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Tous droits réservés © Laval théologique et philosophique, Université Laval, 1993 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 31 oct. 2021 02:56 Laval théologique et philosophique L’idéalisme allemand face à la raison théologique Marc Maesschalck Hommage à Jean Ladrière Volume 49, numéro 2, juin 1993 URI : https://id.erudit.org/iderudit/400772ar DOI : https://doi.org/10.7202/400772ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Faculté de philosophie, Université Laval ISSN 0023-9054 (imprimé) 1703-8804 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Maesschalck, M. (1993). L’idéalisme allemand face à la raison théologique. Laval théologique et philosophique, 49(2), 309–320. https://doi.org/10.7202/400772ar Laval théologique et philosophique, 49, 2 (juin 1993) L'IDÉALISME ALLEMAND FACE À LA RAISON THÉOLOGIQUE Marc MAESSCHALCK RESUME : L'auteur se propose d'indiquer comment en arriver à mieux saisir les enjeux épisté- mologiques des débats de l'idéalisme allemand avec la rationalité théologique. L 9 imposant Manuel d'Histoire des Dogmes (Handbuch der Dogmengeschichte) 4 accorde une place importante aux débats théologiques qui ont entouré VAuf- kldrung et l'idéalisme allemand1. Cependant, la méthode utilisée pour rendre compte des contacts décisifs de la théologie et de la philosophie à cette époque se limite à l'« inventaire classique du répertoire dogmatique»: on s'intéresse exclusivement à Y évolution des contenus intellectuels prédéterminés en fonction des catégories cor- respondant aux grandes matières dogmatiques. On apprend donc peu de choses quant à une transformation de la rationalité théologique elle-même. Or si le contact avec la philosophie a été effectivement fécond à cette époque, c'est d'abord à ce niveau que devraient se manifester les résultats obtenus puisque l'entreprise philosophique d'alors était entièrement focalisée sur une vaste réforme de la raison. C'est pourquoi à travers cet article, nous voudrions donner un aperçu de la direction à prendre pour mieux saisir les enjeux épistémologiques des débats de l'idéalisme allemand avec la rationalité théologique. Pour y parvenir, nous tenterons d'aborder la question à partir de la philosophie, en nous démarquant ainsi d'emblée des approches théologiques proposées par des Kiing, des Moltmann, des Balthazar, des Brito, des Welte ou même des Jungel. Il nous semble, en effet, qu'il faut reparcourir la frontière qui sépare les domaines de l'invention philosophique et de la recherche théologique, ]. Voir en particulier L. SCHEFFCZYK, « Die theologische Erneuerung im 19. Jahrhundert», dans Offenbarung. Handbuch der Dogmengeschichte, Bd. I, Fas. lb, Freiburg/BaselAVien, Herder, 1977, p. 79-99; Ign. ESCRIBANO-ALBERCA, «Eschatologie. Von der Aufklàrung bis zur Gegenwart», dans Handbuch..., Bd. IV, Fas. 7d, 1987, p. 115-129; H. KÔSTER, «Urstand, Fall und Erbsiinde. Von der Aufklàrung bis zur Gegenwart», dans Handbuch..., Bd. II, Fas. 3c, 1982, p. 149-168 et 181-185; H. PETRI, «Glaube und Gotteserkenntnis», dans Handbuch..., Bd. I, Fas. 2c, 1985, p. 101-115 ;B. A. WILLEMS, « Die Soteriologie der Gegenreformation und die Reaktion der Aufklàrungszeit», dans Handbuch..., Bd. Ill, Fas. 2c, 1972, p. 47-56. 309 MARC MAESSCHALCK afin de mieux entendre les critiques et les propositions de la philosophie, sans y mêler un désir de substitution ou même d'imposture qui suscitera en retour le ressentiment et la vengeance. C'est à titre de savoir particulier que la théologie est visée par l'idéalisme allemand en quête de nouvelles méthodes de connaissance. La question est de savoir ce qu'il en est de la révolution moderne de l'intelligence pour la raison théologique. Pour l'idéalisme allemand, la théologie peut parvenir à se comprendre et à se pratiquer autrement sans dénaturer son message, mais en le traduisant selon les catégories propres à Yépisîémè d'une époque. I. AUX ORIGINES DE L'IDÉALISME ALLEMAND L'écrit de Kant sur la religion est l'expression ambivalente d'un nouveau type de rapport entre philosophie et théologie qui, tout en souscrivant encore largement à l'intellectualisme restrictif de YAufklârung prend sérieusement en considération l'au- tonomie du phénomène religieux à l'intérieur de la culture et tâche de s'accorder avec la valeur formelle de l'espérance qui le sous-tend. Kant poursuivra son interrogation à travers des fragments de théodicée recueillis plus tard dans les Œuvres posthumes2. Mais il ne reviendra plus sur la limite posée entre la valeur formelle de l'expérience religieuse — liée, pour lui, au domaine des jugements réfléchissants, à la croyance, et au problème de la finalité3 — et le contenu propre du discours théologique, qu'il ne cherche pas à élucider, même comme attitude de conscience. Il ne se préoccupera pas plus d'ailleurs