Vatican II et Jean-Paul II « Recherchant les fondements plus profonds du progra

Vatican II et Jean-Paul II « Recherchant les fondements plus profonds du programme de gouvernement de Jean-Paul II,... le Père B. Sorge, directeur de la Civiltà Cattolica, a souligné que si Jean XXIII et Paul VI avaient été les pères du Concile, Jean-Paul II avait été le premier pape que l'on pouvait définir comme en étant le fils '. » De fait, « pour se situer dans la Tradition vivante de l'Eglise, Jean-Paul II ne veut faire état que de son héritage immédiat : celui qu'il tient des deux Papes précédents (de Pie XII aussi, parfois cité) et qui se résume dans Vatican II » 2. Pourtant il entend bien, nous le verrons, se réclamer ainsi de toute la Tradition de l'Eglise. Un fils du Concile Dès la clôture du Concile, l'archevêque de Cracovie, comme tous les évêques du monde, s'efforce de mettre en œuvre Vatican II. Karol Wojtyla y apporte un zèle tout particulier : il est peut-être le seul Père conciliaire3 qui ait écrit sur le sujet, en 1972, un ouvrage systématique de théologie paru pour le dixième anniver- saire de l'ouverture du Concile4 ; ce livre est présenté par son auteur comme l'acquittement d'une dette envers ce grand évé- nement qui marqua sa vie et celle de toute l'Eglise5. Pourtant ce n'est pas uniquement comme homme d'Eglise que K. Wojtyla fut marqué par le Concile, mais aussi comme penseur et philosophe. 1. J. GROOTAERS, De Vatican H à Jean-Paul I I . Le grand tournant de l'Eglise catholique, Paris, Le Centurion, 1981, p. 1 9 1 . 2. André MANAKANCHE, dans JEAN-PAUL II, Le Rédempteur de l'Homme. Texte de l'encyclique, Présentation et commentaires par le GERAS Action Populaire, Paris, Le Centurion, 1979, p. 146. Le choix du nom de Jean- Paul II est significatif à cet égard (cf. Redemptor hominis, 2). 3. G-.H. WILLIAMS, Thé Mind of John Paul I I . Origins of his thought and action, New York, Thé Seabury Press, 1981, p. 164 & 183. 4. K. WOJTYLA, Aux sources du Renouveau. Etude sur la mise en œuvre du Concile Vatican II, trad. H. LOUETTE, Paris, Le Centurion, 1981. Nous citerons simplement Sources. Sur cet ouvrage dès avant sa parution, en français, cf. H. FBOS, Un livre trop peu remarqué, dans NRT 101 (1979) 260-263. 6. Sources, p. 1, 6, 339. 362 B. POTTIER, S.J. Deux œuvres philosophiques majeures de K. Wojtyla ont paru en 1960 et 1969, c'est-à-dire juste avant et après le Concile. La première. Amour et 'Responsabilité, traite d'éthique sexuelle et familiale. Elle fut préparée par de nombreuses contributions parues entre 1952 et 1960 dans Tygodnik Powszechny qui, « dès la première annonce de Vatican II en 1959, consacra une grande quantité d'articles à cet événement mémorable dans l'histoire de l'Eglise » ". La seconde, Personne et Acte, en développant la méta- physique sous-jacente à la vie morale, complète et fonde la pre- mière 7. Or cette seconde étude, nous dit K. Wojtyla, fut inspirée par ses expériences et ses observations durant le Concile8. Certains iront même jusqu'à dire que ce livre « a probablement été conçu dans ses lignes essentielles au cours de ce concile précisément, et comme tentative de rendre raison, au plan de l'analyse philo- sophique, de la conception de l'homme qui est présupposée par les documents conciliaires »9. D'autre part, la publication philoso- phique de 1969 et celle de théologie en 1972 ont un air de famille : elles sont toutes deux rythmées par une suite de concepts similaires : prise de conscience, surgissement de l'attitude, parti- cipation. En effet, Karol Wojtyla situe au niveau de l'intelligence la première rencontre de l'homme avec la réalité humaine ou reli- gieuse ; c'est la prise de conscience. Celle-ci induit chez l'homme une mobilisation globale de l'intentionnalité ; ayant pris conscience, l'homme se dispose intérieurement à agir : l'attitude réfléchie n'est encore qu'une ébauche d'action, mais elle est nécessaire et décisive pour l'action qui se veut cohérente. La participation des hommes entre eux est la voie normale d'une action accomplie : les grandes victoires comme les grandes défaites sont toujours vécues dans la solidarité. Ce schéma commun aux deux ouvrages dénote non seulement l'unification philosophique de la pensée, mais aussi sa 6. K. WoJTYliA, En Esprit et en Vérité. Recueil dv textes 1949-1978, trad. Gw. JAEOZYK, Paris, Le Centurion, 1980, p. 231. Nous citerons désormajs Esprit-Vérité. 7. Sur cet ouvrage en version anglaise, cf. J.-Y. LACOSTE, Vérité <st Liberté. Sur la. 