremberg condamnant une vingtaine de médecins nazis pour avoir expérimenté sur des prisonnier de façon barbare. 4 Oncologie du gr. onkos « grosseur, tumeur » (études des tumeurs cancéreuses). Oncologue : médecin spécialiste en oncologie 5 Celui-ci publie en 1970 un article « Bioethics, the science of survival » qu’il intègre dans son livre : « Bioethics, Bridge to the Future » (1971). 3 3/ Les comités d’évaluation éthique L’évaluation pluridisciplinaire collective et éthique au sein de comités de la recherche (auxquels tout projet d’expérimentation humaine doit être soumis ) constitue une évolution très importante dans la représentation et le fonctionnement de la R&D. Elle est liée à la reconnaissance des droits du patient soulignant l’autonomie de celui-ci et mettant en question la posture traditionnelle du médecin, seul juge du bien de son patient. C’est au cours des années 1970, que sont créés toujours aux Etats-Unis, les premiers centres de bioéthique en même temps que sont établies les premières commissions d’éthique au plan national : le Hastings Center ( New York) et le Kennedy Institute of Ethics ( Washington). Ces entreprises débouchèrent sur la première « Encyclopédie de bioéthique »6, et sur le Rapport Belmont qui formule les bases du « principlisme » ( principlism) 7. La décennie de 1980 marque les débuts de l’internationalisation de la bioéthique, spécialement son développement sur le plan institutionnel en Europe et sous l’impulsion de la France. La France est le premier pays à créer un Comité national permanent : le CCNE (Comité Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la santé) institué par décret en 1983. Des instances européennes voient le jour dans les années 90. D’une manière générale, la créativité institutionnelle de la bioéthique est tout à fait remarquable. 3/ ESSAI DE DELIMITATION THEMATIQUE L’étendue du domaine de la bioéthique est immense. Qu’on en juge par ce panorama (non exhaustif) articulé en deux ou trois grands ensembles qui se recoupent partiellement : les plans de la nature, des personnes et du sociétal /politique. 1/ Du côté de la nature : Quelques exemples : - espèces et écosystèmes détruits, menacés, perturbés ; - biodiversité ; - expérimentation sur les animaux ; - déséquilibres de la biosphère : pollutions, effet de serre, couche d’ozone dégradée ; - développement durable et principe de précautions ; - OGM (Organismes Génétiquement Modifiés) : transgenèse, clonage…. - etc. Dit autrement, on a affaire ici surtout à la dimension environnementale et écologique, ou - pour reprendre les vieilles distinctions traditionnelles - à la biologie végétale et animale, c’est à dire au « vivant non humain ». Mais bien sûr toutes ces questions concernent aussi les humains à des degrés divers, certaines directement, par exemple, les aliments génétiquement modifiés, la xénogreffe, …. 6 « Encyclopedia of Bioethics” Œuvre du « Kenedy Institute » 1978. Seconde édition : 1995. 7 Le « principlisme » désigne un ensemble de principes éthiques minimaux universellement acceptables destinés à guider la solution de conflits survenant dans la pratique biomédicale en milieu pluriethnique. 4 2/ Au plan des personnes : Quelques exemples : - procréation médicalement assistée : de la contraception (pilule, etc.) au clonage ; - euthanasie, soins palliatifs, acharnement thérapeutique ; - transplantation d’organes et de tissus ; - définition du début et de la fin de la vie humaine ; - etc. Dit autrement, on a affaire ici surtout au vivant humain. Cela concerne particulièrement la biomédecine et la R&D biomédicale. Ici également toutes ces questions chevauchent partiellement celles repérées du coté de la nature. Ces deux plans (plan de la nature et plan des personnes) rebondissent eux-mêmes, à des degrés divers, si on les aborde du point de vue « sociétal et politique », le troisième grand ensemble. 3/ Au plan sociétal et politique (et social, juridique, économique…) : Quelques exemples : - réguler strictement par l’Etat ou laisser à l’initiative privée l’offre et l’exploitation de techniques biomédicales (par exemple les tests génétiques) ; - brevetabilité du vivant, non humain et humain ; - légiférer ou non sur des questions relevant aussi de la conscience individuelle dans un société pluraliste (depuis les décisions procréatives aux choix de fin de vie) - articuler dans le domaine biomédical les exigences non convergentes de la liberté individuelle, des intérêts particuliers, de la solidarité, de la justice et de l’égalité ; - Tiers – Monde, inégalité biomédicale planétaire, maladies orphelines…. - etc. 4/ UN EXEMPLE EVOCATEUR PARMI D’AUTRES : uploads/Philosophie/ michel-brugvin-qu-x27-est-ce-que-la-bioethique.pdf
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