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Tous droits réservés © Protée, 2000 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 12 mai 2022 15:10 Protée Origine, provenance et surgissement. La recherche de la cause originale dans le platonisme grec Georges Leroux Variations sur l’origine Volume 28, numéro 1, 2000 URI : https://id.erudit.org/iderudit/030579ar DOI : https://doi.org/10.7202/030579ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Département des arts et lettres - Université du Québec à Chicoutimi ISSN 0300-3523 (imprimé) 1708-2307 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Leroux, G. (2000). Origine, provenance et surgissement. La recherche de la cause originale dans le platonisme grec. Protée, 28(1), 7–18. https://doi.org/10.7202/030579ar Résumé de l'article La conception philosophique grecque de l’origine s’amorce avec la recherche présocratique des causes premières et se développe dans la métaphysique de Platon. La doctrine platonicienne intègre les éléments narratifs de la physique et des cosmogonies antérieures, mais elle entreprend de les transformer par la position d’une origine du monde qui soit hors du temps. Cette étude examine plusieurs aspects de cette conception, en particulier dans le texte du Timée et dans le néoplatonisme postérieur. 7 PROTÉE, PRINTEMPS 2000 – page 7 ORIGINE, PROVENANCE ET SURGISSEMENT LA RECHERCHE DE LA CAUSE ORIGINAIRE DANS LE PLATONISME GREC GEORGES LEROUX Pour Steve Maskaleut La résonance de l’origine envahit le champ entier de la pensée grecque, mais dans le moment même où cette pensée s’exerce, de toutes ses forces, à tendre les dimensions qui pourraient capter l’origine dans le temps, elle travaille également dans une autre direction, soutenue par un effort qui est celui de la métaphysique, à déporter hors du temps la puissance de cette origine. Elle parvient ainsi, et principalement dans le platonisme, à constituer comme origine du temps une cause exemplaire qui en est radicalement séparée. Cette double portée de la pensée grecque a captivé tous les interprètes, et notamment Hegel, qui y ont vu le signe d’une culture obsédée par la force corruptrice du temps et profondément désireuse de parvenir à la réconciliation que seules autorisent la position du déterminisme et la pensée du temps cyclique. Une perfection atemporelle peut-elle sauver le temps du désastre qui le mine en son principe␣? C’est la tentative extrême de la métaphysique grecque. On parvient ainsi à une représentation du devenir qui échappe aux apories de l’origine, puisque le devenir n’est pas le déroulement d’un processus dont l’esprit pourrait entreprendre de retracer le point de départ, mais la répétition insondable des effets éloignés et imparfaits d’une cause séparée et parfaite. Une origine qui ne serait qu’un point de départ serait liée au processus qu’elle déclenche et elle en ferait partie, alors qu’il est question de poser une origine transcendante qui soit en même temps provenance et surgissement. Car l’éternité du monde, qui constitue pour la pensée grecque une position de dépassement, n’implique pas qu’il soit privé d’origine. Le platonisme représente à lui seul l’exemple d’un monde de pensée où ces deux efforts sont développés de manière conjointe, puisqu’on y trouve aussi bien le désir de l’origine et le projet de la retrouver en s’y reliant par la philosophie que l’affirmation de l’absolue séparation et de la distance qui infiniment détache de ce qui est originaire. Ce double mouvement structure déjà le texte de Platon, mais il ne s’accomplit de manière synthétique et véritablement réconciliée – quelques siècles plus tard – que chez Plotin et à partir de lui chez Proclus et chez Damascius. Les mythes de chute PLATONISME GREC 8 et de retour, repris de l’orphisme et du pythagorisme, contribuent à en nourrir la représentation, mais pour l’essentiel, dans la tradition platonicienne, ce mouvement trouve sa substance dans la philosophie. Le langage requis pour exprimer ce mouvement ne pouvait pas ne pas se nourrir de ces métaphores indépassables de la source et du surgissement. Pourquoi indépassables␣? Parce que ces métaphores se trouvent privées dès le point de départ d’une interprétation neutre, qui constituerait leur portée métaphysique propre. Comme les images de la lumière et de la clarté, elles ne possèdent aucun en- deçà purement métaphysique qui, agissant comme leur sens propre, condamnerait leur expression figurée au statut d’un registre primitif et interprétable. La limite du langage de la métaphysique se tient ici, sur le seuil de ces expressions de l’origine qui présentent le temps dans sa manifestation pure. Le rapport à l’origine est d’ores et déjà celui d’une provenance