De l’évaluation formative à la régulation maîtrisée des processus d’apprentissa
De l’évaluation formative à la régulation maîtrisée des processus d’apprentissage Vers un élargissement du champ conceptuel Philippe Perrenoud Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation Université de Genève 1997 La revue que présentent Black et Wiliam (1997) me semble très complète. Son organisation paraît respectueuse des sources anglophones. On pourrait souhaiter que de telles revues de la littérature, qui sont déjà des entreprises considérables, couvrent à l’avenir plusieurs aires linguistiques et, dans une certaine mesure, les mettent en contact. Une revue des travaux francophones donnerait sans doute une image différente des recherches sur l’évaluation formative. Je ne puis ici me faire le porte-parole d’une communauté scientifique dont les approches sont plurielles. Il me semble cependant fondé de dire que, depuis dix à vingt ans, les travaux francophones lient de plus en plus étroitement évaluation formative, didactique des disciplines et différenciation de l’enseignement, autour d’un concept intégrateur : la régulation individualisée des apprentissages. Je vais tenter d’expliciter et de justifier cet élargissement du champ conceptuel, sans prétendre à une synthèse. Black et Wiliam identifient l’évaluation formative à une pratique du feedback susceptible de renforcer les apprentissages. La tradition francophone met davantage l’accent sur les effets de régulation de l’intervention. Ce qui m’a incité à plaider pour une approche ouvertement pragmatique : est formative toute évaluation qui contribue à la régulation des apprentissages en cours (1991 b, 1991 c). Pragmatique ne signifie pas ici " purement intuitive " ou " sans base théorique ", mais caractérise l’évaluation formative par ses effets de formation. Cela suppose, dans l’immense majorité des cas, une intention formative, même si on ne peut exclure qu’une évaluation donnée sans visée formative produise des effets de régulation. Entendue dans ce sens, une évaluation formative n’est pas incompatible avec la notion de feedback, mais la simple présence d’un feedback n’est pas suffisante. (l’importance du feedback) – il faut donner un feedback – l’évaluation formative n’est pas seulement le fait de donner un feedback – les étudiant recèvent un feedback ils sont capables de voir ses erreurs, de voir comme améliorier). Cela pose évidemment un problème empirique. Il est plus simple d’observer des pratiques évaluatives que de cerner leurs effets. La revue de Black et Wiliam a choisi le " plus petit dénominateur commun ", autrement dit la pratique du feedback. Cela rend certes possible le rapprochement de recherches très diverses. On paie toutefois cet avantage assez cher. Il oblige en effet à faire abstraction : de la nature des feedback et des mécanismes cognitifs et socioaffectifs qu’ils sont censés activer chez les apprenants ; de leur insertion dans un contrat et un dispositif didactiques, et plus globalement une gestion de classe et un rapport pédagogique ; de leur rattachement à une conception de l’apprentissage et de l’enseignement ; de leur degré d’individualisation et de pertinence ; et surtout de leurs modes et effets de régulation des apprentissages. S’il fallait aujourd’hui planifier une revue de la littérature francophone sur l’évaluation formative, je tenterais de construire un champ conceptuel plus complexe que celui qu’ont retenu Black et Wiliam. Du coup, j’insisterais moins sur la comparaison des acquis d’élèves ayant reçu ou non un feedback. Sans doute n’est-il pas inutile de vérifier qu’un feedback régulier favorise des apprentissages plus substantiels, plus intégrés ou plus stables chez un plus grand nombre d’apprenants, donc que cette pratique accroît le niveau de maîtrise. Cela ne me paraît plus, cependant, la problématique centrale. Il me semble plus important de s’intéresser aux modèles théoriques de l’apprentissage et de ses régulations et à leurs mises en œuvre, qui constituent de véritables systèmes de pensée et d’action, dont les feedback ne sont qu’un élément. De ce point de vue, les travaux anglo-saxons apparaissent se réclamer soit du sens commun d’inspiration behavioriste, qui suggère que tout feedback aide à apprendre, soit de la pédagogie de maîtrise classique, avec la trilogie objectifs - tests critériés - remédiation. Entre Piaget et Vygotsky, les approches constructivistes de l’apprentissage et les apports des didactiques des disciplines ont poussé les chercheurs francophones à développer des modèles plus sophistiqués et systémiques de l’enseignement et de l’apprentissage. Ils les ont conduits, depuis près de vingt ans, à placer au centre du champ conceptuel la notion de régulation des processus d’apprentissage (Cardinet, 1986 a et b ; Allal, 1988 b). L’évaluation formative devient une source de régulation. Ni quelconque, ni marginale, mais une source parmi d’autres, inscrites elles aussi dans le système de travail et d’interaction. Régulation et