de développer une théologie morale pour détruire l'emprise de la métaphysique sur ce domaine particulier. Son dialogue avec la théologie comme science est resté en suspens, par souci d'éviter l'inutile conflit des facultés4 ! Cette position, à peine esquissée, ouverte tout autant sur un renouveau de la théodicée (Schelling) que sur une réappropriation progressive de la rationalité théo- logique comme étape de l'auto-libération de la conscience (Hegel), — cette position marquait clairement déjà l'indépendance du point de vue philosophique dans son examen des multiples discours qui cherchent à saisir la réalité dans des structures de sens où la conscience se trouve soi-même impliquée5. Qu'il s'agisse de Fichte, d'Hegel ou de Schelling, les disciples et les successeurs de Kant s'appuieront tous sur cette position critique de la philosophie, qui établit l'autonomie du questionnement humain, pour investiguer le champ propre au discours théologique et analyser le mode de rationalité qui y fonctionne et les structures formelles du sens qui s'y mettent en place. 2. Cf. l'imposant Nachlafi contenu par les tomes 14 à 23 de l'édition des Kant's gesammelte Schriftcn sous les auspices de la Kôniglich Preussischen Akademie der Wissenschaften (= A.K.), Berlin 191 1 ; Nachlafi dont le Père Maréchal avait proposé en son temps de brillantes analyses transversales sur le problème de la théodicée et du passage à la philosophie de la Nature (J. MARÉCHAL, Le point de départ de la métaphysique. Cahier IV, Bruxelles/Paris, 1947, p. 227-326. Voir aussi le Bulletin de la Société française de Philosophie, 82 (1988), consacré à YOpus postumum kantien. 3. Cf. E. KANT, Critique de la faculté de juger, trad, par A. Philonenko, Paris, 1979, §87 (p. 254-255) et §91 (p. 272-275); A.K., V, p. 447-448 et 469-473. 4. Cf. E. KANT, Le conflit des facultés, trad, par J. Gibelin, Paris, 1935, p. 72-77; A.K., Vil, p. 61-65. 5. Cf. E. KANT, La religion dans les limites de la simple raison, trad, par J. Gibelin, Paris, 1968. p. 204- 205; A.K., VI, p. 156-157. Voir M. MAESSCHAI.CK, «Schématisme et liberté». Science et Esprit, 40 (1988), p. 153-178. 310 L'IDÉALISME ALLEMAND FACE À LA RAISON THÉOLOGIQUE En même temps, naturellement, ces penseurs seront amenés par leur travail critique à se représenter à leur façon les structures des discours théologiques et, en particulier, une série de problématiques ou de thèmes-clés comme la création, la Trinité, le péché originel, l'Incarnation, la Rédemption, la mort de Dieu, la Résurrection, l'espérance du jour de Dieu, la justification et, au centre de leurs préoccupations à l'égard de la raison théologique, la révélation. Leur interprétation positive de la théologie chrétienne à visée critique sera d'autant plus nuancée que chacun d'entre eux a reçu une éducation religieuse luthérienne, piétiste et moralisante6, et une bonne formation théologique7, proche de l'Écriture (Schelling en particulier est un remarquable philologue), mais aussi inspirée des nouveaux courants en débat avec Kant et Maïmon8 et animée par les poussées subversives du rationalisme éclairé qui, à la fin du XVIIF siècle, mêle dans la ferveur révolutionnaire, le nationalisme et le sentiment religieux9. L'attitude des idéalistes à l'égard de la théologie sera constamment marquée par la poussée politique et culturelle de l'Allemagne à cette époque10. Le christianisme est considéré comme l'un des facteurs déterminants qui contribuera à la réussite ou à l'échec de la société moderne tendue vers l'organisation et l'épanouissement de la liberté partagée dans l'institution de l'État-Nation. Pour les idéalistes, l'effort en vue de rationaliser l'existence collective de la liberté doit s'appuyer sur la tradition chré- tienne du monde moderne et chercher une réconciliation définitive entre le pouvoir temporel qui s'exprime par la contrainte objective et le pouvoir spirituel qui s'exprime par la liberté subjective, par la résistance de la conscience. L'histoire moderne est tout autant marquée par le réalisme pesant des structures de la chrétienté catholique avant et après la Réforme, que par l'idéalisme qui a éclaté dans la violence pour affirmer le droit de la conscience subjective à travers l'expérience politique de la Réforme. Le souci commun des «idéalistes» est dans la production d'un «idéal- réalisme" » qui propose, dans une culture et une politique nouvelles, la réconciliation formelle des principes catholiques et protestants. Même l'intérêt spéculatif pour la théologie repose donc sur l'enjeu socio-politique qu'elle représente de par sa position- clé dans la culture du monde moderne. La modernité ne peut faire l'économie du christianisme, pas plus que la Grèce en son temps ne pouvait uploads/Philosophie/l-x27-idealisme-allemand-face-a-la-raison-theologique.pdf

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