L’épineuse question de l’être-homme constitue, sans doute, une problématique qu

L’épineuse question de l’être-homme constitue, sans doute, une problématique qui, depuis la nuit des temps, a suscité des débats houilleux entre penseurs tant philosophes que non philosophes. Pour ce qui nous concerne, dans ce travail, nous nous évertuerons à décortiquer le point de Gabriel Marcel en portant un regard particulier sur sa conception de l’intersubjectivité. Disons, de prime abord, que notre intérêt à cette question de l’intersubjectivité n’est pas un fait du hasard. Il est le fruit d’une longue méditation sur la considération de l’être humain dans un monde « cassé » comme le nôtre. En effet, les événements macabres et les guerres déchirent notre société actuelle. Dans le monde, en général et en Afrique subsaharienne en particulier, nous assistons au jour le jour à des scénarios tragiques où les hommes et les femmes sont traités d’inhumains. Guerres tribales et civiles, violences sexuelles, agressions belliqueuses, insécurité, refus de communier, pillages,… telles sont les différentes calamités qui ne sont plus un mythe mais une réalité dans nos murs. L’insécurité grandissante à l’Est de la République Démocratique du Congo où même les villages des paisibles citoyens sont incendiés, les manifestations populaires en Tunisie ou encore en Egypte, la crise politique qui prévaut en Côte d’Ivoire, pour ne citer que ces exemples, sont une attestation éloquente de ces défis contemporains qui donnent à penser. Cette malheureuse constatation nous interpelle en tant que victime de la guerre et d’insécurité. Cet état de vie nous montre effectivement qu’il ya un problème crucial des relations interpersonnelles. Ces relations nécessitent, nous semble-t-il, d’être éclairées par une cogitation philosophique pour être vécues dans l’authenticité. Nous pensons alors que la pensée marcellienne de l’intersubjectivité peut aider l’homme de notre siècle, en proie des guerres et conflits multiformes, de prendre conscience de son essence d’être par et avec les autres. C’est précisément de cette intersubjectivité que nous traiterons tout au long de notre rédaction. Mais avant d’en arriver, deux interrogations s’imposent à notre esprit et ont le mérite d’être posées : Comment Gabriel Marcel conçoit-il l’intersubjectivité dans sa réflexion anthropologique ? Que dire de la liberté et de la fraternité dans cette intersubjectivité ? Telle est la charpente qui sous-tendra notre dissertation qui se veut philosophique. Dans les paragraphes qui suivent, nous tenterons de répondre à ces questions en insistant sur la conception marcellienne de l’intersubjectivité et ses retombés dans notre société mondiale contemporaine, en général et de l’Afrique en l’occurrence. Voilà pourquoi, hormis l’introduction et la conclusion, nous traiterons, d’un côté de la subjectivité selon Gabriel Marcel et de l’autre, de l’originalité de la liberté et de la fraternité dans cette dernière. 1 II. De ce qu’est l’intersubjectivité marcellienne Avant tout discours sur la conception marcellienne de l’intersubjectivité, il sied de signaler pour Marcel, il est insensé de poser la question y a-t-il de l’être ? Pour lui, il faut plutôt poser la question qu’est ce que l’être ? puis que je (moi) participe à l’être qui m’engage en tant que vécu humain. Ce moi, pense l’auteur, est toujours incarné dans un corps. Autrement dit, je ne peux aucunement dire que je possède un corps. Dire que j’ai un corps, c’est instrumentalisé mon corps. Il faut, au contraire, dire que je suis mon corps. Ceci dit, sans identifier le corps au moi, entre ces deux réalités, il y a un rapport de participation. C’est ce que Marcel nomme mystère de présence et de participation1. Cette consubstantialité est à prendre en considération aussi bien dans la subjectivité (le sujet qui est son corps) que dans l’intersubjectivité (« Je » et « Autrui »). Martelons maintenant au deuxième volet de cette « co-présence » (l’intersubjectivité). II.1. Moi et Autrui Pour notre auteur, « le terme intersubjectivité est ouverture à autrui, détente, décentrement de soi et accueil de l’autre »2. Cette relation de communion intime s’impose dès lors que l’homme se trouve dans le monde. A ce propos, souligne l’auteur, la psychologie de l’enfant nous enseigne que si ce dernier se présente devant ses parents avec les fleurs et s’écrit : « c’est moi qui les ai cueillies »3, cette déclaration dénote, sans doute, une exclusion matérielle dans le sens que l’enfant veut que l’on puisse porter une attention particulière sur sa personne. Mais par cette même occasion, il s’offre