Colette NOYAU – Partenariat entre les langues – J.S. AUF Nouakchott, nov. 2007
Colette NOYAU – Partenariat entre les langues – J.S. AUF Nouakchott, nov. 2007 1 Synthèse des Journées Scientifiques de l’AUF : « Le partenariat entre les langues : perspectives descriptives et perspectives didactiques », Nouakchott, novembre 2007. Le partenariat entre les langues : mise en place d’une notion d’aménagement linguistique Colette NOYAU Université de Paris-X-Nanterre UMR 7114 MoDyCo du CNRS cnoyau@u-paris10.fr http://colette.noyau.free.fr Les réflexions qui suivent ont pour point de départ les Journées Scientifiques de l’AUF à Nouakchott, qui ont rassemblé une cinquantaine de chercheurs et une quarantaine d’apprentis chercheurs de plusieurs pays autour d’un grand thème, central parmi les missions de l’AUF et particulièrement celles des réseaux Langue : le partenariat entre les langues. Nous allons discuter les sous-thèmes proposés, en regroupant certains d’entre eux, dans la succession suivante : 1. représentations associées aux formes du partenariat entre les langues ; 2. descriptions des différents types de partenariat entre les langues ; 3. formes de partenariat dans les contextes didactiques et propositions didactiques. Arès avoir reparcouru ces différents volets des travaux1, nous proposerons une étude ciblée de la mise en place de la notion de partenariat linguistique à travers eux, puis nous ferons retour sur quelques aspects qui mériteraient d’être repris ou prolongés par la suite. Représentations des partenariats linguistiques par les locuteurs Les représentations des langues qu’entretiennent les locuteurs ont été sollicitées pour un ensemble très varié de situations. On constate que les représentations des sujets parlants sur les langues varient fortement selon les publics concernés, les contextes, les statuts des langues en présence, et en fonction des circonstances de recueil des données. Les situations éducatives (primaire et secondaire) ont été privilégiées, ainsi que le recours à une méthode quantitative (enquêtes déclaratives par questionnaire). Les situations considérées sont très contrastées. Ainsi, en Dominique et en Sainte Lucie l’anglais langue officielle semble entrer dans un partenariat non conflictuel avec les autres langues en présence, dont le créole. Des enquêtes en milieu scolaire menées en Algérie montrent que les représentations qu’entretiennent les locuteurs sur les usages et les valeurs associées à leurs langues peuvent être en contradiction avec 1 Comme plus de quarante intervenants inscrits explicitement au programme se sont partagés la parole, sans compter les rapporteurs et synthétiseurs, les invités, les auditeurs et les doctorants de trois universités rassemblés pour les journées de formation attenantes, et comme la circulation des idées se fait par dérives et échos, j’opte ici pour ne pas citer de noms, mais seulement la teneur des débats. Colette NOYAU – Partenariat entre les langues – J.S. AUF Nouakchott, nov. 2007 2 leurs pratiques langagières réelles, que l’idéologie ne peut aussi aisément influencer. Une autre étude interroge la motivation que des femmes au Yémen ont à apprendre le français, qualifiée de « langue d’oiseau », celle-ci est fondée avant tout sur le plaisir d’accéder à une langue étrangère internationale. Les déclarations de lycéens d’une école française d’Ethiopie conduisent à arrticuler représentations linguistiques et identité culturelle. A la Réunion, on constate que la notion de diglossie introduite dans la formation des enseignants peut exercer des effets non voulus sur les représentations linguistiques investies ensuite dans les pratiques : ce modèle binaire les amène à reconcevoir la situation comme bipolaire, les conduisant à exiger des élèves créolophones de s’exprimer en français ou dans un créole basilectal imaginaire, et non dans la variété actuelle en voie de décréolisation et de convergence avec le français.La méthodologie centrée sur les enquêtes déclaratives est majoritaire dans ces études, mais on peut s’interroger sur les résultats lorsqu’ils ne sont pas confrontés à l’observation des pratiques langagières, nécessaires à appréhender la réalité. Les psychologues comme les sociolinguistes savent qu’il peut exister une distance considérable entre ce qu’on fait et ce qu’on dit qu’on fait, surtout en situation d’enquête formelle. Les déclarations qu’on obtient constituent bien une image de ce que les locuteurs pensent qu’ils font, ou estiment souhaitable de dire qu’ils font, et non une image de ce qu’ils font, et c’est cela même qu’on cherche ; reste à examiner ensuite les relations entre ces images revendiquées et les pratiques réelles. Description des partenariats entre les langues Le cas de la Mauritanie, pays hôte de la rencontre, est emblématique de la complexite des situations linguistiques créées par l’histoire, et remaniées à plusieurs reprises par la volonté politique via les rôles conférés aux langues en présence dans les institutions et spécialement à l’école dans les réformes éducatives successives. Cependant, la mise en œuvre de ces réformes ne transforme pas radicalement les relations entre