L'emploi des hypothèses selon Platon Author(s): Richard Robinson Source: Revue

L'emploi des hypothèses selon Platon Author(s): Richard Robinson Source: Revue de Métaphysique et de Morale, 59e Année, No. 3 (Juillet-Septembre 1954), pp. 253-268 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40899844 . Accessed: 30/07/2013 09:08 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue de Métaphysique et de Morale. http://www.jstor.org This content downloaded from 129.8.242.67 on Tue, 30 Jul 2013 09:08:09 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions L'emploi des hypothèses selon Platon Platon nous propose, surtout dans son Phédon, une façon d'employer les hypothèses dans la recherche de la vérité. D'abord, il faut faire une hypothèse, supposer quelque chose. Il faut choisir nos opinions inten- tionnellement plutôt que de les laisser couler inconsciemment dans nos oreilles, et il faut adopter des opinions plutôt que de rester indécis. Ces deux dernières thèses ne se trouvent pas explicitement proférées dans les dialogues, mais elles semblent être impliquées par ce qu'il dit sur l'em- ploi des hypothèses ; et la deuxième, à savoir qu'il faut adopter des opi- nions plutôt que de rester indécis, semble être une conséquence néces- saire de la méthode dialectique de question et réponse, selon laquelle le répondant répond à toute question, si ignorant qu'il soit du sujet dont on parle. En second lieu, on déduit des conséquences de l'hypothèse qu'on a posée. C'est une méthode de déduction, alors, une méthode qui consiste à explorer les conséquences, et à distinguer soigneusement entre les pré- misses et les conclusions. Le Socrate de YHippias Mineur dit : « Je mets ensemble les choses qui ont été dites, afin que je m'enseigne » (ffufAßißaCa) Ta XeyoVeva, iva jxdtôu), 369D). Cette déductivité apparaît claire- ment dans le Phédon, mais peut-être au plus clair dans la Ligne Divisée de la République ; car là il semble que Platon regarde la méthode des hypothèses, pour le cas des mathématiques au moins, comme se compo- sant de rien d'autre que la déduction. Ces deux opérations, la position de l'hypothèse et le tirage des consé- quences, ont pour but principal la démonstration d'une conclusion qu'on a voulu établir. Mais il se peut, selon la logique de Platon, que, parmi les conséquences de l'hypothèse, l'on en trouve une qui contredise, ou bien une autre conséquence de la même hypothèse, ou bien l'hypothèse elle-même. Ce contretemps, quand il arrive, nous oblige à abandonner l'hypothèse et recommencer avec une autre. On choisira comme seconde 1. Conférence à la Sorbonne, 1er avril 1954. 253 This content downloaded from 129.8.242.67 on Tue, 30 Jul 2013 09:08:09 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions Richard Robinson hypothèse naturellement celle qui, tout en promettant de nous conduire vers la même conclusion que nous désirons, ne nous mènera pas, espé- rons-le, à la contradiction qui ruina la première. Nous voyons, par ce trait, que la méthode des hypothèses de Platon consiste, en troisième lieu, en s'efforçant de toute manière de révéler et d'éviter toute contradiction. Voici comment le Socrate de Platon s'ex- prime contre la contradiction dans le Gorgias, 482 BC : « Tu dois alors ou réfuter, et montrer qu'il n'est point le dernier mal que de faire l'injuste sans être puni ; ou, si tu ne le réfutes pas, alors, par le chien qui est le dieu des Égyptiens, Callicles n'accordera point avec toi, Callicles. Il sera en désaccord avec toi pendant ta vie entière. Mais assurément, mon brave, il vaut mieux que ma lyre soit discordante et fausse, et l'opéra que je dirige, et que la plupart des hommes soient en désaccord avec moi et me contredisent - tout cela vaut mieux que si moi-même, quoiqu'une seule personne, je suis en désaccord avec moi-même et je me contredis. » La même métaphore d'accord et de désaccord apparaît de nouveau quand Socrate décrit la méthode des hypothèses dans le Phédon : « Je pose à chaque occasion la thèse que je juge la plus forte, et puis je pose comme vrai tout ce qui me semble s'accorder avec cette thèse » (100 A). Quand Platon nous montre Hippias qui s'acharne à suivre le sens commun, n'importe quelle contradiction qu'il peuve entraîner, il révèle à quelle sorte de chose s'oppose son idéal de la conséquence ; et par les paradoxes qu'il met dans la bouche de son Socrate dans le Gorgias, il nous dit quel prix il veut payer pour atteindre