BIBLIOTHÈQUE NEURO-PSYCHIATRIQUE DE LANGUE FRANÇAISE Viktor Yon WEIZSAECKER Y l

BIBLIOTHÈQUE NEURO-PSYCHIATRIQUE DE LANGUE FRANÇAISE Viktor Yon WEIZSAECKER Y l~f H (DER GESTALTKREIS) traduit de Vallemand par Michel Foucault et Daniel Rocher Préface du D r Henry Ey Y DESCLÉE DE BROUWER BIBLIOTHÈQUE NEURO-PSYCHIATRIQUE DE LANGUE FRANÇAISE Viktor von WEIZSAECKER LE CYCLE DE LA STRUCTURE (DER GESTALTKREIS) traduit de l'allemand par Michel Foucault Ancien Élève de l'École Normale Supérieure Agrégé de l'Université et Daniel Rocher Ancien Élève de l'École Normale Supérieure Agrégé de l'Université PRÉFACE D U D R HENRY EY DESCLEE DE BROUWER 1958 L'édition originale de ce livre a paru sous le titre Der Gestaltkreis aux Éditions Georg Thieme à Stuttgart. P I LAU5ANNEilî\ © 195s by Desclée De Brouwer. PRÉFACE C'est pour moi un accablant honneur de présenter la traduction de « Der Gestaltkreis » de Viktor VON WEIZSAECKER aux lecteurs français. Il s'agit en effet d'un ouvrage trop lourd de sens pour n'être pas publié dans notre langue, et trop « opaque », c'est-à-dire dans la perspective même de l'auteur trop « vivant », pour ne pas courir le risque des contre-sens. Sans doute le soin qu'ont apporté à cette traduction Michel FOUCAULT et Daniel ROCHER nous protège-t-il d'un pareil danger. Mais si je devais dans cette préface éclairer l'œuvre elle-même, nul doute qu'en l'entreprenant je ne sois assuré de faillir à ma tâche. V. VON WEIZSAECKER ne nous propose en effet rien moins qu'une sorte de nouvelle logique de l'organisme humain destinée à nous faire dépasser les antinomies structurales de la pensée de l'homme qui se réfléchit sur lui-même. Mais une logique qui est la vie elle- même, l'organisation même de sa structure ontologique. Nous pouvons cependant peut-être tenter de situer ce radical effort pour saisir dans son nexus l'acte biologique où se fondent le sujet et son monde, dans la circularité de son auto-création, au point où ce que je per- çois comme étant du monde est ce que j'arrache à mon propre pouvoir de mouvement, et où ce que je suis est la première personne à être dans ma propre négation. Nous ne nous étonnerons pas que le seul auteur français (avec BERGSON) que cite WEIZSAECKER, soit J . - P . SARTRE. C'est que, si je suis bien informé, l'illustre médecin physiologiste, phi- losophe et psychosomaticien allemand a puisé beaucoup de son inspiration auprès de Max SCHELER et de HEIDEGGER. Sans doute pour nous qui, en France, avons pu suivre jusque dans ses ramifications neurologiques la pensée de BERGSON, nous savons bien ce que peut devoir un neuro-physio- logiste à la pensée métaphysique dont il respire l'ambiance, et notre regretté R . MOURGUE nous a rompu aux virtuosités de l'exégèse philosophique de la science neuro-psychiatrique. Mais pour si familiers qu'ils soient avec ce style spéculatif de la recherche expérimentale et clinique des sensations et des mouvements, les savants français même, s'ils connaissent à fond les œuvres de M O N A K O W OU de GOLDSTEIN, ne pourront se défendre d'une sorte de surprise face à l'œuvre de cet homme qui est passé de la physio- logie des sens au sens de la physiologie. V . VON WEIZSAECKER, né en 1886, a été le disciple de Ludolf K R E H L à Heidelberg. Et c'est dans cette Université qu'il s'est consacré à l'étude de la neurologie clinique et à la neurophysiologie. Tout naturellement, les principes psychosomatiques de son Maître l'ont orienté vers ces grandes études médico-anthropologiques qui ont consacré sa célébrité. Mais pour si vivifiante qu'ait été son œuvre à cet égard, ce n'est pas d'elle que nous enten- dons souligner la décisive importance. Le livre auquel j'ajoute, comme une sorte d'ornement inutile et peut-être dérisoire, ces quelques réflexions, nous conduit dans une direction complémentaire et somme toute transcen- dante : celle d'une saisie qui enveloppe le sens conflictuel du sujet avec lui- même dans le développement structural de son être, dans la dialectique de sa déchirante existence qui ne s'ouvre au monde qu'en se réfléchissant sur lui-même. Peut-être faut-il pour nous, lecteurs français, qui avons vécu et pensé plus ou moins loin de la pensée scientifique et philosophique allemande, faire un effort pour comprendre le sens de cette psychophysiologie qui est si exactement à l'antipode de la psychophysique qu'elle se propose juste- ment comme sa négation. La pensée de V. VON WEIZSAECKER est dans le cycle de la structure de la pensée de HUSSERL pour autant que (pour nous référer à la pensée de G Œ T H E ) la structure même de cet acte vital qu'est la perception par quoi se constitue