LOGOS, LOGIQUE ET « SIGÉTIQUE »: LE DÉPASSEMENT DU LANGAGE MÉTAPHYSIQUE ENTRE L

LOGOS, LOGIQUE ET « SIGÉTIQUE »: LE DÉPASSEMENT DU LANGAGE MÉTAPHYSIQUE ENTRE LES ÉCRITURES ET LA GNOSE Author(s): Martina Roesner Source: Revue des Sciences philosophiques et théologiques , Oct.-Déc. 2007, Vol. 91, No. 4 (Oct.-Déc. 2007), pp. 633-649 Published by: Librairie Philosophique J. Vrin Stable URL: https://www.jstor.org/stable/44626528 JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue des Sciences philosophiques et théologiques This content downloaded from 41.78.193.47 on Sun, 18 Sep 2022 07:31:06 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms Rev. Sc. ph. th. 91 (2007) 633-649 LOGOS, LOGIQUE ET « SIGÉTIQUE » LE DÉPASSEMENT DU LANGAGE MÉTAPHYSIQUE ENTRE LES ÉCRITURES ET LA GNOSE Par Martina Roesner 1. Le silence comme limite négative du langage logique Tout au long de l'histoire de la pensée, la critique de l'inte philosophique du monde a été intimement liée à une crit langage. Conscients du lien problématique entre les mots, et la réalité extra-mentale, des philosophes scrupuleux temps se sont évertués de relativiser la portée du discour que ou à tout le moins de mettre en garde contre les po d'une conceptualité qui, sous prétexte de traiter de l'abs l'apodictiquement valable, déclare être au-dessus des norm sent le langage du monde phénoménal. Des sceptiques an philosophie analytique de nos jours, on n'a cessé de rappe guïté du langage et donc la nécessité de délimiter le champ d fication de façon à éviter des discours fallacieux et des pseudo- propositions dont les termes ne sont pas ou insuffisamment définis. Pour les représentants principaux de cette mouvance philosophique dont font partie les membres du Cercle de Vienne aussi bien que le premier Wittgenstein, toute expression linguistique qui ne satisfait pas cette exigence de définissabilité univoque dans un contexte donné est à considérer dans le meilleur des cas, comme manifestation perceptible d'un sentiment (éthique, esthétique, pratique etc.) qui n'a aucune valeur cognitive au sens strict 1 et dans le pire des cas, comme un simple « son verbal » (Sprechklang) engendré par des « musiciens sans aucun talent l.Cf. R. CARNAP, Der logische Aufbau der Welt (Berlin 1928), Hamburg, Meiner, 1998, p. 259. This content downloaded from 41.78.193.47 on Sun, 18 Sep 2022 07:31:06 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 634 MARTINA ROESNER musical » (Musiker ohne musikalische Fä do-propositionnelle ne peut même pa pragmatique du discours moral. Selon ce modèle, autour du noyau dur du langage logico- scientifique - seul pleinement justifié dans ses prétentions cognitives - et une frange plus ou moins large laissée au discours non pleinement logicisé mais toléré pour les besoins de la vie quotidienne, il y a la zone immense du silence à laquelle on arrive en délimitant de l'intérieur tout l'espace du dicible3. Ce silence est pourtant purement négatif : la pensée et avec elle, le langage, ne tournent le dos à tout le domaine si décrié de la « métaphysique » que pour mieux parler, agir et faire de la science dans le monde de la physis. Loin d'être considéré comme une attitude existentielle positive, le silence est d'autant mieux respecté qu'il disparaît comme tel, du moment que l'espace du monde se trouve rem- pli de façon exhaustive par la sphère monolithique quasi parméni- déenne de toutes les formes logiquement valables du langage proposi- tionnel4. Forte de son choix méthodologique de base, la philosophie analyti- que est convaincue de n'avoir même pas besoin de déconstruire pa- tiemment le langage métaphysique dans sa dimension historique. Il lui suffit d'avoir démontré une fois pour toutes l'absurdité principielle de toute ambition cognitive à l'égard de son (pseudo-)champ d'objet, les différents courants et écoles de la métaphysique occidentale se rédui- sant ainsi à une simple série de variations aussi cacophoniques qu'aberrantes sur un thème en lui-même injouable. Avec la mise à l'index, au nom d'une certaine conception du langage, du mot « métaphysique », le rapport entre, d'un côté, les différents langages employés par la métaphysique au cours de son histoire et de l'autre, ce qui s'exprimait dans ces langages comme la « chose » à chaque fois différente de la pensée, perd son profil complexe et cesse d'être un pro- blème digne de réflexion. Image spéculaire de la sphère massive et homogène d'un monde rempli par le langage logique « légitime », la métaphysique apparaît ainsi comme le contre-monde dérisoire d'une pensée si monolithiquement remplie de non-sens que l'idée même d'un dialogue critique ou déconstructeur à l'égard de tel ou tel de ses con- cepts fondamentaux paraît d'emblée non seulement inutile mais impos- sible. 