Une « métaphysique indicible » ? Remarques pour une situation du problème de l’
Une « métaphysique indicible » ? Remarques pour une situation du problème de l’espace chez Hegel Florian Rada Dans Les Études philosophiques 2019/4 (N° 131), pages 561 à 580 Éditions Presses Universitaires de France ISSN 0014-2166 ISBN 9782130821380 DOI 10.3917/leph.194.0561 Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Article disponible en ligne à l’adresse https://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2019-4-page-561.htm Découvrir le sommaire de ce numéro, suivre la revue par email, s’abonner... Flashez ce QR Code pour accéder à la page de ce numéro sur Cairn.info. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/03/2023 sur www.cairn.info via Bibliothèque Sainte Geneviève (IP: 193.48.70.151) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/03/2023 sur www.cairn.info via Bibliothèque Sainte Geneviève (IP: 193.48.70.151) UNE « MÉTAPHYSIQUE INDICIBLE » ? REMARQUES POUR UNE SITUATION DU PROBLÈME DE L’ESPACE CHEZ HEGEL Introduction 1 Cette contribution porte sur le problème de l’espace chez Hegel. Avant de préciser en quoi il y aurait ici un « problème », on voudrait souligner que celui-ci s’inscrit dans un cadre. Celui proposé est l’objet du colloque « Physique et métaphysique dans la philosophie allemande, de Leibniz à Heidegger ». D’emblée, il semble délicat, d’après ce que l’on a coutume de dire sur Hegel, d’inscrire cet auteur dans ce cadre. D’une part en raison du fait qu’il n’est pas un physicien, et qu’au lieu d’une physique, il nous propose une « Philosophie de la nature », qui a souvent de quoi déconcerter, même si certains ont pu lire en Hegel une anticipation brillante d’Einstein ou de Maxwell 2. D’autre part parce que le rapport de Hegel à la métaphy- sique, suffisamment délicat pour avoir donné lieu à un certain nombre de 1. Par commodité, les abréviations utilisées sont indiquées ici. On citera les œuvres de Hegel dans les Gesammelte Werke, édités par la Rheinisch-Westfälischen Akademie der Wissenschaften, Hambourg, Felix Meiner, 1968 - … (GW suivi du numéro de volume puis de la page). Les traductions utilisées sont, sauf indication contraire, celles de Bernard Bour- geois. Pour l’Encyclopédie des sciences philosophiques, Paris, Vrin, 1970-2004, on abrègera en Encyclopédie suivi de Logique, Philosophie de la nature, Philosophie de l’esprit. Pour la Science de la logique, Paris, Vrin, 2015-2016, on abrègera en SL suivi de I, II ou III pour l’être, l’essence et le concept. 2. Ainsi Dominique Dubarle dans « La critique de la mécanique newtonienne dans la philosophie de Hegel » dans Hegel. L’esprit objectif. L’unité de l’histoire, Association des publications de la Faculté des lettres et sciences humaines de Lille, 1970, p. 130. Dans les mêmes années, on trouvera chez Axel Pitt, dans « Die dialektische Begründung der quantenmechanischen Statistik durch die Metaphysik Hegels », Philosophia naturalis, Bd. 13, 1971, p. 371-393, une approche de l’ontologie spéculative-dialectique de la statistique de la mécanique quantique (titre de la quatrième partie de cet article). On citera également le célèbre livre de Dieter Wandschneider, Raum, Zeit, Relativität, Grundbestimmungen der Physik in der Perspective des Hegelschen Naturphilosophie, Francfort, Klostermann, 1982. Alain Lacroix, dans Hegel. La philosophie de la nature, Paris, Puf, 1997, avance pour sa part un rapprochement avec Maxwell (p. 75) et une discussion avec Heisenberg (p. 95-96). D’autres appréciations, bien plus sévères sont fréquentes. On citera celle de Dominique Dubarle, là Les Études philosophiques, no 4/2019, p. 561-580 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/03/2023 sur www.cairn.info via Bibliothèque Sainte Geneviève (IP: 193.48.70.151) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/03/2023 sur www.cairn.info via Bibliothèque Sainte Geneviève (IP: 193.48.70.151) Physique et métaphysique dans la pensée allemande, de Kant à Heidegger 562 travaux 3, ne permet de faire de lui un métaphysicien au sens classique du terme « métaphysique ». La situation est donc particulièrement inconfor- table : il s’agit de parler d’un problème qui semble être un problème de physique, traité dans ses implications métaphysiques, par quelqu’un qui n’est ni physicien, ni métaphysicien. Ceci étant dit, et s’il nous est permis de ne pas entrer dans le traitement de la question massive du rapport de Hegel à la métaphysique, on peut néanmoins décrire adéquatement le rapport à celle-ci comme un rapport critique. Précisons : la pensée est de nature fondamentalement « métaphysique » dans la mesure où elle