'philosophie de la personne chess K. Wojtyla, dans Revue Thomiste 81 (1981) 586-614 et G. KAUNOWSKI & J.-Y. LACOSTE, Autour de ' Acting Persan', dans Revue Thomiste 82 (1982) 626-644. Sur la version française définitive, cf. P. GILBERT, Personne et Acte. A propos d'un ouvrage récent, dans NST 106 (1984) 731-737. Voir aussi le chapitre que lui consacre R. BTJTTIGLIOÏTE, La pensée de Karol Wojtyla, trad. H. LotiETTE, Paris, Communio-Fayard, 1984, p. 169-250. 8. G.H. WILLIAMS, o.c., p. 185. 9. R. BUTITOLHWB, 0.0.. p. 261. VATICAN II ET JEAN-PAUL II 363 connaturalité dans tous les domaines avec les thèmes majeurs de Vatican II. Faut-il donc s'étonner de voir Jean-Paul II promouvoir, dès le début de son pontificat, et comme une tâche essentielle de celui-ci, la mise en œuvre de Vatican II ? Dans son allocution aux Provinciaux jésuites, le 27 février 1982, il confiait à la Compagnie le soin de travailler de toutes ses forces à cette mission, tout comme, ajouta-t-il, les premiers compagnons déployèrent tous leurs efforts pour faire connaître et appliquer le Concile de Trentelû. La volonté de Jean-Paul II est très explicite : il s'est mis à l'ouvrage le premier et ne cesse d'y inviter tous les membres de l'Eglise. Pour la fin de cette année 85, vingt ans après le Concile, il convoque un synode extraordinaire des évêques : « il importe, dit-il, de s'abreuver continuellement à cette source » ". Mais comment un chrétien peut-il répondre à son appel sinon en s'effor- çant d'abord d'en comprendre clairement la portée ? La participation de K. Wojtyla à Vatican II : « la liberté religieuse » Nommé évêque auxiliaire de Cracovie en juillet 1958, K. Wojtyla travaille dès 1959 à la préparation du Concile. Au début de celui-d, en 1962, il appartenait à la dernière promotion de l'épiscopat mondial : âgé de 42 ans, il était parmi les plus jeunes Pères conciliaires. Au début de 1964, avant la fin des travaux de Vatican II, il est nommé archevêque de Cracovie. Au cours de la IIIe session, Mgr Wojtyla participa aux travaux du groupe « Signes des temps », puis de la sous-commission centrale du Schéma XIII. Il assista à partir de la fin mars 1965 aux réunions de la commission plénière mixte du Schéma XIII et ne cessa de collaborer à cette Constitution pastorale pendant la IVe session. Il prit donc une part active à l'élaboration de Gaudium et spes et fut même de ceux qui proposèrent qu'on y insère le chapitre 4 de la F" partie : « Le rôle de l'Eglise dans le monde de ce temps » u. 10. Doc. Cath. 79 (1982) 304-5. Cette mission fut rappelée à la 33e Congrégation générale des Jésuites, le 2 septembre 1983 : cf. Doc. Cath. 80 (1983) 869. 1 1 . L'Osservatore Romam, n° 1834, 5 février 1985, p. 1. 12. J. GteooTAEBS. o.c.. D. 161-163. 364 B. POTTIER, S.J. Dès octobre 1963 cependant, Mgr Wojtyla ne manquait pas d'intervenir en séance plénière ". Sur l'ensemble de la période conciliaire, il le fit huit fois, chiffre particulièrement élevé « compte tenu de la jeunesse de l'intéressé et de la grande prudence généralement observée au Concile par les évêques d'Europe orien- tale » M. Il prit notamment la parole lors de la discussion de la Déclaration sur la liberté religieuse et ses discours n'ont pas été sans influence. En avril 1965, il écrivit à la revue polonaise déjà citée : « Particulièrement important à cet égard (c'est-à-dire con- cernant la personne humaine) sera le Schéma XIII, ainsi que la Déclaration Sur la liberté religieuse. Cette Déclaration ne constitue pas seulement un texte se suffisant à lui-même ; elle constitue en même temps un texte de référence pour beaucoup d'autres documents 15. » En effet cette Déclaration, l'un des plus courts parmi les documents du Concile, promulgué avec trois autres (dont Gaudium et spes} le 7 décembre 1965, à la veille de la clôture solennelle, « a provoqué les tensions les plus fortes de tout Vatican II »16. Alors fut prise, semble-t-il, l'une des options essentielles du Concile, même si, apparemment, ses retombées, dans Gaudium et spes par exemple, ont davantage attiré l'attention. Cette Décla- ration propose un thème qui tient fortement à cœur à Jean-Paul II. De nombreux indices nous le prouvent : K. Wojtyla intervint au Concile plusieurs fois, oralement et par écrit, sur le sujet, et il obtint audience ; il commence et achève son livre Aux Sources du Renouveau par une réflexion sur Dignitatis humanae " ; enfin — indice le plus important uploads/Philosophie/ vatican-ii-et-jean-paul-ii.pdf

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