Signification politique de la théorie de la valeur - Une introduction conceptue
Signification politique de la théorie de la valeur - Une introduction conceptuelle Jacques Fradin Ce que l’on nomme traditionnellement et de manière concentrée « théorie de la valeur » est le noyau de ce qui est, non moins traditionnellement, nommé « critique de l’économie politique ». À la condition de ne pas, immédiatement, écraser cette dite « critique de l’économie politique » et de la réduire en une purée qui peut se vendre sous différentes marques : économie alternative, contre économie, contre-expertise économique, etc. Car la critique de l’économie politique est une analyse, une déconstruction de l’ordre capitaliste ; où la société capitaliste n’est pas analysée, critiquée, uniquement en termes économiques ou en termes de contre économie, mais plus généralement est déconstruite en termes d’une sociologie ou d’une anthropologie déconstructives ou critiques. La société capitaliste, et non pas l’économie capitaliste (qui laisserait la société indemne ou autonome), cette société est un ordre total, une « ingestion » globale ; un ordre à la fois « spirituel » (ou religieux), organisateur complet des rituels quotidiens ou des habitus (métro, boulot, dodo), politique, avec la propagande totalitaire pour « la démocratie », ce qu’il faut nommer le capitalo- parlementarisme ou le despotisme rationnel, et finalement, et peut-être, économique, la production des « biens » et services démilitarisés n’étant qu’une attrape, the wealth appeal. La théorie de la valeur n’est pas le point de départ d’une contre-économie ou d’une contre-expertise économique, contre-expertise qui s’exprimerait en termes de comptabilité en temps de travail, ou en termes de planification du travail (« la valeur travail » étant une notion typiquement réactionnaire). Pour le dire plus techniquement, la théorie de la valeur n’est pas une théorie (alternative ou ancienne, « classique ricardienne ») des prix et des échanges ou des écritures comptables (les « vraies » écritures en termes de travail, toujours la comptabilité travail). C’est une théorie de l’ordonnancement autoritaire du monde en termes comptables : pourquoi, et comment, y a-t-il « des prix », des indicateurs numériques, de l’évaluation universelle, des comptes et des comptabilités (et plein d’experts comptables ou d’agences de notations), de la monnaie et des opérations financières (« la finance » n’étant que la forme aboutie de la comparabilité universelle – les produits dérivés) ? Comment cette toile d’évaluation (à la base de la numéricisation universelle, l’informatique) ou de mesure comptable monétaire, de « scores » (rating), s’impose-t-elle jusqu’à devenir invisible, « spectrale » ? Pourquoi est-elle envisagée communément (et idéologiquement) comme « un ordre social naturel » ? Comment cet ordre se reproduit-il régulièrement, bien que de manière tout à fait chaotique ? Et à la manière des anciennes sociétés sous domination religieuse ? La guerre étant un élément central de ces reproductions erratiques. La théorie de la valeur, à condition d’être reformulée en termes de « théorie de la mesure valeur monétaire comptable » (ceci sera précisé par la suite ; voir Bibliographie 1 & 2, et le travail pionnier d’Isaak Roubine), cette théorie reconstruite permet de déployer une critique de l’ordre capitaliste et d’énoncer la déconstruction (l’analyse critique) de cet ordre en termes de despotisme néoféodal ; bien loin de l’association de propagande entre capitalisme et « démocratie » [1] [1] Il existe désormais de très nombreux ouvrages explorant... . L’analyse critique politique du capitalisme, capitalisme décrit en termes de despotisme plus ou moins autoritaire (du libéralisme politique au fascisme), voilà ce que développent ladite critique de l’économie politique et son noyau la théorie de la valeur. Il ne sera jamais question « d’économie » au sens ordinaire (comment économiser le travail). Notons, à titre de curiosité historique, que cette analyse politique de l’économie [2] [2] Disons que la critique de l’économie politique n’est... , bien que de manière non élaborée et en termes encore mythologiques « d’ordre social naturel », « ordre naturel » cependant déjà envisagé comme un ordre social total (et pleinement assumé en tant que despotisme « éclairé »), cette analyse anthropo-sociologique de l’économie (« l’économie » étant le nom donné à la totalité capitaliste), a été développée dans la seconde moitié du 18e siècle (les Physiocrates et la justification politique du capitalisme : le libéralisme économique sans le libéralisme politique ou encore le libéralisme autoritaire – qui n’est pas une invention ordolibérale) ; cette analyse « normative » (nomothétique, politique) du libéralisme autoritaire (le despotisme rationnel) a ensuite été refoulée, écrasée, camouflée pour donner la théorie économique libérale (avec toutes les ambiguïtés possibles sur ce « libéralisme »), voire générer « LA théorie