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Les différents modes d’existence 1 Souriau.prn V:\55322\55322.vp mercredi 7 octobre 2009 15:46:20 Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique Composite Trame par dØfaut MétaphysiqueS Collection dirigée par Élie During, Patrice Maniglier, Quentin Meillassoux et David Rabouin 2 Souriau.prn V:\55322\55322.vp mercredi 7 octobre 2009 15:46:20 Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique Composite Trame par dØfaut Étienne Souriau Les différents modes d’existence suivi de Du mode d’existence de l’œuvre à faire Présentation Isabelle Stengers et Bruno Latour Presses Universitaires de France 3 Souriau.prn V:\55322\55322.vp mercredi 7 octobre 2009 15:46:21 Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique Composite Trame par dØfaut ISBN 978-2-13-057487-3 Dépôt légal — 1re édition : 2009, novembre © Presses Universitaires de France, 2009 6, avenue Reille, 75014 Paris 4 Souriau.prn V:\55322\55322.vp mercredi 7 octobre 2009 15:46:21 Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique Composite Trame par dØfaut Le sphinx de l’œuvre Isabelle Stengers* et Bruno Latour** Voici le livre oublié d’un philosophe oublié. Mais pas d’un philosophe maudit créant dans sa mansarde, inconnu de tous, une théorie radicale qui aurait fait l’objet d’une dérision générale avant de connaître un succès tardif. Au contraire, Étienne Sou- riau (1892-1979) a fait carrière, a connu charges et honneurs, a bénéficié de toutes les récompenses que la République réserve à ses enfants méritants. Et pourtant son nom et son œuvre ont dis- paru des mémoires, à la manière d’un paquebot, sombrant sur place, sur lequel se serait refermé la mer étale. Tout juste se sou- vient-on qu’il fut responsable du développement en France de cette branche de la philosophie qu’on appelle l’esthétique. On s’explique mal qu’il ait été si connu, si installé, et qu’il ait ensuite si complètement disparu. ** Je dois d’avoir découvert Souriau, malgré l’oubli qui a englouti son œuvre, à un plongeur en eau profonde, Marcos Mateos Diaz, qui inopinément, lors d’un séjour en Cévennes, me mit entre les mains L’instauration philosophique. Depuis lors, la question posée par Souriau, son œuvre et son destin n’ont cessé entre nous de susciter réflexions, relances et entretiens – « confidences sans interlocuteur possible », écrit Deleuze. Puisse cette préface ne pas en interrompre le cours. ** Ébloui par ce livre qu’Isabelle Stengers m’avait fait connaître, je l’ai d’abord saisi comme la seule tentative proche de cette enquête sur les modes d’existence que je poursuis depuis près d’un quart de siècle et j’en avais fait très vite un premier commentaire trop intéressé pour être fidèle (voir l’article inédit http://www.bruno-latour.fr/articles/ article/98-SOURIAU.pdf). Quand il s’est agi de préfacer la réédition de ce livre brûlant, j’ai naturellement appelé Isabelle au secours et n’ai conservé que quelques paragraphes de mon commentaire. 5 Souriau.prn V:\55322\55322.vp mercredi 7 octobre 2009 15:46:21 Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique Composite Trame par dØfaut Nous en sommes réduits aux hypothèses tant est grand le silence qui pèse sur lui depuis les années 19801. Il est vrai que son style est pompeux, gourmé, souvent technique ; qu’il fait un usage hautain de l’érudition ; qu’il exclut impitoyablement les lecteurs qui ne partageraient pas son savoir encyclopédique. Il est vrai aussi que Souriau incarne tout ce qu’apprennent à détes- ter, après la Seconde Guerre mondiale, les jeunes gens en colère qui veulent dire « non » au monde, depuis la racine qui fait vomir Roquentin jusqu’aux sécurités de la pensée bourgeoise en passant par les vertus de la morale et de la raison. Aucun doute possible, il fait partie de ces philosophes mandarins que haïssait Paul Nizan, de ces maîtres de la Sorbonne que dénonçait déjà Péguy. Par opposition à tous les penseurs de cette époque qui sont encore célèbres aujourd’hui, la démarche de Souriau est inso- lemment patrimoniale. Il profite sans compter d’un vaste héritage de progrès dans les sciences et dans les arts au sein duquel il déambule avec complaisance à la manière de son premier maître, Léon Brunschvicg, lequel définissait l’avancée des sciences comme une sorte de cabinet de curiosités où le philosophe pourrait à loisir dégager, sous une forme toujours plus pure, les lois de la pensée. Étienne Souriau n’est pas le penseur de la table rase. Cette complaisance ne suffit pas à expliquer l’oubli qui marque son œuvre, un oubli plus radical encore que celui qui frappe Brunschvicg ou André Lalande – et auquel Gaston Bachelard n’a échappé que parce qu’il a mis la raison sous le signe du « non ». Tout se passe comme