1 « Antagonisme et subjectivation dans la philosophie française contemporaine :
1 « Antagonisme et subjectivation dans la philosophie française contemporaine : Michel Foucault, Jacques Rancière, Félix Guattari » Nelson Fernando ROBERTO ALBA1 Projet de thèse sous la direction de Fabienne Brugère Laboratoire Logiques Contemporaines de la Philosophie (LLCP) Ecole Doctorale Pratiques et Théories du sens (ED 31) Université Paris VIII Vincennes Ce projet de recherche porte sur l’analyse des modes de subjectivation collective mise en œuvre dans les processus d’antagonisme et de conflit politique, à l’égard de travaux philosophiques de Michel Foucault, Jacques Rancière et Félix Guattari. Il s’inscrit dans un prolongement du travail de recherche mené en Master en Philosophie et critiques contemporaines de la culture, à l’Université Paris VIII, intitulé « Subjectivation éthique et pouvoir politique chez Michel Foucault : une relation antagonique ? ». Il s’agit d’une recherche inscrite dans le domaine de la philosophie politique au XXe siècle en France, qui cherche mettre en relation les lectures de ces auteurs par rapport au caractère paradoxale de la subjectivation et son rapport avec leur compréhension de la politique ou du politique comme une dimension conflictuelle permanente, une mésentente ou un antagonisme. On cherche établir une cartographie de ces approches critiques qui prennent la conflictualité et l’hétérogénéité des acteurs sociaux comme point de départ pour repenser la philosophie politique contemporaine. Loin d’une herméneutique et d’une phénoménologie de la reconnaissance, d’une théorie de la communication visant l’établissement rationnel du consensus et d’une théorie néo-pragmatique du contrat social, ces approches critiques portent sur l’analyse de l’antagonisme comme dynamique inhérente à l’exercice de la politique et au même temps sur la question de la subjectivation comme étant une scène riche où des agencements politiques multiples et hétérogènes peuvent avoir lieu. Dans un petit ouvrage2Alain Badiou considère « la question du sujet » et « l’engagement politique » comme étant deux aspects caractéristiques de la philosophie de la seconde 1Contact :nelsonalba@hotmail.com 2Voir Badiou, A. « Préface » in L’aventure de la philosophie française depuis les années 1960, La Fabrique, 2012, pp.12-14. 2 moitié du XXe siècle en France. D’après le philosophe, il y une bataille conceptuelle autour de la notion de sujet et, de plus, un engagement de la philosophie dans la question politique qui a pris la forme d’une recherche d’un nouveau rapport entre le concept et l’action collective. D’ailleurs, ajoute Badiou, cet engagement de la philosophie dans les situations politiques « a été sous-tendu par la quête d’une nouvelle subjectivité, y compris conceptuelle, qui soit homogène a la puissance émergence des mouvements collectifs »3. En effet, on peut considérer qu’une part la réflexion philosophique (celle du marxisme, de la psychanalyse et du dit « nietzschéisme français ») a été marquée par les profondes ruptures socio-politiques des années soixante et des années quatre-vingt. Dans ce sens, la mise en question de la politique entraîne aussi une critique sur les processus de production d’un individu assujetti, discipliné et normalisé par l’exercice du pouvoir politique. Or, après les analyses structuralistes et leurs lectures négatives du sujet, il y eu aussi des réflexions sur la possibilité d’un sujet venant après la « mort du sujet », c’est-à-dire d’un individu qui reste hétérogène à l’égard de l’assujettissement dans lequel il a été produit et qui, en conséquence, semblerait être capable de contester le pouvoir politique et même de créer d’autres formes d’agencement politique. C’est ainsi qu’on parle de « subjectivation » pour assigner une modalité de production du sujet incompatible avec les formes de production hégémoniques de la théologie chrétienne, de la science moderne et du capitalisme contemporain. Afin de restituer la question de l’antagonisme dans la politique et son rapport avec la subjectivation dans le cadre des analyses historiques et philosophiques en France, on propose d’aborder deux aspects décisifs dans ce projet de recherche : I Le travail philosophique en France à partir de 1960 comme une désubjectivation de la philosophie et une subjectivation de la politique ; II La question de l’antagonisme et la subjectivation dans les travaux de Foucault, Guattari et Rancière. Dans un troisième moment on énonce le problème, les objectifs et le plan de travail de ce projet de recherche. 3Ibid., p. 15. 