économique » (supposée apolitique), dès Adam Smith (l’élève pervers des Physiocrates, l’anticipateur de Friedrich Hayek). L’un des pièges dans lequel Marx est tombé (mais qui ne tombe pas dans un des multiples pièges de cet ordre total religieux, invasif, cancéreux et ingestif ?), l’un des pièges qui a attrapé Marx est d’avoir accordé trop « de crédit » aux « économistes » supposés « scientifiques » (Ricardo, selon Marx, et pour les néoricardiens manière Piero Sraffa). Il est, du reste, indispensable de ne jamais accorder « aucun crédit » à l’économie (dite) théorique ; surtout lorsqu’elle prend une apparence formalisée, sinon mathématique [3] [3] L’un des objets de la théorie de la valeur, que nous... . Car cette économie est aveugle (par aveuglement idéologique) sur ses conditions de possibilité : le despotisme politique et sa capacité politico-policière (et religieuse) à réduire toute chose (et toute humanité) à des lignes de compte, à des évaluations, à des calculs, à des mesures, à des comparaisons, à de la numéricisation sans limite (dont la société informatique n’est qu’un effet). Il n’y a pas d’économie en dehors d’une guerre civile permanente (plus ou moins froide). Précisément, en termes d’analyse critique de l’économie, cette analyse permise par la théorie de la valeur, l’économie c’est la guerre. Ce qui explique son mouvement chaotique. Reprenons là. Ce que l’on nomme traditionnellement théorie de la valeur constitue le bloc conceptuel initial d’une grande théorie critique de la société. Société analysée comme totalité antagoniste ou totalité divisée, clivée. La théorie de la valeur est ainsi le point de départ de l’analyse générale de l’antagonisme social, dans une société toujours divisée, en état permanent de guerre civile froide (qui peut se réchauffer). Dans un premier temps, disons de 1880 jusque vers 1960, le premier temps « heureux » du « marxisme travailliste », le complexe théorie de la valeur + théorie critique de la société antagoniste a conservé une expression (trop) simplifiée, expression facilement compréhensible par tous, source d’innombrables slogans politiques, mais également source des ruminations contre insurrectionnelles, et finalement source réactionnaire d’une sorte de « pétainisme » généralisé (pour ne pas dire fascisme : Macron et « le travail ») ; expression simplifiée et facile MAIS analytiquement incorrecte ou de formulation trop métaphysique (donc interne à l’ordre despotique) [4] [4] Pour commencer à aborder la critique de « la théorie de... . C’est la forme (trop) connue de « la théorie de la valeur travail » ; théorie placée comme point de départ d’une conception « classiste » et classique de la totalité sociale divisée en « classes antagonistes » et, précisément, divisée en deux classes, le Travail & le Capital (les éléments de base de la fonction de production, L & C). Théorie de la valeur travail qui comprend les éléments analytiques suivants : « le Travail » (L) substance de la valeur, valeur alors envisagée incorrectement en termes substantialistes ou métaphysiques (le Travail serait la source productive : toute production est Travail, direct ou indirect, comme « les machines », tout le Produit est produit du Travail) ; la division antagoniste de la société entre Travail (L) et Capital (C), avec le grand conflit Travail / Capital, et avec « la classe ouvrière » comme incarnation du Travail (et, donc, la focalisation contre révolutionnaire sur « la grande usine » à démembrer, pour pulvériser le Travail en scories à balayer). Cette première formulation, en termes de valeur travail, correspondant à l’affirmation subjective de la classe ouvrière (ou des Travailleurs [5] [5] Pour aborder cette lourde question de la récupération... ) comme sujet révolutionnaire capable de dissoudre l’antagonisme social et de conduire à une société libérée sans classe, et donc sans conflit. Mais dès 1920, et les grandes défaites ouvrières, partout en Europe, y compris en URSS, et plus spécifiquement après 1960, entre 1960 et 1970 et la grande insurrection italienne, cette première version simplifiée de la théorie de la valeur (version dogmatique beaucoup trop compréhensible par les fascistes ou les militaires op-psy), version substantialiste métaphysique en termes de travail, cette première version du complexe théorie de la valeur + théorie critique de la société, cette version première, et il faut dire primitive, a été déconstruite puis transformée, remodelée, en termes de théorie monétaire de la valeur associée à une analyse critique de la société antagoniste, pour laquelle la notion de classe (classe entendue presqu’au sens statistique de division établie ou « organique ») devait être fragmentée et rendue dynamique, non établie, quittant « l’établissement ». Techniquement, cette uploads/Philosophie/ signification-politique-de-la-theorie-de-la-valeur.pdf
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- Publié le Aoû 29, 2022
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