ne s’en tient pas à la découverte de quelque chose d’extérieur en sacralisant cet extérieur comme un donné. Le fait de ne pas s’en tenir au donné « féti- chisé » est un geste consubstantiel à la pensée, et donc également un geste consubstantiel à la physique. Sans cela, ironise Hegel, les animaux seraient de bien meilleurs physiciens que n’importe quel physicien 4. Si le geste métaphysique met donc en question le donné, Hegel peut être tenu pour quelqu’un qui vient radicaliser ce geste précisément dans un refus de tenir quoique ce soit pour donné. Pour le dire rapidement, Hegel cherche à analyser cette prétendue immédiateté comme un effet de la structure logique de la pensée elle-même. À ce titre, la critique hégélienne ne peut se résumer simplement comme un « épuisement » de toute donation, ou comme une simple « désontologisation ». Elle est la prise en compte de la donation, de l’être, comme quelque chose qui n’est pas seulement compris ou décrit intégralement par la pensée, mais comme quelque chose qui est construit, structuré, comme corrélat de la pensée. Ce qu’il y a de surprenant ici, c’est qu’une telle structuration ne peut se comprendre comme une logicisation intégrale, ou une formalisation complète de la réalité, car Hegel nous invite à concevoir la pensée précisément comme quelque chose qui n’est pas formel. Ce que l’on pourrait décrire comme la sérénité dogma- tique qui ne rencontre partout que du connu, au risque d’éluder, de lisser, et de faire disparaître tout ce qui ne rentre pas dans son cadre, est une attitude qui ne correspond pas à la visée hégélienne. Cela n’est pas une astuce pour sauver Hegel de l’accusation de panlogicisme, de rationalisme froid, et nécessairement intenable à l’épreuve des faits, mais bien une consé- quence de l’entreprise critique de Hegel : la métaphysique dogmatique encore, qui, une dizaine d’année après ses lignes élogieuses présentant Hegel comme antici- pateur d’Einstein, fustige la « bévue hégélienne », concernant la force centrifuge (Préface à G.W.F. Hegel, Les Orbites des planètes (Dissertation de 1801), tr. fr. François de Gandt, Paris, Vrin, 1979, p. 15). Lacroix, ibidem, p. 63-64 revient brièvement sur la « mécompréhension » hégélienne de Newton. 3. On citera ici seulement, pour un important état des lieux sur la question, le recueil dirigé par Jean-François Kervégan et Bernard Mabille, Hegel au présent. Une relève de la métaphysique, Paris, CNRS Éditions, 2012. 4. On trouve cette pointe d’ironie dans l’Addition au § 98 de la Logique de l’Encyclopé- die (GW 23/3, 871 ; Encyclopédie. Logique, p. 531), ainsi que dans celle au § 246 de la Philosophie de la nature (GW 24/3, 1180 ; Encyclopédie. Philosophie de la nature, p. 342). © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/03/2023 sur www.cairn.info via Bibliothèque Sainte Geneviève (IP: 193.48.70.151) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 13/03/2023 sur www.cairn.info via Bibliothèque Sainte Geneviève (IP: 193.48.70.151) Une « métaphysique indicible » ? 563 continue de supposer la différence entre la donation de l’être et la réflexion de la pensée, y compris dans l’identité de ces deux dimensions 5. On com- prend donc, de manière tout à fait minimale, ce qui lie Hegel à la question métaphysique (plutôt qu’à la question de la métaphysique) : celle-ci doit se comprendre comme une critique, non pas seulement de la donation, mais de la présupposition même dans laquelle cette donation fait sens. La Logique hégélienne ne peut donc s’assimiler à une critique de l’être, comme objet, dans la mesure où une telle critique continuerait de supposer l’être comme un immédiat dont il conviendrait de dire plutôt telle chose que telle autre. Elle nous reconduit plutôt en amont des discours qui prennent l’être pour objet, et donc ne peut être assimilée à une « ontologie », concur- rente à l’égard d’autres. Que trouve-t-on en amont de ces différents dis- cours ? La présupposition générale d’après laquelle on serait en rapport à des objets donnés, à des choses qui se trouveraient là, devant nous, diverses les unes à l’égard des autres. La structure de cette présupposition, qui sépare l’immédiat de la réflexion, est tenue, elle-même, pour quelque chose de donné. Or, Hegel entend montrer qu’une telle structure, aussi bien que sa présupposition sont des effets logiques. Il ne nous appartient pas ici de discuter comment. La uploads/Philosophie/ une-metaphysique-indicible-remarques-pour-une-situation-du-probleme-de-l-x27-espace-chez-hegel.pdf
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- Publié le Fev 12, 2022
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