un Cogito qui s'ouvre à son monde, impli- que que rien n'y est dedans qui ne soit dehors... Cette articulation existen- tielle (Gliederung) du sujet et de l'objet, c'est le leitmotiv de la philosophie allemande en quelque sorte génétiquement attachée au principe de l'unité du corps et de l'esprit dans sa réalité structurale1. Mais il faut bien se gar- der de tomber dans les illusions psychologiques et métaphysiques qui appau- vrissent cette organisation structurale jusqu'à l'anéantir dans une sorte d'isomorphisme qui sculpte et par là même pétrifie la forme humaine en forme d'objet. Le behaviorisme aussi se réclame, en effet, de cette unité psychosoma- tique, mais c'est pour lui ôter son essentielle et existentielle ambiguïté, en montant des mécanismes, en conditionnant des réflexes ou en stimulant des comportements qui sont comme une fabrication, une automatisation d'une machine construite seulement par des objets et des forces extérieures à elle- même. Il ne reste alors à ce modèle mécanique d'autre ressource pour être psychique que de seulement paraître l'être, et l'unité psychosomatique n'est qu'une imposture pour n'être que l'effet d'une illusion. La « Gestaltpsychologie » n'est peut-être pas à cet égard tellement à l'abri de la même illusion. Sans doute en se constituant contre le sensation- nisme s'est-elle érigée sur une notion de la forme qui englobe les parties dans une totalité indivisible. Sans doute a-t-elle gardé longtemps le contact avec cette psychologie « structurale » de la pensée (la « Denkpsychologie ») 1. C e leitmotiv est devenu aussi celui de la pensée philosophique française (cf. à ce sujet le livre de BREHIER, Transformation de la pensée philosophigue française, 1950). qui, dans le groupe de la « Ganzheit » de Leipzig (KRUEGER), maintenait la continuité avec D I L T H E Y et qui, avec l'école de Wiirzburg ou les analyses de BERGSON, décrivait les formes qualitatives de l'expérience subjective. Et il est vrai que la Psychologie de la forme avec l'école de Graz ( M E I N O N G , BENUSSI) en mettant l'accent sur l'activité propre de la perception, sur son intentionnalité radicale, garantissait au sujet un pouvoir d'organisation, sinon de création. Mais issue d'une lutte contre l'atomisme psychologique, elle n'a pas tardé à retomber avec l'école de Berlin (WERTHEIMER, KÔHLER, etc.) dans une sorte de théorie moléculaire de la sensation et du comporte- ment. Ce qu'elle a refusé à la sensation, elle l'a donné à la perception en liant celle-ci à la légalité d'un champ perceptif aussi extrinsèque au sujet que peut l'être une situation dont l'organisme, tout en y répondant comme un tout, reçoit sa « forme ». On saisit ici par quel glissement la psychologie de la forme d'EHRENFELD à WERTHEIMER et KÔHLER, a trahi ses premières intuitions. Elle est devenue, comme disait SPEARMAN, la « bonne à tout faire » aux gages des plus diverses métaphysiques. De telle sorte que nous devons peut-être ici indiquer ce qui sépare GOLDSTEIN de V. VON WEIZSAECKER. Notons d'abord que, comme M O N A K O W , GOLDSTEIN et V. VON WEIZSAECKER se réfèrent à une conception holistique de l'organisme. Ils considèrent que l'être de l'organisme, c'est son sens, et nous trouvons chez l'un comme chez l'autre, le souci constant de lutter contre les interprétations anatomiques et atomistiques de la pathologie du siècle dernier. A cet égard, la fameuse pathographie du cas SCHNEIDER s'in- scrit assez exactement dans la perspective du « Gestaltkreis » puisque la signification biologique des symptômes en constitue le fond, et que l'un et l'autre se font une idée assez voisine du cursus morbi pour le pénétrer égale- ment par le dedans, comme forme d'expression. Ces aspects typiques de la « biopathologie moderne » ont quelque chose de commun. Mais on peut discerner chez GOLDSTEIN (comme chez M O N A K O W ) une adhérence plus forte à l'idée même d'organisme que chez V. VON WEIZSAECKER qui a tenté plus librement de s'en affranchir. Comme le fait remarquer L A I N ENTRAIGO (Historia Clinica, p. 562) en conclusion de sa remarquable étude, si GOLDSTEIN a « vitalisé » la pathologie, on peut dire que WEIZSAECKER a dans sa conception du « Gestaltkreis » humanisé plus intégralement la structure même de l'être en conférant au sujet de la première personne, ce que GOLDSTEIN a tendance à attribuer seulement à la troisième personne, à l'intégration et à la concentration et à la différenciation de l'organisme. Nous reviendrons plus loin sur l'intérêt de ces positions uploads/Philosophie/ weizsacker-cercle-de-la-structure.pdf

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