autorégulation des apprentissages Un feedback est un simple message. Pourquoi aiderait-il à apprendre ? Parce que l’apprenant en tient compte, parce qu’il affecte son fonctionnement cognitif. Les théories de la communication nous enseignent que l’efficacité d’un message se mesure au niveau de son destinataire : une intervention, une information n’aident un élève à mieux apprendre que si elles modifient ses processus cognitifs. Façon abstraite de dire que nul n’apprend à la place du sujet. On ne peut que stimuler, renforcer, réorienter, recadrer, accélérer son fonctionnement mental, dans l’espoir d’infléchir ses processus d’apprentissage. (il n’est pas possible d’enseigner a quelq’un qui ne veux pas apprendre). Cette intention n’est suivie d’effet que si l’on trouve une entrée dans le système cognitif de l’apprenant. Il est inutile de lui adresser des messages, s’il les traite comme du bruit ou de la redondance, et non de l’information intelligible et pertinente, susceptible de l’aider à comprendre, mémoriser, assimiler des connaissances ou à construire des compétences. Du coup, il faut admettre qu’une partie des messages que l’enseignant conçoit comme des feedback ne jouent pas véritablement ce rôle pour l’élève, parce que leur forme, leur ton, leur contenu (verbal ou non verbal), le moment, la phase de travail et la situation d’interaction dans lesquelles ils surviennent ne lui permettent pas de les comprendre ou d’en " faire quelque chose ". ( le feedback est une message mais si l’apprenant ne comprend pas cette message, il ne va pas « faire quelque chose ») Donner régulièrement des feedback efficaces exige une bonne intelligence du fonctionnement des apprenants et de la façon dont ils intègrent les apports externes à leur processus de pensée. Cette intelligence doit être à la fois générale (dans le cadre d’une discipline et d’un programme destinés à des élèves d’un âge et d’un niveau moyen donnés) et particulière (dans la mesure où tous les apprenants ne fonctionnent pas de la même façon). On se trouve devant une triple difficulté : mêmes les modèles théoriques les plus pointus, proposés par la recherche, ne sont pas encore suffisants pour rendre compte avec précision du fonctionnement mental d’un apprenant en situation de classe et de son usage exact des feedback qu’il reçoit ; les professeurs agissent, la plupart du temps, à partir de modèles intuitifs encore plus rudimentaires que ceux des chercheurs, fondés sur l’expérience et le sens commun plus que sur une conceptualisation fine des fonctions cognitives ; c’est ainsi que les distinctions et les stratégies proposées par Astolfi (1997) à propos des erreurs des élèves sont bien loin d’être connues des enseignants ; même un enseignant disposant de tous les outils théoriques serait bien en peine de les mobiliser de façon optimale en situation, en raison des urgences à gérer et des incertitudes impossibles à lever en temps utile (Perrenoud, 1996 c). (C’est difficile de donner le feedback) Autant dire qu’une partie des feedback donnés aux élèves en classe sont comme des bouteilles lancées à la mer. Nul n’a la certitude que le message qu’elles contiennent trouvera un jour un destinataire… À la difficulté de penser et d’émettre, à bon escient et au bon moment, un feedback efficace et pertinent, s’ajoute, chez les enseignants, une assez fréquente confusion des niveaux de régulation. Parmi les régulations " orchestrées par l’enseignant " (Allal, 1993 a), il importe de distinguer la régulation des activités en cours de la régulation des processus d’apprentissage. La régulation des activités des élèves est plus facile à valider, puisque l’enseignant observe immédiatement les effets de ses interventions. Le métier d’enseignant consiste, dans une large mesure, à organiser, contrôler, aiguiller l’activité des élèves. La question est de savoir si la régulation des activités garantit la régulation des processus d’apprentissage. Enseigner de façon structurée, mais non rigide, favorise les apprentissages, de même que créer un climat de travail, induire le respect mutuel et la coopération entre élèves. Rendre les élèves actifs, les aider à se faire une meilleure représentation de la tâche et de sa finalité, les guider dans le choix des outils et des procédés, soutenir une démarche plus méthodique, un meilleur usage des ressources et du temps disponibles, une moindre dispersion de l’attention et de l’énergie : ce sont des aspects très importants du travail de l’enseignant qui visent le cadrage et la régulation des activités des élèves aux fins de favoriser leurs apprentissages. S’agit-il pour autant d’une régulation des processus d’apprentissage ? La question est d’abord conceptuelle : faut-il considérer toute influence sur les processus d’apprentissage comme une régulation, ou faut-il réserver ce concept à uploads/Philosophie/ perrenoud-evaluation-formative 4 .pdf
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- Publié le Mar 05, 2022
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