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This content downloaded from 176.221.248.133 on Fri, 16 Dec 2022 19:52:22 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms Rev. Sc. ph. th. 63 (1979) 580-592 L'ASSOMPTION DU RÉEL AU TRAVERS DU NOM RÉPONSE PARTIELLE A GHISLAIN LAFONT par Pierre G1sEL La rédaction de la Revue des Sciences philosophiques et théologiques m'a très aimablement invité à poursuivre le dialogue amorcé par G. Lafont sous le titre : « La pertinence théologique de l'histoire• (cf. Rev. Sc. ph. th. 63 (1979) p. 161-202). Je l'en remercie. Je remercie également G. Lafont : de la lecture, approfondie, qu'il a faite de mon livre, de ses questions, essentielles et difficiles comme on va le voir, du dialogue plus direct, enfin, que nous avons noué oralement et par écrit. Notre rencontre pourrait paraître à certains égards surprenante : G. Lafont est catholique romain, religieux et de solide formation traditionnelle (au meilleur et au plus beau sens du terme); je suis protestant, participant profondément des difficultés comme des tentations du monde présent, et de formation plus éclatée. Cette différence est peut-être une chance à saisir. Elle peut nous contraindre à entrer dans un espace susceptible de décentrer, partiellement, ce que nos paroles - les miennes surtout - peuvent avoir de trop subjectif, de trop personnel, voire d'affectif. Un espace plus objectif. Peut-être celui de l'Église; de hier, d'aujourd'hui et de demain. Or, il n'y a finalement, probablement, pas d'exercice théologique légitime hors cet espace-là. Pour la clarté du dialogue, je relèverai d'abord les points qui, s'ils ne marquent pas nécessairement un accord sur le fond, semblent du moins pouvoir être admis, tant au niveau épistémologique que théologique. Ils constituent, pour ainsi dire, une base de discussion. Ce n'est qu'après leur rappel que je centrerai la réflexion sur ce qui fait difficulté, et qui, je crois, est d'un enjeu tout à fait central. Je crois d'abord que G. Lafont a très bien vu le lien (parabole 1 ?) qu'il y a entre les disparités dues aux développements pluriels de l'histoire et la disparité entre Dieu et la croix (p. 163). Ces disparités (je parlais de diffé- I. Nécessité ontologique ? épistémologique ? Les deux ensemble ? Si c'est en toute radicalité que Dieu se révèle dans l'histoire (réelle révélation et dans l'histoire réelle !), il doit valoir comme autre (Dieu sub contrario, d'où le mystère de la croix) et l'histoire être disqualifiée quant à toute prétention récapitulative par reprise interne. (C'est en langage barthien que l'irréductibilité des différences historiques sera dite parabole de la différence entre Dieu et l'histoire.) This content downloaded from 176.221.248.133 on Fri, 16 Dec 2022 19:52:22 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms RÉPONSE À G. LAFONT 581 rences), loin d'être signes d'irrémédiable rupture, se trouvent être à l'origine d'un jeu tout à fait spécifique de relations. Je dirais même : à l'origine des positivités ici mises en relation. C'est tout au moins ainsi que le théologien les voit, et en vit, comme tout croyant. Dès lors, la dissimilitude n'est pas, comme l'a bien noté Lafont, le lieu « dont il faut revenir•• mais bien « le lieu de la manifestation», « de Dieu, de son Christ, de l'homme • (p. 162). De même, la catégorie du Dieu caché ne s'oppose pas à celle du Dieu révélé, mais Dieu se révèle comme Dieu caché (p. 162; 182 s.). G. Lafont a bien remarqué également jusqu'où mène cette position : à ce qu'il n'y a finalement pas de discours sur les réalités mondaines qui ne soit lié à une position théologique et, inversement, pas de discours sur Dieu qui ne soit intrinsèquement lié à ce que nous disons du monde (cf. p. 180, 184; cf. aussi p. 170) : c'est là le secret de la « pertinence théologique de l'histoire• (ou du monde) et, probablement, d'une pertinence de la question de Dieu pour le monde. Un style théologique qui se construit sous ces auspices réservera une place centrale au moment pratique, à la transitivité, à la confession (cf. p. 187, 190). La distance ou l'hétérogénéité, l'absence et le refus de l'adéquation, posés au départ, commandent ce moment qu'on appellera de «constitution». On milite donc pour une théologie qui s'écrit au présent (p. 184) - pensé comme lieu de représentativité (p. 177) à l'enseigne du primat christologique (p. 173 ss) -, œuvre de mémoire (p. 185) et dont la situation herméneutique (p. 186) apparaît indépassable alors même qu'un projet de totalité est fortement affirmé (ibid.)