Dialogues d'histoire ancienne Des dimensions significatives de l'espace histori
Dialogues d'histoire ancienne Des dimensions significatives de l'espace historique Monsieur José Carlos Bermejo Barrera, M.-P. Bouyssou Resumen En la historíografia reciente se ha venido dando una gran importancia al conjunto de los problemas relacionados con el espacio. El objeto del présente trabajo consiste en analizar los diferentes significados que dicho término puede adquirir en los textos historiográficos. Se establecen diferentes usos según se considère al espacio como principio del entendimiento, la razón o la imaginación históricas, diferenciando una série de usos que normalmente se superponen y dan lugar a numerosas confusiones historiográficas. Résumé Dans l'historiographie récente on a donné une grande importance à l'ensemble des problèmes liés à l'espace. Cet article a pour but d'analyser les différents sens qu'acquiert ce terme dans les textes historiographiques. Il existe différents emplois selon que l'on considère l'espace comme principe de l'entendement, de la raison ou de l'imagination historiques, en faisant la différence entre des emplois qui se superposent et provoquent de nombreuses confusions historiographiques. Citer ce document / Cite this document : Bermejo Barrera José Carlos, Bouyssou M.-P. Des dimensions significatives de l'espace historique. In: Dialogues d'histoire ancienne, vol. 18, n°2, 1992. pp. 29-49; doi : https://doi.org/10.3406/dha.1992.2014 https://www.persee.fr/doc/dha_0755-7256_1992_num_18_2_2014 Fichier pdf généré le 16/05/2018 DHA 18,2 1992 29-49 DES DIMENSIONS SIGNIFICATIVES DE L'ESPACE HISTORIQUE José С BERMEJO BARRERA Université de Santiago (Espagne) traduction : M.-P. Bouyssou La production historiographique de ces dernières années a vu proliférer une série d'études qui, en principe, semblent avoir pour objet commun l'idée de l'espace. Du développement de l'archéologie de l'espace jusqu'aux considérations en tout genre sur les espaces : public et privé, masculin et féminin, domestique et politique, etc., nous nous trouvons devant tout un ensemble de travaux qui donnent l'impression qu'historiens et archéologues ont réussi à découvrir et débroussailler un domaine qui semblait réservé jusque-là aux géographes. Néanmoins cette prolifération va de pair avec une confusion croissante, due à l'emploi indifférencié des nombreuses acceptions du terme espace. C'est pourquoi il est bon de mener à bien un travail de caractère théorique qui nous permette avant tout de comprendre, selon une expression aristotélicienne se référant à l'être, que "l'espace peut se dire de nombreuses manières", et que l'analyse de 30 José C. Bermejo Barrera celles-ci doit se faire avant d'employer celui-là comme instrument d'analyse historiographique. I Tout d'abord nous ne devrons pas oublier que l'idée de l'espace est un des éléments qui rend possible l'existence de la conscience historique. En effet, le savoir historique se formule à partir d'une perspective topologique, d'une perspective spatiale déterminée, selon laquelle l'historien peut accéder au savoir, ou bien formuler un récit historique - si l'on assume une conception narrative de l'Histoire - grâce à sa situation de privilège par rapport à ce que nous appellerons spatium historicum. Nous appelons spatium historicum le domaine ou substrat qui regroupe l'ensemble des événements ou personnages historiques qui peuvent être objet de savoir ou protagonistes d'un récit. Par rapport à cet espace, l'historien - qu'il travaille dans une perspective gnoséologique, c'est-à-dire qu'il considère que l'Histoire fournit un genre de connaissance semblable à celle qu'offre la science, ou qu'il écrive dans une perspective narrative, c'est-à-dire qu'il considère que l'Histoire n'est qu'un récit et que sa mission se limite à raconter ce qui est arrivé - se situe toujours dans une perspective externe. Il peut connaître et analyser les faits du passé, parce qu'il les voit de loin, il peut les observer et les reconstruire, grâce aux traces qu'ils ont laissées dans les documents, ou bien les raconter, mais comme un protagoniste absent : sa voix, la seule à parler, le fait toujours de l'extérieur du récit historique ; si elle se mélangeait à celui-ci, il se produirait un transvasement entre les genres littéraires et l'Histoire et nous passerions à la mémoire ou aux autobiographies. L'idée selon laquelle le sujet se situe en marge de l'espace n'est pas limitée au savoir historique. Au contraire, dans la philosophie et la science européennes cette idée a été, au moins à partir du XVIIe siècle, une condition de développement, par exemple, du savoir physique. On a coutume de dire que la philosophie européenne moderne naît avec René Descartes, ce qui est vrai en grande partie. Or, un élément fondamental de la pensée cartésienne c'est la division nette que le philosophe fait entre la res cogitans et la res extensa. Ainsi il existerait deux genres d'êtres : les uns seraient destinés à savoir et se situeraient, d'une certaine manière, hors de