si, même pour ceux de ses contemporains qui ne participaient pas à la furie de la rupture, Souriau, chargé d’honneurs, avait été néanmoins perçu comme « inclassable », poursuivant un trajet que nul n’osait s’approprier pour le commenter, le situer, le prolonger ou le piller. Comme si, d’une manière ou d’une autre, il avait « effrayé » et donc fait peu à peu le vide, un vide respectueux, autour de lui. En tout cas, le livre que nous rééditions aujourd’hui a dû frapper d’une totale incompréhension les quelques philosophes qui pensaient néanmoins « connaître » Souriau. Comme si, 2 Les différents modes d’existence 1. L’ouvrage collectif in memoriam, L’art instaurateur (Coll., 1980), n’est guère plus éclairant que la thèse de l’une de ses disciples (Luce de Vitry-Maubrey, 1974). 6 Souriau.prn V:\55322\55322.vp mercredi 7 octobre 2009 15:46:21 Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique Composite Trame par dØfaut en 170 pages denses, publié en 1943, sur le mauvais papier des restrictions de guerre, il rejouait, sans pourtant la trahir, le sens même de cette tradition dans laquelle il déambulait avec assu- rance. Comme si cette tradition se transformait soudain au point de faire bégayer toutes les certitudes. Rééditer Les différents modes d’existence en y ajoutant la conférence « Sur le mode d’existence de l’œuvre à faire » donnée treize ans plus tard à la Société française de philosophie qui en constitue une forme d’épilogue1, c’est faire le pari que Souriau peut retrouver toute l’audace qu’il avait alors. Gilles Deleuze ne s’y était pas trompé, comme vont le décou- vrir ceux qui ont quelque familiarité avec l’auteur de Différence et répétition2. Il faut attendre une note in extremis dans Qu’est-ce que la philosophie ? pour la reconnaissance d’une affinité, pourtant aussi évidente que la fameuse lettre volée d’Edgar Poe3. Il est vrai qu’en avouant sa dette envers Souriau, Deleuze ne se serait pas seulement inspiré du plus original des opposants à Bergson, il se serait aussi rallié à cette ancienne Sorbonne à laquelle il voulait résolument tourner le dos. Aujourd’hui, cette Sorbonne a sombré et l’air est saturé de petites querelles, dont ni Souriau ni Deleuze ne pouvaient prévoir la cacophonie. Malgré le style suranné du livre de 1943, le choc désormais vient surtout de la rencontre avec un philosophe qui, avec superbe et sans crainte, « fait » de la phi- losophie, construit le problème en répondant à ce qu’il appelle une « situation questionnante », une situation qui le met en demeure de répondre, qui engage un véritable corps à corps de la pensée et qui refuse tout effet de censure à propos de ce dont « nous savons bien » qu’il convient de ne plus parler – par exemple Dieu, l’âme ou même l’œuvre d’art. Sans avoir jamais été à la mode, Souriau est bel et bien un philosophe « passé de mode ». Et pourtant son texte a aujourd’hui acquis la puissance d’une question insistante : qu’avez-vous fait de la philosophie ? Le sphinx de l’œuvre 3 1. Étienne Souriau, « Du mode d’existence de l’œuvre à faire » (Souriau, 1956), texte reproduit en appendice à ce volume. 2. Un exemple parmi d’autres, ce « problème de l’œuvre d’art à faire », qui, dans Dif- férence et répétition (Deleuze, 1968, p. 253), est renvoyé à Proust, mais ouvre à un déve- loppement qui effectue des noces extraordinaires entre Mallarmé et Souriau. Voir aussi, p. 274, la définition du virtuel comme tâche à remplir. 3. Il s’agit de la note 6, p. 44, de Qu’est-ce que la philosophie ? (Deleuze et Guattari, 1992). 7 Souriau.prn V:\55322\55322.vp mercredi 7 octobre 2009 15:46:21 Profil couleur : Profil d’imprimante CMJN gØnØrique Composite Trame par dØfaut Encore faut-il rendre audible cette question. Car Les diffé- rents modes d’existence est un livre serré, concentré, presque bousculé, où il est facile de se perdre tant sont denses les événe- ments de pensée, les perspectives vertigineuses qui, sans cesse, risquent de mettre le lecteur en déroute. Si nous proposons ce long commentaire c’est parce que nous nous y sommes bien sou- vent perdus nous aussi... Nous avons estimé que nous parvien- drions peut-être (en nous mettant à deux !) à ce que lecteur ne prenne pas ce livre pour un aérolithe tombé dans le désert. Pour en faire autre chose qu’un étrange petit traité à la complexité déconcertante, il faut d’abord le mettre en tension en rappelant la trajectoire dans laquelle il se situe. Et justement, chez Souriau, tout est question de trajectoire, ou plutôt de trajet. « DEVINE OU TU SERAS DÉVORÉ » Les grandes philosophies ne sont difficiles que par l’extrême simplicité de l’expérience qu’elles cherchent uploads/Philosophie/ souriau-les-diffe-rents-modes-d-x27-existence-2009.pdf

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