Sécurité humaine : Clarification du concept et approches par les organisations
Sécurité humaine : Clarification du concept et approches par les organisations internationales Quelques repères Document d’information Janvier 2006 Délégation aux Droits de l’Homme et à la Démocratie Délégation aux Droits de l’Homme et à la Démocratie 2 Sécurité humaine : Clarification du concept et approches par les organisations internationales. Quelques repères.1 Dans le renouvellement des concepts des relations internationales faisant suite au bouleversement des relations internationales depuis la fin de la Guerre froide, celui afférent à la sécurité humaine figure parmi l’un des plus novateurs. Plus qu’un concept, la sécurité humaine recèle des approches et des outils nouveaux qui sont mis à la disposition de la communauté internationale. Toutefois, l’importance grandissante qu’elle présente aujourd’hui dans les relations internationales, appelle une clarification de son sens réel. Cet exercice est d’autant plus légitime que les acteurs des relations internationales, en s’en emparant, lui donne, à chacun une signification le plus souvent différenciée. Par ailleurs, une revue de l’approche différenciée qu’en font les organisations internationales2, lesquelles constituent l’un des principaux relais de sa notoriété, permettra, de mesurer la portée réelle de son autorité alors qu’elle propose une vision alternative des enjeux de la paix et de la coopération internationale, en prenant les individus et leurs expériences comme le principal point de référence. I. LE CONCEPT DE SECURITE HUMAINE A la fin de la Guerre froide, la communauté internationale a commence à remettre en question le bien fondé du concept classique de sécurité, fondé sur celle des Etats, lorsqu’elle s’est rendue compte de l’opportunité d’interpeller et d’appréhender la question de l’insécurité au niveau des individus. Un consensus s’est progressivement dégagé sur la nécessité d’élargir et d’approfondir le concept de sécurité, en prenant en compte le contexte politique de la fin de la bipolarité du monde. Une meilleure collaboration est également devenue possible entre les instances gouvernementales en charge du développement, des affaires étrangères et de la défense, offrant ainsi une nouvelle base aux relations Nord/Sud sur ces questions. C’est dans ce contexte particulier que le concept de sécurité humaine est apparu, pour intégrer, peu de temps après l’agenda politique mondial du développement3. 1 Rajaona Andrianaivo Ravelona, Responsable de projets, Délégation aux Droits de l’Homme et à la Démocratie de l’Organisation Internationale de la Francophonie. 2 La présentation proposée dans ce document n’a pas l’ambition d’être exhaustive. La finalité du document, apporter des renseignements utiles sur les principales organisations partenaires de l’Organisation Internationale de la Francophonie, a commandé le choix de celles-ci. 3 Différents arguments ont été avancés pour expliquer l’inclusion de la sécurité humaine dans la “haute politique”du développement international. D’après une vision néoréaliste des relations internationales, les valeurs incarnées par ce concept peuvent être interprétées comme servant les intérêts de la politique étrangère des pays de puissance moyenne sur la scène internationale, qui cherchent à renforcer leur influence et leur position dans le système international. D’un autre côté, une perspective constructiviste sociale des relations internationales met en avant le rôle joué par les institutions mondiales (OI, ONG, médias, acteurs de la société civile, etc.) pour influencer les intérêts et priorités des Etats dans le sens de la promotion de « l’humanitarisme», d’où est issu le concept de « sécurité humaine ». D’autres encore prétendent que l’explication se trouve dans le mélange des deux perspectives, étant donné le contexte historique spécifique des vingt dernières années. Voir A. Suhrke, “Human security and the interests of states” in Security Dialogue, 1999, Vol. 30 (3), pp. 265-276. Suivant cette logique, les changements provoqués par les événements du 11 septembre 2001 sur la scène internationale vont probablement nuire à la promotion de l’agenda de la sécurité humaine en redonnant davantage d’importance aux enjeux traditionnels de la sécurité. Délégation aux Droits de l’Homme et à la Démocratie 3 Sur le plan théorique, cette critique porte aussi bien sur les fondements paradigmatiques de la sécurité, telle que l’école dite « réaliste » des relations internationales, jusque là dominante, les présente, que sur ses méthodes et ses instruments4. La critique ontologique interpelle notamment le caractère stato-centrique de l’approche classique articulée exclusivement sur les raisons de l’Etat et l’absolutisme de sa souveraineté ; et supposait, de façon hobbesienne, que si celui-ci était en sécurité, ceux qui vivaient dans ses frontières l’étaient aussi. Les Etats s’en remirent alors à un équilibre des forces entre les États pour garantir la sécurité de leurs populations et, dans une certaine mesure, celle du monde5. Après la chute du mur de