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28/08/12 12:12 L'usage de psychotropes : entre sauvagerie et enculturation - Cairn.info Page 1 sur 11 http://www.cairn.info/revue-psychotropes-2001-1-page-19.htm Accès hors campus Accueil À propos de Cairn.info Services aux éditeurs Services aux institutions Services aux particuliers Contacts Aide Psychotropes 2001/1 (Vol. 7) 98 pages Editeur De Boeck Université Site Web I.S.B.N. 2-8041-3650-7 DOI 10.3917/psyt.071.0019 A propos de cette revue Site Web Acheter en ligne Ce numéro ou un abonnement. Papier et électronique Ajouter au panier Cairn.info respecte votre vie privée Alertes e-mail Recevez des alertes automatiques relatives à cet article. S'inscrire Cairn.info respecte votre vie privée REVUES OUVRAGES ENCYCLOPÉDIES DE POCHE MAGAZINES L'ÉTAT DU MONDE REVUES DISCIPLINE REVUE NUMÉRO ARTICLE Article précédent Article suivant Articles Page 19-33 Perspectives Psychologue, doctorant à l’UCL[1] Visiteur Connexion MON CAIRN.INFO chercher une revue, un article, un auteur s e a r c h Recherche avancée Chercher dans... L’usage de psychotropes : entre sauvagerie et enculturation Vous consultez Grégory Escande du même auteur Auteur PRÉAMBULE N otre itinérance nous portant actuellement à mener une recherche clinique sur une pratique de type chamanique utilisant – entre autres plantes psychoactives – l’hallucinogène ayahuasca, nous focaliserons l’essentiel de notre discours sur l’enculturation de la drogue dans les sociétés chamanistes ainsi que sur une approche phénoménologique du vécu hallucinogène, notamment celui du sujet vivant dans une culture (occidentale) où ce type de substances est interdit (du point de vue légal) et associé à une conduite pathologique mortifère (du point de vue médical). Nos propos concernent donc principalement les drogues dites hallucinogènes. En outre, nous arborerons un positionnement personnel en tant que psychologue (un parmi d’autres) vis-à-vis de l’usage d’hallucinogènes ainsi qu’à l’égard du « sacré » et du rôle du chercheur dans sa discipline spécifique… Le fil rouge du texte – constitué de nombreuses données interdisciplinaires – est de donner au lecteur des indications afin qu’il cerne la complexité concernant l’utilisation de psychotropes au sein d’une société donnée. L’hypothèse qui sous-tend notre article est celle-ci : les occidentaux ne possèdent pas les médiations nécessaires pour cadrer une expérience hallucinogène dans une visée prospective. À PROPOS DU CHAMANISME Le chamanisme est considéré par les spécialistes en sciences humaines comme étant un système de croyances très ancien (si ce n’est le plus ancien) qui permet à l’humanité de se relier avec son environnement. Le chamanisme s’articule autour de la personne du chaman, détenteur d’un savoir ésotérique et rituel qui concerne principalement la chasse, la fertilité, la guérison et la mort (Seaman, Day, 1999). Le terme de « chaman » (ou « chamane ») est ainsi un terme générique désignant des praticiens agissant sur plusieurs registres (essentiellement sociaux, religieux et thérapeutiques). Ces praticiens utilisent des techniques spécifiques pour répondre à des situations hétérogènes inscrites dans un mode de vie basé sur l’économie de subsistance, la prédation et un rapport direct à la nature (Vazeilles, 1991). En cela, le chamanisme est un système écologique comme nous le postulent B. Hell (1999) et P.T. Furst (1999); il est une vaste entreprise dynamique et pragmatique – entreprise caractérisée par le principe d’adaptabilité – dont la finalité est d’assurer l’intégrité et la perpétuation de la société. 2 Raccourcis Plan de l'article Résumé de l'article Pour citer cet article Liens Sur un sujet proche 28/08/12 12:12 L'usage de psychotropes : entre sauvagerie et enculturation - Cairn.info Page 2 sur 11 http://www.cairn.info/revue-psychotropes-2001-1-page-19.htm Le chaman incarne donc ce type de « mission », et ce, en utilisant les mythologies, cosmogonies ou encore théologies en vigueur dans sa propre ethnie. L’essentiel de la « conception du monde » chamanique repose sur le postulat de l’existence d’un « monde » différent du monde phénoménal accessible par les sens usuels. Les qualifications par Perrin (1995) de « mondeautre », par Hell (1999) de « monde des esprits » ou de « surnature » (terme qu’il reprend à la spécialiste du chamanisme sibérien R. Hamayon) précisent bien le caractère étranger de cet « univers » dans lequel le chaman peut accéder par diverses techniques (isolement, jeûne, invocations, abstinence sexuelle, prise rituelle de psychotropes, etc.). Eliade (1968) distingue le chaman des autres hommes : le premier est capable d’entreprendre une expérience mystique « concrète et personnelle » (selon les mots de l’historien des religions), contrairement aux seconds (les hommes « ordinaires »). Plus précisément, les hommes ordinaires ne peuvent accéder dans le « monde-autre » qu’en de rares occasions (maladies, fêtes, etc.) et grâce aux hallucinogènes. La différence éliadéenne concerne donc la question de la maîtrise. Le chaman apparaît ainsi comme un « technicien de l’extase », celui qui sait « sortir de lui-même » de manière non aléatoire pour accéder au « transcendant[2] ». 