à l’autre pour recevoir de lui un certain tribut. La présence de l’autre est impliquée donc dans l’affirmation : « c’est moi qui… Il y a, d’une part, les exclus auxquels tu dois te garder de penser, il y a, d’autre part, ce toi auquel l’enfant s’adresse et qu’il prend en témoin »4. Ce moi qui, même chez l’adulte, ne se réduit pas à un contenu spécifique est une présence globale. Cette présence est plus que le simple fait d’être là. Elle est toujours sous-entendue par une expérience à la fois irréductible et confuse, qui est le sentiment d’exister, d’être au monde où je suis en communion intime avec l’autre qui fait partie intégrante de moi-même5. A en croire Ngimbi Nseka, « le sujet d’exister, 1 J. MAIDIKA, Notes de cours de l’histoire de la philosophie contemporaine, P.E.S, Deuxième Année Graduat de Philosophie, Kisangani, Inédit, 2009-1010. 2 G. MARCEL cité par I. NZOLI dans Problématique de l’intersubjectivité dans la pensée de Gabriel Marcel, Mémoire de graduat, P.E.S, Kisangani, Inédit, p. 10. 3 G. MARCEL, Homo viator, Paris, Montaigne, 1944, p. 16. 4 Ibíd. 5 Cf. Ibid., p. 18. 2 le je est essentiellement rivé à l’autre que soi, au toi, (…), il n’y a pas de sens réel à poser le privilège du moi en tant que conscience de soi par rapport à autrui, ni à l’inverse, la priorité d’autrui par rapport au moi »6. C’est justement dans ce sens que la relation entre moi et autrui devient implicative ou de coparticipative. De cette réflexion anthropologique, jaillit l’idée selon laquelle « je m’affirme comme personne dans la mesure où j’assume la responsabilité de ce que je fais et de ce que je dis »7. De cette considération ressort que je suis profondément responsable ; et devant moi-même et devant autrui. Ainsi, la personne n’est personne que dans la mesure où il croit réellement à l’existence des autres et quand cette croyance tend à informer sa conduite8. De cette considération, il s’en suit que j’existe toujours et déjà comme ouverture à autrui. Pour Marcel, exister, c’est alors choisir d’être en se dépassant ; mais bien que ce choix ait des corollaires du libre arbitre, il est accompagné de la grâce du Transcendant et s’accomplit dans une intimité profonde avec autrui. Disons que c’est ce désir d’ouverture à l’autre, retrouvé en chaque homme, qui fonde l’intersubjectivité voilée dans l’anthropologie marcellienne. Cette intersubjectivité désigne une relation d’intimité entre « Je » et « Tu » où il n’y a aucunement dichotomie entre ces deux partenaires. Il y a plutôt engagement entre le « moi-même » et le « toi-même ». Autrui devient ainsi mon Alter ego qui se pose en nécessité dans cette consubstantialité. Il n’est plus un danger pour moi, comme le pensait Sartre, mais plutôt un coopérateur ou mieux un « Toi ». De cet engagement entre « Je » et « Tu » se crée un rapport de « Nous » qui est le mode d’être entre ces deux existants, la vie même, l’existence en commun. Il précède et fonde toujours les deux partenaires en intimité où ni le « Je », ni le « Tu » ne doit être traité en objet, comme un « Lui » mais comme un « Toi » (sujet). C’est dans ce sens que Marcel s’inscrit en faux contre le rationalisme scientifique qui tente de chosifier et déshumaniser l’homme en l’objectivant. Pour lui, le cogito cartésien enferme le moi dans sa propre coquille, il est un carcan dont nous ne saurions nous défaire. Si nous suivons Descartes, nous traiterions autrui comme un « lui » alors qu’il est à considéré comme un « tu » c’est-à-dire baignant dans une existence concrète. C’est cette critique qui est le point de départ de sa pensée de « co- présence » ou de son « l’intersubjectivité ». Marcel s’évertue donc à redonner à l’homme son poids ontologique et sa dignité9 6 NGIMBI NSEKA cité par D. F. BIAMELE, « Intersubjectivité comme condition du développement », dans Revue philosophique « Hekima na Ukweli », n° 10, (« Eux et nous : penser le tiers »), Actes de la 11ème S.P.K du 03 au 07 mars 2008, Kisangani, P.E.S, 2009, p. 92. 7 G. MARCEL, o.c., p. 25. 8 Cf. Ibid. 9 Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Gabriel_Marcel . Consulté le 16/01/2011 à 20h32min. 3 En outre, pense Marcel, l’être humain participe de la plénitude inépuisable de l’être d’où il émane. Il ne peut être pensé sans penser en même temps la réalité supra personnelle qui est à la fois son principe et sa fin10. C’est dans cette perspective que, en dehors de la relation sociale entre le couple « Je » et « Tu », l’être-homme se trouve également en communion spirituelle avec le uploads/Philosophie/ usindi-tp-marcel-1.pdf

  • 14
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager