OU M ME AUTEUR Jacques Ranciere Aux Éditions Galilée LA MÉSENTENTE. Po/itique e
OU M ME AUTEUR Jacques Ranciere Aux Éditions Galilée LA MÉSENTENTE. Po/itique et phiiDsophie, 1995. LA CHAIR DES M0TS. Politiques de Lí!criture, 1998. L']NCONSCIENT ESTHÉTIQUE, 2001. MAwSE DANS L'ESTIIÉTIQUE, 2004. P0LITIQUE DE LA LITTÉRATURE, 2007. Chez d'autres éditeurs LA LEÇON o'ALTHUSSER, Gallimard, 1974. LA NuIT DES PR0LÉTAIRES. Archives du rroe ouvrier, Fayard, 1981 ; rééd. Hachette, coll. « Pluriel », 1997. LE PHILOS0PHE ET SES PAlNRES, Fayard, 1983. LoUis-GABRIEL GAUNY. Le phiiDsophe pliblien (éd.), Presses universitaires de Vincennes, 1985. LE MAtrRE IGN0RANT. Cinq kçons sur l'émancipation inte!kctuelk, Fayard, 1987; rééd. 10/18, 2004. Aux BORDS ou POLITIQUE, Osiris, 1990 ; rééd. Gallimard, coll. « Folio », 2004. C0URTS V0YAGES AU PAYS DU PEUPLE, Le Seuil, 1990. LES N0MS DE L'HISTOIRE. Essai de poltique du savoir, Le Seuil, 1992. MALLARMf. La politique de la sirene, Hachette, 1996. ARllT SUR HISTOIRE, avec Jean-Louis Comolli, Centre Gcorges-Pompidou, 1997. LA PAROLE MUETTE. Essai sur ks contradictions de la littlrature, Hachette, 1998. LE PARTAGE OU SENSIBLE. Esthltique et politique, La Fabrique, 2000. LA FABLE CINtMATOGRAPHIQUE, Le Seuil, 2001. LE ÜESTIN DES IMAGES, La Fabrique, 2003. LES Sc NES DU PEUPLE, Horlieu, 2003. Malaise dans l'esthétique x-.x X"■ Galilée Ir.,, ! · 1: rt f .. .. · ) J . -f: : li:> 200 4, fil>ITIONS GALIW, 9, ruc Lin né, 75005 Paris. En application de b !oi du 11 mm 1957, il cst interdit de reproduire intégralcmem ou partidlcmcnt le présem ouvragc sans autorisation de l'édiccur ou du Centre français d'cxploitation du droi1 de copie (CFC), 20, ruc dcs Grands-Augustins , 75006 Paris. L:esthétique a mauvaise répuration. II ne se passe guere une année sans qu'un ouvrage nouveau proclame soit la fin de son temps, soit la perpétuation de ses méfaits. Dans l'un ou l'autre cas, l'accusation est la même. L:esthétique serait le discours captieux par lequel la philosophie ou une certaine philosophie détourne à son profü le sens des ccuvres de l'art et des jugements de gout. Si l'accusation est constante, ses attendus variem. 11 y a vingt ou trente ans, le sens du proces pouvait se ré- sumer dans les termes de Bourdieu. Le jugement es- thétique « désintéressé », tel que Kant en avait fixé la formule, était le lieu par excellence de la « dénégation du social 1 ». La distance esthétique servait à dissimuler une réalité sociale marquée par la radicale séparation en- tre les « gouts de nécessité » propres à l' habitus populaire et les jeux de la distinction culturelle réservés à ceux-là seuls qui en avaient les moyens. Une même inspiration animait, dans le monde anglo-saxon, les travaux de l'histoi- re sociale ou culturelle de l'art. Les uns nous montraient, derriere les illusions de 1'art pur ou les proclamations 1. Pierre Bourdieu, La Distinction. Critique sociak du jugm,mt, Minuic, 1979. 1 5-." ). ISBN 978-2-7186-0662-0 ISSN 0768-2395 9 Malaise dam lesthétique Introduction des avant-gardes, la réalité des contraintes économiques, politiques et idéologiques fixam les conditions de la pratique artiscique1• Les autres saluaienc, sous le citre The Antí-.Aesthetic,l' avenement d' un are postmoderne rom- pant avec les illusions de l'avant-gardisme 2• Cette forme de critique n'est plus guere à la mode. Depuis vingt ans, I'opinion intellectuelle dominante n'en finit pas de dénoncer dans coute forme d' ex:plica- tion « sociale » une complicité ruineuse avec les utopies de l' émancipation dédarées responsables de l'horreur totalitaire. Et, de même qu'elle chance le retour à la pu- re policique, elle célebre à nouveau le pur face-à-face avecI'événement inconditionné de I'reuvre. On aurait pu penser que I'esthétique sortirait blanchie de ce cours nouveau de la pensée. Apparemment, il n'en est rien. Laccusation s'est simplement renversée. Lesthétique est devenue le discours pervers qui interdit ce face-à-face en soumettant les reuvres, ou nos appréciations, à une machine de pensée conçue pour d'autres fins : absolu philosophique, religion du poeme ou rêve d'émancipa- tion sociale. Ce diagnostic se laisse sans probleme écayer par des théories antagoniques. I..:Adieu à l'esthétique de 1. Parmi les nombreux travaux publiés en ce sens par les histo- riens sociaux et culturels de l'art, on retiendra tout particuliere- ment les ouvrages de Timothy J. Clark, Le Bourgrois absolu: ks artistes et la politiqur en France de 1848 à 1851, An :Édition, 1992, et Une lmagt du peupk : Gustave Courbet et la Révolution de 1848, Art Édition, 1991. 