2. Le silence comme brisure existentiale du pouvoir PHÉNOMÉNAL DU LANGAGE Si le jeune Heidegger commence très tôt à ressentir le besoin d'un retour critique sur le paradigme de l'ontologie et de la métaphysique traditionnelles, sa démarche se veut expressément et pendant assez longtemps une phénoménologie , c'est-à-dire une attitude qui prend les concepts clés de la philosophie traditionnelle pour points de départ 2. Cf. R. Carnap, « Überwindung der Metaphysik durch logische Analyse der Sprache », Erkenntnis [Leipzig! 2 (1931/1932), p. 219-241, ici p. 233, 240. 3. Cf. L. Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, 5. 61, 6. 522-7. 4. Cf. L. WITTGENSTEIN, Tractatus logico-philosophicus, 4. 462-4. 466, 5. 61, 6. 13. This content downloaded from 41.78.193.47 on Sun, 18 Sep 2022 07:31:06 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms LOGOS, LOGIQUE ET « SIGÉTIQUE » 635 d'une analyse qui s'efforce de faire venir à la parole ce q mènes correspondants montrent d'eux-mêmes dans leu originarité 5. Malgré sa méfiance à l'égard de toute constru duction conceptuelle a priori , Heidegger accorde une telle l'articulation linguistique des structures phénoménales que formes contemporaines d'un « mutisme » pseudo-mysti que deviennent pour lui synonymes d'un refus de la pen telle6. Dans l'approche phénoménologique du jeune Heide est en effet toujours censé révéler quelque chose, à savoir significativité multiple de ses contextes phénoménaux p Le langage est alors principalement dirigé vers les phénom articule l'être à l'intérieur de l'horizon de compréhensi sans s'adresser à personne en particulier. Il est d'abord (Hinausgesprochenheit / sich aussprechen) 8 qui fait voir l spécificité de son être, mais pas encore un discours ess intersubjectif ( Ansprache ) qui s'adresse d'abord et avant t terlocuteur rencontré sous le mode de l'« être-avec » (Mits ment où le domaine du logos coïncide avec celui des ph tramondains, le silence apparaît de prime abord comme un dérivé et secondaire qui témoigne d'une privation brusqu sible de la familiarité du Dasein avec le monde, privat cœur de phénomènes limites tels que la peur, l'angoisse caractère non-objectivable est l'indice existential de la p non-ontique de l'être lui-même9. L'angoisse « nous cou (verschlägt uns das Wort)10, plus précisément, elle supp apophantique qui utilise la copule « est » d'une manièr c'est-à-dire sans relier le pouvoir phénoménal du discours à l'origine absente de la phénoménalité comme telle11. Cett tion occasionnelle de l'être sous ses formes non ontiquem réduit ainsi au silence le « est » conjugué sous le joug d tramondain. C'est ainsi que Heidegger peut, dans la rétrosp préter ses remarques sur le silence dans Être et temps com sions à ce qu'il allait plus tard considérer comme la seul ble de « dire » l'être, à savoir l'abstention de tout langage c 5. Cf. M. HEIDEGGER, Prolegomena zur Geschichte des Zeitbegriffs (GA a. M., Klostermann, (1979) 2 1988, p. 1 17 sq. 6. Cf. M. HEIDEGGER, Grundprobleme der Phänomenologie [191 Frankfurt a. M., Klostermann, 1993, p. 19f. 7. Cf. M. HEIDEGGER, Einführung in die phänomenologische Forsc Frankfurt a. M., Klostermann, 1994, p. 19-30. 8. Cf. M. HEIDEGGER, Sein und Zeit (SZ), Tübingen, Niemeyer, 17 199 interprétation est préfigurée dans la définition par le jeune Heide neutique comme « auto-explication » (Selbstauslegung) du Dasein (cf Ontologie. Hermeneutik der Faktizität [GA 63], Frankfurt a. M., Klos p. 1 4 sq.). 9. Cf. M. Heidegger, Wegmarken (GA 9), Frankfurt a. M., Klostermann, 1976, p. 110. 10. Cf. GA 9, p. 112. 1 1. « Puisque l'étant dans son ensemble nous échappe en cédant ainsi la place à l'insistance du néant, toute prononciation du "est" se tait face à celui-ci » (GA 9, p. 112; traduit par nos soins). This content downloaded from 41.78.193.47 on Sun, 18 Sep 2022 07:31:06 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 636 MARTINA ROESNER objectivant12. Il n'en reste pas moins qu'à degger présente le silence comme un ph cours et non comme l'origine primordia vaguement la dimension intersubjectiv «discrétion» ( Verschwiegenheit , littérale souci herméneutique eu égard aux mult sion du Dasein envers les étants intram l'idée d'une origine radicalement non-onti du langage. À la conceptualité de l'ontologie et de la les répond ainsi un langage phénoméno mettre en lumière le soubassement existen uploads/Philosophie/ this-content-downloaded-from-41-78-193-47-on-sun-18-sep-2022-07-31-06-utc.pdf

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