et d’un surgissement, et de manière tout à fait significative, contrairement aux langues qui en dérivent, la langue grecque n’investira pas fortement dans son lexique ce rapport métaphysique. On pense ici, par comparaison, à la richesse de la langue allemande, qui concentrera dans une myriade de composés la pensée de ce qui est -ur, la pensée de ce qui surgit en provenant, saisi dans le seul mouvement de cette provenance. Que va choisir la langue philosophique grecque pour tenter de saisir l’originarité␣? On peut isoler deux registres␣: le premier, qui se structure déjà dans la pensée présocratique, est celui de l’arkhè, un terme dont la sédimentation dans la langue poétique est d’une richesse considérable et qui va conduire, dès Platon, à la conceptualisation de la causalité␣; le second est la purification du langage de la provenance et du surgissement, dans un surinvestissement abstrait du langage prépositionnel du génitif. Les prépositions ek et apo, dont la complémentarité se montre justement dans la structure du cas qu’elles commandent, vont devenir, dans le moyen et dans le néoplatonisme, le vecteur principal de la métaphysique de l’origine, à laquelle elles fourniront le langage d’une dépendance pure, isolée par l’absence de termes, de toute référence temporelle, de toute histoire. Ainsi pourra s’instaurer une pensée du principe et de l’arkhè, purifiée de toute signification entachée par la concrétude d’une origine dans le temps. Le paradoxe de l’origine grecque trouve dans ce langage extrême son expression la plus parfaite␣: l’origine, recherchée pour penser le temps, n’est pensable que dans une dépendance qui sacrifie le temps et qui ouvre sur une altérité absolue, que les penseurs néoplatoniciens penseront comme différence pure. Dans l’exposé qui suit, je propose de reparcourir ces deux registres, dans le but d’en montrer la complémentarité␣: aucune pensée de la cause ne peut se passer d’une pensée de la différence, et si l’origine leur est commune, il faut tenter de voir ce qui dans la causalité est pensée de la dépendance comme provenance et surgissement, mais dans ce moment même, saisir également comment cette dépendance est l’expression de la différence pure. I. L’ARKHÈ PREMIÈRE L’histoire de l’arkhè montre un concept d’une ample équivocité, ouvert aussi bien sur les significations de la cause originaire que sur les éléments de la physique qui déterminent la nature. S’agit-il de principes originaires, s’agit-il de matières élémentaires et ultimes␣? Il semble impossible d’éclairer le sens de l’arkhè sans faire intervenir le concept de la phusis, en voie d’être saisie comme nature et comme être dans la pensée des présocratiques. Mais ce chemin est déjà bien balisé, il a été l’objet de travaux admirables et son sens apparaît plutôt dans sa destination que dans son point de départ␣1. Le point de départ est la recherche de l’élément primitif et déterminant, saisi comme cause, chez les présocratiques et la destination est son aboutissement dans la métaphysique de Platon, qui se réapproprie l’ensemble des significations présocratiques pour les articuler dans une métaphysique de la causalité. Platon fait lui-même, dans le Phédon, le récit de ce développement et sa critique de la pensée présocratique suppose acquise la position d’une cause transcendante. Les aspects de 9 cette métaphysique qui appartiennent encore au récit du Peri phuseôs ancien sont certes nombreux et ils paraissent indissociables de l’effort pour penser l’arkhè hors du temps␣2. Il y a toujours en effet, sur l’horizon de la métaphysique, une tentative de penser un «␣au commencement␣», dont l’ultime expression se retrouve dans le Timée. C’est là que nous devons la reprendre, car c’est dans le Timée que l’origine comme cause est présentée par Platon dans un discours qui accepte le discours vraisemblable du mythe ancien, c’est-à-dire de la cosmologie d’Hésiode et des présocratiques, mais qui cherche à en transcrire la physique sur un registre supérieur. La synthèse entre la narration de l’origine et la métaphysique intemporelle atteint dans ce dialogue son point de tension ultime. Le projet de dire ce qui s’est passé la première fois, ce qui a été non seulement le premier événement, mais l’événement même du monde en tant que phusis, est en effet déjà au foyer de l’épopée et des généalogies hésiodiques. La Théogonie doit raconter comment les dieux naquirent et cette naissance est elle-même, en son principe, la métaphore de toute l’entreprise de la pensée␣3, dans la mesure où la pensée uploads/Philosophie/ protee-origine-provenance-et-surgissement-la-recherche-de-la-cause-originale-dans-le-platonisme-grec.pdf

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