2. Hal Foster (éd.), TheAnti-.Amhdic. Essays onPostmodern Culture, New York, The New Press, 1998. Jean-Marie Schaeffer fait ainsi écho au Petit manuel d'inesthétiqued'Alain Badiou. Les deux pensées sont pour- tant aux antipodes I'une de l' autre. Jean-Marie Schaeffer s'appuie sur la tradition analytique pour opposer l'ana- lyse concrete des attitudes esthétiques aux errements de l'esthétique spéculative. Celle-ci aurait substitué à I'écude des conduices esthétiques et des pratiques artisciques un concept romantique de l'absolu de l'An, afio de résoudre le faux probleme qui la tourmentait : la réconciliation de l'intelligible et du sensible. Alain Badiou pare, lui, de principes tout opposés. C'est au nom de l'Idée platoni- cienne dont les reuvres de l'are sont les événements qu'il rejette une esthétique qui en soumet la vérité à une (anti) philosophie compromise dans la célébration romantique d'une vérité sensiblc du poeme. Mais lc platonisme de l'un et l'anti-platonisme de l'autre s'accordent pour dé- noncer dans l'esthétique une pensée du mélange, partici- pant de la confusion romantique entre la pensée pure, les affects sensibles et les pratiques de l'art. Lun et l'autre y répondent par un príncipe de séparation qui mct les élé- ments et les discours à lew place. En défendant, contre I'« esthétique philosophique », les droits de la (bonne) philosophie, ils se moulent encore dans le discours du sociologue anti-philosophe qui oppose la réalité des atti- tudes et des pratiques à l'illusion spéculative. Ils s'accor- dent ainsi à l'opinion dominante, qui nous montre la glorieuse présence sensible de I'art dévorée par un dis- cows sur l'art qui tend à devenir sa réalité même. On retrouverait la même logique dans des pensées de l'art fondées sur d'autres philosophies ou anti-philoso- 10 11 Malaise dans l'esthltique lntroduction phies, par exemple chez Jean-François Lyotard, ou c'est la frappe sublime du trair pictural ou du timbre musical qui est opposée à l'esthétique idéaliste. Tous ces discours criciquent semblablement la confusion esthétique. Plus d'un, en même temps, nous laisse voir un autre enjeu impliqué par cette « confusion ►> esthétique : réalicés de la division en classes opposées à l'illusion du jugement désintéressé (Bourdieu), analogie des événements du poeme et de ceux: de la polirique (Badiou), choc de l'Autre souverain opposé aux illusions modernistes de la pensée qui se façonne un monde (Lyotard), dénonciation de la complicité entre l'utopie esthétique et l'utopie tota- litaire (le chreur des sous-traitants). La distinction des concepts n'est pas pour rien homonyme de la distinction sociale. À la confusion ou à la distinction esthétique s'at- tachent clairement des enjeux qui touchent à I'ordre so- cial et à ses transformations. Les pages qui suivent opposent à ces théories de la dis- tinction une these simple : la confusion qu'elles dénon- cent, au nom d'une pensée qui met chague chose dans son élément propre, est en fait le nreud même par lequel pensées, pratiques et affects se trouvent instirués et pour- vusde leur territoire ou de leur objet « propre ». Si « esthé- tique» est le nom d'une confusion, cctte « confusion » est en fait ce qui nous permet d'identifier les objets, les modes d'expérience et les formes de pensée de l'art que nous prétendons isoler pour la dénoncer. Défaire le nreud pour mieux discerner en leur singularité les pratiques de l'art ou les affects esthétiques, c'est peut-être alors se con- damner à manquer cette singularité. Prenons-en un exemple. Jean-Marie Schaeffer veut dénoncer la confusion romantique en nous montrant l'indépendance des conduites esthétiques à l'égard des reuvres d' art et des jugements qu' elles suscitem. II utilise pour cela un petit passage de la Vie de Henry Brulard, ou Stendhal évoque les premiers bruits - insignifiants - qui, dans l'enfance, l'ont marqué: les cloches d'une égli- se, une pompe àeau, la fltlte d'un voisin. II compareces souvenirs avec ceux d'un écrivain chinois, Shen Fu, évo- quant les montagnes qu'il voyait, enfant, dans des tau- pinieres perçues à ras de terre. II y voit le témoignage d'« attitudes esthétiques », identiques à travers les cul- tores, et qui ne visent pas les reuvres de l'art. Il est aisé pourtant d'y voir tout le contraire. En participant à l'invention d'un genre littéraire qui brouille les fron- tieres - la vie de 1'artisce comme reuvre -, Stendhal met en place ce qui est appelé à devenir la forme exemplaire de la narracion romanesque nouvelle: la juxtaposition de micro-événements sensibles dont la résonance, à tra- vers les couches de temps, s'oppose à I'ancien enchai- nement des actions volontaires et de leurs effets voulus et non voulus. Bien loin de démontrer l'indépendance des attitudes esthétiques à l'égard des reuvres de l'art, il témoigne d'un régime esthétique ou se brouille la dis- tinccion entre les choses qui appartiennent à uploads/Philosophie/ ranciere-malaise-dans-l-esthetique.pdf
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- Publié le Jan 21, 2021
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