Berlin, on s’aperçut que la protection des personnes, qui avait été au cœur de la sécurité, fut trop souvent négligée au profit d’une attention extrême portée à l’État. La notion classique de sécurité fut, dès lors, contestée par des concepts comme la sécurité coopérative, la sécurité globale, la sécurité sociétale, la sécurité collective, la sécurité internationale et la sécurité humaine6. Si toutes ces notions s’éloignent de l’accent qui était mis sur les relations entre États, la sécurité humaine est celle qui va le plus loin en prenant pour objet référent non plus l’État, ni la société, ni la communauté, mais l’être humain7. La 4 Sur le plan de la théorie des relations internationales, cette tendance prend date, au milieu de la décennie 70, avec les travaux de Kenneth Neal Waltz (voir notamment, Theory of International Politics, New York, Random House, 1979, surtout pp. 102-128), de Robert Keohane (Neorealism and its critics, New York, Columbia University Press, 1986) et surtout de Barry Buzan dont l’ouvrage, People, States and Fears. The National Security Problem in International Relations, Chapel Hill. The University of North Carolina Press. 1983- (le sous titre de la deuxième édition de cet ouvrage phare est beaucoup plus explicite sur son contenu, An Agenda for International Security Studies in the Post Cold War Area, Londres, Harvester Weatsheaf, 1991)- est présenté comme celui qui a jeté les fonds baptismaux du concept de la sécurité humaine. L’argumentation qu’il propose peut être résumée en cette assertion : La sécurité individuelle doit servir de base à la sécurité nationale, et la sécurité nationale fondée dans la sécurité individuelle doit être la base de la sécurité internationale. 5 Voir, entre autres Kanti Bajpai, « Human Security: Concept and Measurement », University of Notre Dame, Kroc Institute Occasional, Paper no. 19, 2000, ce document est accessible sur le site internet: www.nd.edu/~krocinst/ocpapers/op_19_1.pdf . 6 John Baylis, « International Security in the Post-Cold War Era », dans John Baylis et Steve Smith (sous la direction de), The Globalization of World Politics, Oxford, Oxford University Press, 1997. 7 Sur le plan strictement théorique, il serait opportun de relever que le débat sur l’objet référent de la sécurité, tout comme celui portant sur les rapports entre les individus et l’État comme axe principal de la sécurité, n’est pas nouveau. Le concept de sécurité humaine préconise, au fond, un retour au libéralisme du siècle des lumières. En fait, nombre des principes fondamentaux de la sécurité humaine reprennent des réflexions de Montesquieu, Rousseau et Condorcet, tout comme les principes de sécurité de l’État se fondent sur les travaux d’intellectuels comme Kant, Hobbes et Grotius, dont la vision du monde axée sur l’État l’a emporté sur les convictions plus pluralistes. Une partie du débat du XVIIIème siècle sur la sécurité reposait sur les convictions pluralistes axées sur la protection des personnes. Pour Montesquieu, il s’agissait de mettre l’accent sur la liberté et les droits subjectifs des personnes plutôt que sur la sécurité assurée par l’État. Pour Adam Smith, la sécurité était la protection des personnes contre des « attaques violentes et soudaines de leur personne ou de leurs biens » – cette sécurité étant une condition indispensable pour une société prospère et « opulente ». De la même façon, Condorcet décrivait un contrat social dans lequel la sécurité des personnes était le principe fondamental. Selon lui, si les personnes n’étaient pas à l’abri de la peur, elles ne pouvaient être les membres efficaces d’une relation politique. Ce point de vue libéral était courant, mais pas partagé par tous. Même s’ils convenaient du rôle vital de la sécurité individuelle, d’autres estimaient que le meilleur moyen d’y parvenir était de l’envisager comme une conséquence de la sécurité de l’État – l’État jouant un rôle de protecteur contre les menaces extérieures et intérieures. Pour Hobbes, peu importait que la sécurité des personnes soit menacée par un voleur local ou une armée envahissante. Il estimait qu’il était de la responsabilité de l’État de protéger les personnes contre l’un et l’autre. En échange de cette protection, le citoyen devait renoncer à toute liberté individuelle pour son pays, son protecteur – la sécurité primant la liberté. Kant, s’interrogeant sur le rôle de l’État pour garantir la sécurité des personnes, avait imaginé une autorité supérieure. Il suggérait un ordre international universaliste : une société mondiale fondée essentiellement sur l’impératif moral du bien commun pour les nations membres. Entre les deux, Grotius proposait une dynamique internationale plus modérée, qui ne serait pas guidée par un droit Délégation aux Droits de l’Homme et à la Démocratie 4 sécurité n’y est plus simplement associée à la protection de l’Etat, uploads/Philosophie/ securite-humaine-20-janv 2 .pdf
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- Publié le Jan 29, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
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