l'espace (en réalité ils y DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 31 sont présents, mais cela pose un très grave problème : celui de la relation âme/corps ou matière/ pensée) et les autres seraient simplement spatiaux, de nature inanimée ; parmi eux on compterait les animaux-machines du cartésianisme. Tout être en tant que conscience est, de par sa propre nature, extra-spatial. Pour connaître il faut se situer hors de l'espace et, d'une certaine manière, tout objet connu tend à se situer dans l'espace. Ce schéma cognitif a permis le développement de la physique cartésienne et newtonienne pour deux raisons. D'une part, l'identification de la matière à l'extension a rendu possible la mathématisation de la nature sous sa forme géométrique, qui est celle qu'elle prend chez Descartes et Newton. D'autre part, la conception de l'espace et du temps comme absolus, c'est-à-dire comme deux entités indépendantes des phénomènes et infinies dans leur extension et durée, permettra de formuler les lois de la mécanique classique. Cependant cette conception ne concerne pas seulement les sciences physiques, en fait celles-ci se limitent à reprendre une conception plus générale du savoir, puisque presque jusqu'au XXe siècle toute la philosophie européenne partagera ces présupposés. Et même dans notre siècle les philosophies qui ont voulu se constituer en savoirs hétérogènes par rapport aux sciences de la nature essaieront de nier les composantes spatiales de l'être humain et de souligner, au contraire, ses composantes temporelles, comme ce sera le cas chez Henri Bergson, Martin Heidegger ou José Ortega y Gasset. L'historien, qui partage cet archétype culturel, croira, tout comme le philosophe et le physicien, connaître le monde de l'extérieur et, au moins en tant que conscience, être situé en dehors du monde. Ainsi, quand, par exemple, Leopold von Ranke formule sa conception de l'Histoire selon laquelle l'historien, totalement impartial, est capable de décrire les événements du passé "tels qu'ils se sont produits", il insinue aussi que l'on peut observer tout un processus depuis un endroit neutre et absolument étranger à celui-ci !. Ce paradigme culturel sera remis en question au début du XXe siècle, en premier lieu dans le domaine de la physique. Les 1. Sur la conception de RANKE voir : Le Epoche délia Storia Moderna, Bibliopolis, Naples 1984, et surtout l'introduction de Fulvio Tessitore, p. 13-91. Sur la conception de l'espace et sa relation avec le savoir dans la pensée européenne, et en relation avec la constitution du savoir historique voir mon livre : El Final de la Historia. Ensayos de Historia Teórica, Akal, Madrid 1987, p. 117-171. 32 José C. Bermejo Barrera contradictions existant dans la théorie de l'éther conduiront à la théorie de la relativité, dont un des éléments-clés a été l'abandon des notions d'espace et de temps absolus. L'espace cesse alors d'être une sorte de substance uniforme qui s'étend jusqu'à l'infini ; au contraire, dans toute observation physique on partira de la position qu'occupe l'observateur dans cet espace. Il n'y a plus de points de vue privilégiés, tels que le point de vue de la conscience dans la philosophie cartésienne ; dans le processus gnoséologique, un être spatial, situé dans l'espace, entre, au sein de cet espace, en relation avec des phénomènes qui ont lieu dans ce champ spatial qui leur est commun. Or, non seulement le rôle de l'observateur privilégié disparaît - bien que cela ait une importance fondamentale -, mais l'espace lui- même s'intègre à l'étude des phénomènes, de sorte que nous pourrions dire que l'espace est une des propriétés de la matière et qu'il prend différentes formes selon les circonstances propres à la matière à étudier. Dans un univers dominé par la pesanteur, l'espace deviendra courbe, on ne pourra plus y trouver deux droites parallèles qui se prolongent jusqu'à l'infini, il faudra abandonner la géométrie euclidienne et travailler avec d'autres qui possèdent différents types de courbures, dont les intensités dépendront, par exemple, de la densité des masses considérées. L'espace n'est plus absolu et le sujet ne se situe plus au-delà de l'espace. Mais ce processus, dont les conséquences pour le développement de la physique et de l'astronomie seront immenses 2 ne va pas se limiter au domaine des sciences physicomathématiques. Au contraire, comme dans le cas précédent, il s'agit avant tout d'un processus culturel, ce pourquoi la conception de la physique se retrouvera dans d'autres terrains, dont celui des études historiques. Selon les conceptions de l'historicisme allemand - vulgairement connu sous le nom erroné de "positivisme historique" - l'historien peut connaître le passé grâce à sa capacité de reconstruction d'un processus préalable d'observation réalisé sur ce Comme synthèse sur les implications que la théorie de uploads/Philosophie/dha-0755-7256-1992-num-18-2-2014.pdf
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- Publié le Jan 06, 2022
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