* * Définition La théorie cellulaire est très bien faite pour porter l'esprit p

* * Définition La théorie cellulaire est très bien faite pour porter l'esprit philosophique à hésiter sur le caractère de la science biologique : est-elle rationnelle ou expérimentale ? Ce sont les yeux de la raison qui voient les ondes lumineuses, mais il semble bien que ce soient les yeux, organes des sens, qui identifient les cellules d'une coupe végétale. La théorie cellulaire serait alors un recueil de protocoles d'observation. L'oeil armé du microscope voit le vivant macroscopique composé de cellules comme l'oeil nu voit le vivant macroscopique composant de la biosphère. Et pourtant, le microscope est plutôt le prolongement de l'intelligence que le prolongement de la vue. En outre, la théorie cellulaire ce n'est pas l'affirmation que l'être se compose de cellules, mais d'abord que la cellule est le seul composant de tous les êtres vivants, et ensuite que toute cellule provient d'une cellule préexistante. Or cela ce n'est pas le microscope qui autorise à le dire. Le microscope est tout au plus un des moyens de le vérifier quand on l'a dit. Mais d'où est venue l'idée de le dire avant de le vérifier ? C'est ici que l'histoire de la formation du concept de cellule son importance. La tâche est en l'espèce grandement facilitée par le travail de Marc Klein, Histoire des 0rigines de la Théorie cellulaire (9 . ( La théorie cellulaire n'est pas née d'observations microscopiques Concernant la cellule, on fait généralement trop grand honneur à Hooke. Certes c'est bien lui qui découvre la chose, un peu par hasard et par le jeu d'une curiosité amusée des premières révélations du microscope. Ayant pratiqué une coupe fine dans un morceau de liège, Hooke en observe la structure cloisonnée (10) . C'est bien lui aussi qui invente le mot, sous l'empire d'une image, par assimilation de l'objet végétal à un rayon de miel, oeuvre d'animal, elle-même assimilée à une oeuvre humaine, car une cellule c'est une petite chambre. Mais la découverte de Hooke n'amorce rien, n'est pot un point de départ. Le mot même se perd et ne sera retrouvé qu'un siècle après . Cette découverte de la chose et cette invention du mot appellent dès maintenant quelques réflexions . Avec la cellule, nous sommes en présence d'un objet biologique dont la surdétermination affective est incontestable et considérable. La psychanalyse de la connaissance compte désormais assez d'heureuses réussites pour prétendre à la dignité d'un genre auquel on peut apporter, même sans intention systématique, quelques contributions. Chacun trouvera dans ses souvenirs de leçons d'histoire naturelle l'image de la structure cellulaire des êtres vivants. Cette image a une constance quasi canonique. La représentation schématique d'un épithélium c'est l'image du gâteau de miel (11) . Cellule est un mot qui ne nous fait pas penser au moine ou au prisonnier, mais nous fait penser à l'abeille. Haeckel a fait remarquer que les cellules de cire remplies de miel sont le répondant complet des cellules végétales remplies de suc cellulaire (12) . Toutefois l'empire sur les esprits de la notion de cellule ne nous parait pas tenir à cette intégralité de correspondance. Mais plutôt qui sait si en empruntant consciemment à la ruche des abeilles le terme de cellule, pour désigner l'élément de l'organisme vivant, l'esprit humain ne lui a pas emprunté aussi, presque inconsciemment, la notion du travail coopératif dont le rayon de miel est le produit ? Comme l'alvéole est l'élément d'un édifice, les abeilles sont, selon le mot de Maeterlinck, des individus entièrement absorbés par la république. En fait la cellule est une notion à la fois anatomique et fonctionnelle, la notion d'un matériau élémentaire et d'un travail individuel, partiel et subordonné. Ce qui est certain c'est que des valeurs affectives et sociales de coopération et d'association planent de près ou de loin sur le développement de la théorie cellulaire . Quelques années après Hooke, Malpighi d'une part, Grew de l'autre, publient simultanément (1671) et séparément leurs travaux sur l'anatomie microscopique des plantes. Sans référence à Hooke, ils ont redécouvert la même chose, mais ils utilisent un autre mot. L'un et l'autre constatent que dans le vivant il y a ce que nous appelons maintenant des cellules, mais aucun d'eux n'affirme que le vivant n'est rien que cellules. Bien plus, Grew est, selon Klein, un adepte de la théorie selon laquelle la cellule serait une formation secondaire, apparaissant dans un fluide vivant initial. Saisissons cette occasion de poser le problème pour lequel l'histoire d'une théorie biologique nous paraît pleine d'un intérêt proprement scientifique . Depuis qu'on s'est intéressé en biologie à la constitution morphologique des corps vivants, l'esprit humain a oscillé de l'une à