3 suite [2] La notion de « transcendant » que nous utilisons est à... Avant de mieux cerner ce que nous appelons « l’usage enculturé de psychotropes », il est opportun de noter que la position reconnue d’Eliade envers les drogues hallucinogènes est péjorative. Dans son essai classique écrit en 1951, Le chamanisme et les techniques archaïques de l’extase (1968), Eliade qualifie l’usage de substances psychoactives de « forme tardive et empruntée » d’accession à l’extase et de « substitut vulgaire de la transe pure » associée à une dégénérescence du chamanisme; il s’oppose ainsi à la position de W. La Barre (1974) qui défend la thèse que l’origine de la religion et du chamanisme est liée à une consommation rituelle d’hallucinogènes. L’ethnologue Perrin (1995) voit dans cette position envers les hallucinogènes un « exemple caricatural » de l’« éliadisme » dont la partialité (notamment l’engagement mystique de l’historien des religions), la définition-carcan du chamanisme[3] et le comparatisme l’agacent. Sur cette question concernant le jugement sur l’usage de substances, l’anthropologue américain Furst réhabilite son maître Eliade. Ce dernier n’aurait pas eu l’occasion de réviser son point de vue dans une nouvelle édition du chamanisme. Furst écrit ainsi (1999, p. 38): « Le travail accompli par les botanistes et les ethnologues sur les plantes sacrées en Amérique, l’évidence philologique d’un usage étendu et très ancien de l’amanite tue-mouches en Europe, enfin les dates fournies par le carbone 14 concernant les découvertes du sud-ouest américain, m’a-t-il confié peu avant sa mort, l’avaient convaincu qu’on avait bien affaire là à un phénomène archaïque et qu’il n’y avait pas de différence phénoménologique entre les techniques de l’extase, qu’elles fussent « spontanées » ou induites par l’effet chimique des plantes sacrées ». L’ouvrage encyclopédique d’Eliade (tel qu’il est disponible) peut ainsi être considéré comme une bonne introduction au chamanisme mais il reste très limité concernant les peuples utilisant des hallucinogènes ou autres plantes naturelles. D’autres livres (et notamment en français puisque la recherche anthropologique française sur le chamanisme surtout sud-américain est assez active) sont heureusement disponibles sur ce domaine … 4 suite [3] Le chamanisme selon Eliade (1968) est donc une « technique... DES SUBSTANCES « ENCULTURÉES » C’est en 1972 que Furst réunit dans son ouvrage The flesh of the gods[4] , une série de textes présentant les principales pratiques rituelles avec ingestion d’hallucinogènes naturels. L’utilisation de telles plantes, nous dit l’anthropologue, remonte à plusieurs millénaires, et même probablement au paléolithique. On retrouve ainsi sur le continent américain des traces, attestant d’un usage rituel d’hallucinogènes, de plus de 100000 ans. Cet argument archéologique a été largement repris par La Barre qui perçoit la prise de substance comme une véritable pratique fondatrice de la culture humaine. 5 suite [4] La chair des dieux, Seuil, 1974. ... La connaissance écologique et botanique qu’ont les sociétés chamanistes est littéralement stupéfiante. Les Indiens d’Amérique (surtout centrale et du sud) 6 28/08/12 12:12 L'usage de psychotropes : entre sauvagerie et enculturation - Cairn.info Page 3 sur 11 http://www.cairn.info/revue-psychotropes-2001-1-page-19.htm littéralement stupéfiante. Les Indiens d’Amérique (surtout centrale et du sud) connaissent plus de deux cent plantes qu’un occidental qualifierait de psychédéliques ou de psychomimétiques (le chamanisme du Vieux continent connaît également des substances analogues, mais dans une proportion infiniment moins élevée). Les exemples de substances prises rituellement sur le continent américain sont nombreux : champignon psilocybe dans le chamanisme du Mexique, amanite tue-mouche (champignon à l’origine utilisé par les chamans sibériens dont le principe actif est la muscarine) au Canada, au nord-ouest des États-Unis ainsi qu’en Amérique centrale, cactus peyotl au sud du Texas et au nord du Mexique (principalement chez les Indiens Huicholes), cactus San Pedro utilisé originairement en Equateur et qu’on retrouve désormais au Mexique, au Texas et au Pérou, herbe de Jimson et racines de datura (de la famille des solanacées) utilisées principalement par les tribus d’Amérique du nord, liane ayahuasca, jus de tabac, bulbe piripiri, feuilles naranjillo en Amérique du sud, etc. Ces substances participent d’une culture, c’est-à-dire qu’elles sont liées à un contexte – construction née de l’échange entre des individus qui partagent un certain nombre de valeurs et de conceptions. Ce contexte, dont nous parlons, peut ainsi s’appréhender comme une interprétation, un langage qui oriente les façons de penser et de comprendre la réalité (Bruner, 1991; Barth, 1995). Les membres d’une même aire géographique ont négocié un « monde en commun »: ils sont enculturés à uploads/Philosophie/entre-sauvagerie-et-enculturation-cairn.pdf
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- Publié le Nov 01, 2021
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