•. C'est dans cette région que va s'enraciner la difficulté. Le présent est central. Avènement et mémoire; pensé comme représentativité christo- logique. On voit s'articuler là un double moment : celui d'une constitution, celui d'une référence (p. 187). Le fonctionnement des deux instances pose problème; et notamment celui de la référence (p. 188 s.). Pour faire court, G. Lafont craint que l'épistémologie mise en œuvre ne se tienne en des limites trop étroites et que, faute d'ancrage assez assuré, on « dévalue secrètement • (p. 169) la positivité théologique dont il s'agit de témoigner. Parce que le présent est lieu d'avènement spécifique, une certaine « systématique ontologique » (p. 179) • se révèle inadéquate : celle qui postule un logos en tout point « homogène à la réalité» (p. 180) et permet ainsi qu'un langage « enfin parvenu à sa pureté radicale» s'en vienne toucher « le plus réellement réel&, Dieu. A l'inverse, Lafont a bien vu que je n'entends pas prêcher un « enthousiasme charismatique• (p. 171) : tel est en effet, structurellement, le sens de la polémique - constante - menée contre Bultmann et, théologiquement, la valorisation de « l'histoire dans sa contingence et son épaisseur & (p. 165). 2. Le moment (l'exigence) de totalisation est central et décisif, mais il n'est juste- ment pas • totalitaire •· C'est une simple erreur de lecture que d'avoir recopié • prétention totalitaire • au lieu de • prétention totalisante • que contenait mon texte {p. 311) ici cité en p. 174. Le moment de totalisation est anti-totalitaire par excellence, vu : 1) l'hétérogénéité qui le commande (la différence pré-originaire Dieu-monde) ; 2) l'instance spécifique du présent (irréductible à la linéarité chronologique) ; 3) son caractère actif, transitif, confessant (irrésorbable en savoir). 3. Une certaine systématique ontologique. J'ajoute l'adjectif. Indice d'une subtile différence entre Lafont et moi 'l (cf. aussi p. 178, 5• al.). Je ne voudrais pas réserver la problématique ontologique à un certain style de discours traditionnel, ce qu'on pourrait lui opposer devenant du coup toujours plus ou moins soupçonné d'actualisrqe, Il nous faut une ontolo8ie. La 11eule question est de savoir laquelle, This content downloaded from 176.221.248.133 on Fri, 16 Dec 2022 19:52:22 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 582 P. GISEL Avançons tranquillement. Pour noter d'abord - avec G. Lafont toujours - l'importance qu'au cœur du présent, l'on confère au texte : un texte pris dans un jeu d'écriture plurielle mais qui présente « la configu- ration d'un monde • (p. 168), une « figure du monde • (ibid.)'. Or, ce point . est décisif. Et malgré certains accords, il semble que s'annonce là déjà, entre G. Lafont et moi, une première inflexion. Dans mon vocabulaire, c'est le texte qui est (qui fait) figure; dans le sien, la figure, finalement, n'« appartient pas à l'ordre du discours, (p. 198 ; cf. aussi, très net, p. 193 s.). Mais n'anticipons pas. Le texte est donc pour moi figure du monde. Il advient face à une triple altérité (qu'il ne rejoint pas) : l'Adversaire (cf. le couple Glaube-Aberglaube), le monde lui-même en son extériorité, le Prédécesseur (p. 181). C'est le lien à ce dernier, surtout, qui va faire problème. Le Prédécesseur est à la fois autre, radicalement passé, irrésor- bable donc et, à ce titre, parabole de transcendance (cf. p. 182) ; il est, à la fois, référence. Pourquoi ? parce qu'il apparaît lui-même sous les espèces de la figure ou du texte. Lui aussi est avènement d'écriture et de parole, et type ainsi un monde•. Le théologien travaillera donc sur un arrière-fond « typo-généalogique • (p. 176). La généalogie dit la reprise discontinue; la typologie signale la positivité. Positivité de départ et irréductible; du même coup, positivité de part en part historique. C'est en creusant ce point que l'on avancera dans le dialogue proposé, et que l'on pourra sortir, j'espère, de certaines apories qui ont souvent fait office de destin pour ce temps théologique, commencé, selon G. Lafont, avec Luther (p. 162). Le débat ouvert par G. Lafont se présente d'abord sous forme épistémologique. La question porte sur le mouvement généalogique (p. 187) : quels en sont les critères ? Comment en fonctionnent les références ? En termes plus théologiques, c'est la question du « canon dans le canon • (p. 169; 193); philosophiquement : la validité et la portée d'un certain passage par Kant (cf. p. 169 et débat sur le métalangage, p. 193 ss). En dernière instance, la question devient celle de la consistance du « primat christologique • (p. 187 ; 199) ou, plus radicalement, de la réalité uploads/Philosophie/gisel-l-x27-assomption-du-re-el-a-travers-du-nom.pdf

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