cet idéal. Il faut éviter et la contradiction directe d'affirmer et de nier la même proposition, et la contradiction indirecte d'affirmer un ensemble de pro- positions tel que quelques-unes, par une suite d'implication plus ou moins longue, impliquent la fausseté d'une autre. Éviter la contradiction directe, ça n'est pas, naturellement, ne jamais changer son opinion ; c'est ne jamais poser à la fois la vérité et la fausseté de la même proposition. Nous lisons République, 345 B : « Quelque proposition que tu énonces, reste avec elle. Ou, si tu changes ton opinion ^Tomdri), change ouvertement et ne nous trompe pas. » Tout changement d'opinion doit se faire explicitement et ouvertement. C'est-à-dire, il doit être en réalité une « position » ou oéffôat. Celui qui cherche à rendre toutes ses opinions d'hypothèses explicites plutôt que croyances inconscientes entretient moins souvent une contradiction directe. Éviter les contradictions indirectes, ce n'est pas entretenir très peu d'opinions, et d'opinions sans relation les unes aux autres. C'est plutôt systématiser nos opinions dans un seul corps de croyances accordantes. On accomplit cela en explorant les conséquences des opinions. L'elen- chos Socratique est l'exploration des conséquences d'un ensemble d'hy- pothèses, qui révèle entre elles une contradiction indirecte. Alors nous sommes forcés, par l'idéal de la conséquence logique, de choisir parmi 254 This content downloaded from 129.8.242.67 on Tue, 30 Jul 2013 09:08:09 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions V emploi des hypothèses selon Platan nos hypothèses et d'abandonner l'une d'elles. Le Socrate des dialogues met fréquemment un tel choix devant ses compagnons ; dans le Phédan* 92 C,par exemple, Simmias doit abandonner ou son opinion qu'apprendre soit se souvenir ou son opinion que l'âme soit une harmonie. La méthode des hypothèses consiste, en quatrième lieu, à tenir les opinions provisoirement et non pas dogmatiquement. D'un côté il faut former des hypothèses plutôt que de rester indécis ; mais de l'autre côté il faut toujours se rendre compte que ces hypothèses peuvent être fausses, et s'apprêter à les abandonner si la conséquenoe logique l'exige. Répu- blique, 388 E : « II faut être persuadé par le raisonnement, jusqu'à ce que quelqu'un nous persuade avec un autre qui soit meilleur. » Et dans République, 436-437, qui est en général un exemple excellent de la mé- thode des hypothèses, nous lisons : « Mais quand même, dis-je, afin que nous ne soyons pas obligés d'attendre assez longtemps pour examiner toutes objections de la sorte et nous convaincre qu'elles soient fausses, nous voulons supposer qu'il soit ainsi et passer à la chose suivante, en convenant que, si jamais ces choses paraissent être en vérité autrement que nous avons posé, toutes nos conséquences seront abolies. » Ce pro- visoire entraîne qu'on est toujours prêt à considérer de nouveau toute hypothèse et toute déduction. Il faut reconnaître que le Socrate des dia- logues ne les revise pas souvent ; mais c'est simplement parce que Pla- ton ne pourrait guère faire agir ainsi son Socrate sans devenir ennuyeux. Par ce provisoire de sa méthode, Platon ne veut point indiquer une timidité ou une faiblesse dans la manière de maintenir les opinions. Si on le lui avait demandé, il aurait répondu qu'une hypothèse, tant qu'elle n'est pas réfutée, doit être maintenue avec vigueur et suivie avec con- fiance. « Ou bien réfutons ces choses et démontrons qu'elles sont mal dites, ou, tant qu'elles restent non réfutées, ne disons jamais que », etc. (Rép., 610 A). « Qu'il nous persuade par une réfutation que nous parlons mal ; ou bien, tant qu'il ne le peut pas, il doit dire comme nous que », etc. (Sph., 259 A). La méthode des hypothèses semble, par conséquent, être une méthode d'approximation, quoiqu'on ne la qualifie jamais de la sorte dans les dia- logues. Nous remanions toujours le système de nos opinions, selon que les déductions nous révèlent des contradictions. De cette façon nous les rendons toujours un peu plus justes. Mais il paraît que nous ne pourrons jamais les rendre définitives. Il reste toujours la possibilité que se pré- sente encore une autre contradiction, et la méthode ne possède auoun moyen de changer le provisoire en certain. Platon, à la longue, arriva à considérer uploads/Philosophie/ presses-universitaires-de-france.pdf

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