3 I Philosophie en France au XXe siècle Que s’est-il passé, pour la pensée en France, pendant les années 60 ? Comment comprendre aujourd’hui ce qui s’est passé ? Est-il possible (et souhaitable) d’en tirer des problématiques et des réflexions qui nous concernent encore aujourd’hui ? Moment fort pour l’ethnologie, la psychanalyse, la linguistique et la critique littéraire mais aussi pour la philosophie, le mouvement de la pensée aux années 1960 en France est un point de référence presque obligatoire, dans la philosophie contemporaine, pour comprendre la mise en question du sujet et sa place dans la société et la culture. Certes, on ne peut pas réduire le travail intellectuel du moment à la question du sujet mais on peut concevoir cette question comme étant un aspect qui traverse les diverses disciplines, méthodes et même les événements sociaux et politiques de l’époque comme Mai 68. Par rapport à la philosophie, la critique du structuralisme au statut du sujet dans l’existentialisme et la phénoménologie4 met en évidence l’existence précaire et contingente du sujet dans l’histoire et ses principales caractéristiques : liberté, conscience, volonté. Dans ce sens, le sujet apparaît, émerge comme un produit de la structure, un reste ou résidu des diverses machines sociales ; un sujet assujetti avec une place et rôle sociale assignés dans un partage du sensible et non pas un sujet souverain, condition de possibilité de la politique serait par conséquence le type du sujet propre de la réflexion du dit structuraliste. D’ailleurs, cette critique du sujet peut être interprétée comme un effet de la lecture des maîtres du soupçon (Nietzsche, Freud, Marx) utilisés comme des outils pour mettre en question le cogito cartésien, le sujet transcendantal kantien et la dialectique hégélienne, parmi d’autres fondements philosophiques du sujet. Le travail des auteurs du dit poststructuralisme illustre bien « la conversion des questions phénoménologiques en questions épistémologiques ; changement d’accent dans lequel la subjectivité est réduite à des processus de subjectivation transitoires et contingents ou à une fonction dérivée ». 4Voir Descombes, V. Le même et l’autre. Quarante-cinq ans de philosophie française (1933-1978). Editions de Minuit, 1979, p. 93-100. 4 On pourrait donc parler d’une « désubjectivation de la philosophie », comme le fait Frédéric Rambeau5, pour caractériser un des mouvements de la pensée après 68 en France. Cependant, au de-là d’une lecture critique sur la production d’un individu assujetti et produit par des structures, dispositifs et machines sociales, la philosophie des années soixante en France demeure un vrai theatrum philosophicum où paradoxalement on assiste à une « désubjectivation du travail philosophique » et corrélativement à une « subjectivation de la politique ». Mais bien avant de développer cette question qui semble un peu ambigüe, il faut préciser pour quoi-t-on conçoit des années soixante comme un « moment philosophique » et en quoi ce moment philosophique est-il important pour notre recherche sur l’antagonisme et la subjectivation ? En effet, Frédéric Worms6 opte pour parler de « moment philosophique » afin de caractériser l’histoire de la philosophie en France au XXe siècle. Cependant, il s’agit d’une histoire de la philosophie qui ne suit pas un ordre chronologique d’apparition de chaque philosophie sur scène mais qui s’organise à travers de moments distincts et cohérents, faits des relations ouverts et tendues entre des œuvres singulières, autour de problèmes précis.7 Il est bien connue une certaine lecture de la philosophie des années soixante dans les termes de « pensée 68 », laquelle, succédant mais au même temps contemporaine aux 5Voir Rambeau, F. “Subjectivation politique et radicalisation de la position subjective chez Deleuze et Guattari” in Tumultes, 2014/2, (n°43), p. 141-156. 6 Worms, F. La philosophie en France au XXe siècle. Gallimard, 2009, p. 9-19. 7 Patrice Maniglier, en reprenant le concept développé par Worms, propose cinq hypothèses méthodologiques pour saisir le moment philosophique des années soixante : 1) « qu’il s’est passé effectivement quelque chose dans les années 1960, qu’elles ne furent pas seulement le théâtre d’une illusion ou d’une ivresse passagère, mais bien l’irruption d’un réel pour la pensée » ; 2) « que ce quelque chose est commun, que ces ruptures ne sont pas disséminées ici ou là, qu’il ne suffit pas de reconnaitre individuellement le mérite de telle ou de telle œuvre, celle de Lévi-Strauss, de Foucault, de Deleuze ou de Derrida, mais qu’il faut tenter de comprendre ce qui organise leur espace commun de possibilité » ; 3) « que cette unité ne tient pas à une thèse commune ou une orientation positive partagée, mais plutôt à certains problèmes bien déterminés, qu’il s’agit de ressaisir » ; 4) « que ces problèmes ne sont pas d’abord philosophiques, mais au contraire viennent d’ailleurs que la philosophie, quitte à rouvrir du dehors et faire de nouveau sentir l’exigence de philosopher » ; 5) […] que ce n’est que dans l’après-coup de ce travail que, à travers les méandres par lesquels il s’est lui-même perdu, que nous pouvons uploads/Philosophie/ projet-de-recherche-fernando-roberto.pdf
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- Publié le Oct 22, 2022
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