langues, car la temporalité de l’éducation est lente, d’une part parce qu’elle suppose un effort à de multiples niveaux pour qu’une innovation entre dans les faits (expérimentation, formation des maîtres, élaboration et diffusion de supports d’enseignements, recherche d’adhésion de la société civile, notamment des parents) …), et d’autre part, parce qu’elle produit ses effets de façon progressive, au fil des générations. Or de multiples réformes de la politique des langues à l’école dans différents pays n’ont tout simplement pas eu la durée de vie suffisante pour pouvoir être sérieusement évaluées quant à leur impact sur la qualité de l’éducation et sur les pratiques langagières, avant de faire place à une autre option. A chaque fois, il s’agit d’instaurer un partenariat entre les langues de l’école, c’est-à- dire de nouer une alliance, de préciser les complémentarités et les appuis réciproques, au bénéfice de la construction des connaissances par les élèves. On passe du conflit à la coopération entre les langues lorsqu’on parvient à aider les élèves à établir des liens entre elles : identification et différenciation des parlers en présence, prise de conscience de ce qui constitue leur base commune et leurs différences spécifiques, articulation entre elles dans l’expression de la pensée et dans la communication. Colette NOYAU – Partenariat entre les langues – J.S. AUF Nouakchott, nov. 2007 3 Après discussion de cet ensemble d’études sur des contextes très divers (RDC, Cameroun, Guinée, …), nous savons désormais que les partenariats peuvent être équilibrés ou non, explicites ou non, conflictuels ou consensuels, puisque le réel est imparfait, mais qu’on peut les faire évoluer positivement, au bénéfice de chaque langue partenaire, puisqu’ils s’aménagent et sont question de volonté et d’engagement. C’est en ce sens que l’on peut en définitive décrypter l’expression nouvelle assez paradoxale qui a circulé ici et là : « s’approprier un partenariat ». Formes de partenariat et didactique L’examen a porté sur les actions dans le domaine de l’éducation qui contribuent à modeler ou à instaurer des partenariats linguistiques, au niveau des institutions et des pratiques éducatives, puis au niveau plus proprement didactique, et enfin pour ce qui est de l’enseignement de la littérature. Nous regroupons ici la réflexion sur ces trois volets La variété des contextes linguistiques et culturels amène à différencier les actions à proposer et l’évaluation des solutions adoptées. En effet, lorsque les langues en cohabitation sont apparentées ou non, de statut égal ou non, deux ou davantage, endogènes ou exogènes, la donne pour instaurer un partenariat linguistique est bien différente. Par ailleurs, les pratiques réelles avec leur dynamique échappent largement à la prescription par les institutions. Les langues ont leur dynamique propre, et particulièrement les langues en contact, comme le montrent la genèse et la diffusion de variétés de contact hybridées, dans le cas du Cameroun notamment. Le répertoire de communication pluriel d’un individu plurilingue est à sa disposition pour des fonctions référentielles, mais aussi symboliques, affectives, relationnelles, qui ne peuvent être gérées autoritairement. Ajoutons que l’adhésion des usagers est requise pour toute évolution planifiée, le risque sinon est celui du faire-semblant, perte sèche pour tout le monde. Et cela est vrai également pour les remaniements dans l’éducation. Ainsi, une réforme des langues à l’école qui ne recueillerait pas l’assentiment des parents et de la société civile ferait le lit des marchands d’éducation privés et accentuerait le clivage entre éducation pour tous et éducation des couches aisées. C’est pourquoi la consultation et l’information des populations est cruciale. La mission des linguistes ne saurait se borner à la production de connaissances techniques valides, mais doit aussi s’attacher à la vulgarisation de ces connaissances, à l’élaboration d’argumentations qui puissent être reçues et entendues au sein de la société. Les nouvelles options pour l’école reposent sur la notion de convergence. Encore faut- il préciser les enjeux en fonction des termes de cette convergence. Convergence des langues : il ne s’agit pas de conduire les langues en présence à se rapprocher et s’influencer mutuellement, elles le font bien toutes seules, à l’échelle historique, ce qui se manifeste par la variation intense qui les affecte ; cette variation Colette NOYAU – Partenariat entre les langues – J.S. AUF Nouakchott, nov. 2007 4 ne doit pas être occultée à l’école au profit d’un mythe de la langue pure, générateur d’insécurité. Il s’agit plutôt de permettre aux apprenants de maîtriser le cœur du système, de cibler une variété de référence propre à leur environnement sociétal, et de monter leur capacité à user de la variation contextuelle, dont une partie s’opère sur un axe de uploads/Philosophie/ noyau-colette-le-partenariat-entre-les-langues-mise-en-place-d-x27-une-notion-d-x27-amenagement-linguistique.pdf
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- Publié le Mai 08, 2022
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