l'autre des deux représentations suivantes : soit une substance plastique fondamentale continue, soit une composition de parties, d'atomes organisés ou de grains de vie. Ici comme en optique, les deux exigences intellectuelles de continuité et de discontinuité s'affrontent . En biologie, le terme de protoplasma désigne un constituant de la cellule considérée comme élément atomique de composition de l'organisme, mais la signification étymologique du terme nous renvoie à la conception du liquide formateur initial. Le botaniste Hugo von Mohl, l'un des premiers auteurs qui aient observé avec précision la naissance des cellules par division de cellules préexistantes, a proposé en 1843 le terme de « protoplasma » comme se rapportant à la fonction physiologique d'un fluide précédant les premières productions solides partout où des cellules doivent naître. C'est cela même que Dujardin avait en 1835 nommé « sarcode », entendant par là une gelée vivante capable de s'organiser ultérieurement. Il n'est pas jusqu'à Schwann, considéré comme le fondateur de la théorie cellulaire, chez qui les deux images théoriques n'interfèrent. Il existe selon Schwann une substance sans structure, le cytoblastème, dans laquelle naissent les noyaux autour desquels se forment les cellules.Schwann dit que dans les tissus les cellules se forment là où le liquide nutritif pénètre les tissus. La constatation de ce phénomène d'ambivalence théorique chez les auteurs mêmes qui ont le plus fait pour asseoir la théorie cellulaire suggère à Klein la remarque suivante, de portée capitale pour notre étude : « On retrouve donc un petit nombre d'idées fondamentales revenant avec insistance chez les auteurs qui travaillent sur les objets les plus divers et qui se placent à des points de vue très différents. Ces auteurs ne les ont pas certes reprises les uns aux autres ; ces hypothèses fondamentales paraissent représenter des modes de penser constants qui. font partie de l'explication dans les sciences. » Si nous transposons cette constatation d'ordre épistémologique sur le plan de la philosophie du connaître, nous devons dire, contre le lieu commun empiriste, souvent adopté sans critique par les savants lorsqu'ils s'élèvent jusqu'à la philosophie de leur savoir expérimental, que les théories ne procèdent jamais des faits. Les théories ne procèdent que de théories antérieures souvent très anciennes. Les faits ne sont que la voie, rarement droite, par laquelle les théories procèdent les unes des autres. Cette filiation des théories à partir des seules théories a été très bien mise en lumière par A. Comte lorsqu'il a fait remarquer qu'un fait d'observation supposant une idée qui oriente l'attention, il était logiquement inévitable que des théories fausses précédassent des théories vraies. Mais nous avons déjà dit en quoi la conception comtienne nous parait insoutenable, c'est dans son identification de l'antériorité chronologique et de l'infériorité logique, identification qui conduit Comte à consacrer, sous l'influence d'un empirisme pourtant tempéré de déduction mathématique, la valeur théorique, désormais définitive à ses yeux, de cette monstruosité logique qu'est le « fait général .« En résumé, il nous faut chercher ailleurs que dans la découverte de certaines structures microscopiques des êtres vivants les origines authentiques de la théorie cellulaire . * * Les hérauts de la théorie cellulaire On nous reprochera peut-être d'avoir cité jusqu'à présent des penseurs plutôt que des chercheurs, des philosophes plutôt que des savants, encore que nous ayons montré que de ceux-ci à ceux-là, de Schwann à Oken, de Robin à Comte, la filiation est incontestable et continue. Examinons donc ce que devient la question entre les mains de biologistes dociles à l'enseignement des faits, si tant est qu'il y en ait un . Nous rappelons ce qu'on entend par théorie cellulaie : elle comprend deux principes fondamentaux estimés suffisants pour la solution de deux problèmes : 1° Un problème de composition des organismes; tout organisme vivant est un composé de cellules, la cellule étant tenue pour l'élément vital porteur de tous les caractères de la vie ; ce premier principe répond à cette exigence d'explication analytique qui, selon Jean Perrin (Les Atomes, préface), porte la science « à expliquer du visible compliqué par de l'invisible simple ». 2° Un problème de genèse des organismes; toute cellule dérive d'une cellule antérieure ; « omnis cellula e cellula », dit Virchow ; ce second principe répond à une exigence d'explication génétique, il ne s'agit plus ici d'élément mais de cause . Les deux pièces de cette théorie ont été réunies pour la première fois par Virchow ( Pathologie cellulaire, ch. 1, uploads/Philosophie/definition-la-theorie-cellulaire-est-tres 1 .pdf

  • 20
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager