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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : erudit@umontreal.ca Article Marie-Claire Ropars-Wuilleumier Cinémas : revue d'études cinématographiques / Cinémas: Journal of Film Studies, vol. 16, n° 2-3, 2006, p. 12- 31. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/014613ar DOI: 10.7202/014613ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html Document téléchargé le 16 juillet 2013 07:27 « La "pensée du dehors" dans L’image-temps (Deleuze et Blanchot) » The “Thought of the Outside” in The Time-Image (Deleuze and Blanchot) Marie-Claire Ropars-Wuilleumier ABSTRACT This article examines the peculiarities of Gilles Deleuze’s reading of the concepts of the outside and the powerlessness of thought in the work of Blanchot. Deleuze subverts these concepts, in a sense—his use of Blanchot is not particularly Blanchot-like—by basing his reading on that of Michel Foucault and then by refer- ring here and there to Henri Bergson and Saint Augustine, whose idea of the multiplicity of presents (past presents, present presents and future presents) he takes up. We will also see, as a result, how the role played by the “strange attractor” that Maurice Blanchot represents in Deleuze’s thinking in The Time- Image serves to block a line of flight which runs through the entire time-image system and unsettles the possibility of inscrib- ing the image in time. By contrasting outside and inside, visible and non-visible, present and becoming, we arrive at the follow- ing conclusions: the cinema does not make time visible—rather, it makes perceptible the movement through which time eludes the image; the attraction of the outside makes the paradox of movement (visible and non-visible, continuous and continually discontinuous) the very principle of the cinematic image; and the time-image, finally, is run through with the movement of a becoming which, in taking the name “thought from the out- side”, puts thought itself into play. With the help of Jean-Luc Godard’s film Éloge de l’amour, whose organizing principle can be seen as an illustration of Deleuze’s conception of time, we will see, finally, how the logic of becoming, which makes any present impossible, determines the relation of all images to time and how the outside, following this idea of a time of a broken linear- ity in the process of becoming, prevents time from happening and, at the same time, announces its possible advent. La «pensée du dehors» dans L’image-temps (Deleuze et Blanchot) Marie-Claire Ropars-Wuilleumier RÉSUMÉ On examinera ici ce qu’a de particulier la lecture faite par Gilles Deleuze de la notion du dehors et de l’impuissance de la pensée chez Blanchot, qu’il subvertit en quelque sorte — l’usage deleuzien de Blanchot n’étant guère blanchotien — en appuyant sa lecture sur celle de Michel Foucault, puis en faisant ici et là un détour par Henri Bergson et saint Augustin, dont il reprendra l’idée de la multiplicité des présents (présents du passé, du présent, du futur). On verra aussi, conséquemment, comment le rôle joué par l’« attracteur étrange » que représente Maurice Blanchot dans la pensée que développe Deleuze dans L’image- temps sert à colmater une ligne de fuite qui traverse tout le dispositif de l’image-temps et fait vaciller la possibilité d’inscrire l’image dans le temps. En opposant dehors et dedans, visible et non-visible, présent et devenir, on arrivera aux conclu sions suivantes, à savoir que le cinéma ne rend pas le temps visible, mais qu’il rend au contraire perceptible le mouvement par lequel le temps échappe à l’image, que l’attrait du dehors fait du paradoxe du mouvement (visible et non visible, continu et continûment discontinu) le principe même de l’image cinémato - graphique, et que l’image-temps, enfin, est traversée par le mouvement d’un devenir qui, en prenant le nom de «pensée du dehors », met en jeu la pensée elle-même. À l’aide d’un film de Jean-Luc Godard intitulé Éloge de l’amour, dont le principe d’organisation peut être considéré comme une illustration de la conception deleuzienne du temps, on verra enfin comment la logique du devenir, qui rend tout présent impossible, détermine le rapport de toute image au temps, comment le dehors, suivant cette idée d’un temps en devenir et à la linéarité rompue, em pê - cherait le temps en même temps qu’il en annoncerait l’éventuel avènement. Un attracteur étrange Le grand récit du cinéma que propose Deleuze est, on le sait, réglé — et renversé de l’intérieur — par l’éternel retour d’un même différent. Bien des cinéastes que nous avions crus de la modernité — tels Godard, Pasolini ou aussi bien Bresson et Welles — appartiennent aux deux tomes de l’ouvrage formé par L’image-mouvement et L’image-temps ; ils reviennent dans le tome 2 avec les grands muets que sont Keaton, Epstein ou Murnau. Le cinéma s’enfonce ainsi sur lui-même, il creuse sur place son propre temps plus qu’il ne se développe linéairement. Mais le tome 2 — cet Image-temps qui nous occupe aujour - d’hui — voit apparaître des auteurs qui lui sont réservés: non seulement Resnais et Robbe-Grillet, qui voisinent Welles, de nouveau convoqué par Deleuze, mais aussi Garrel et Duras, accompagnés de Chahine, Perrault, Carmelo Bene, Syberberg et Jean Eustache, qui jouxtent les éternels revenants que sont Pasolini et Godard. Par là, le tome 2 aborde autrement le dispo - si tif cinématographique en le plaçant, officiellement, sous le signe du temps et non plus du mouvement (en n’excluant pas, néanmoins, la double appartenance toujours possible que je viens de signaler), mais surtout, en suivant le cours d’une ré - flexion propre à quelques cinéastes qui ne traitent pas du temps, ou qui en traitent différemment. Or ce glissement est précipité, dans les derniers chapitres, par l’irruption oblique, mais récurrente, d’une référence à Blanchot, référence relativement étrangère à Deleuze, qui fait rarement appel à Blanchot dans ses livres antérieurs. Simplement annoncé par une obscure mention dans le tome 1 (Deleuze 1983, p. 151), le sur gis sement de Blanchot est spécifique du tome 2. Bien que la place accordée à Blanchot y soit clairement circonscrite, celui- ci y joue un rôle systématique grâce à la lecture biaisée de Deleuze, qui retourne l’interprétation de Blanchot selon ses propres objectifs. Mais cette intrusion blanchotienne désigne aussi une différence à soi du texte, qui oriente le livre deleuzien selon un autre tracé. Je voudrais donc montrer que l’utilisation des propos de Blanchot par Deleuze lui sert à colmater une ligne de fuite qui traverse en réalité tout le dispositif de l’image-temps et fait 14 CiNéMAS, vol. 16, n os 2-3 vaciller la possibilité d’inscrire l’image dans le temps. Mais du même pas, j’esquisserai une autre ligne, signal d’une étonnante convergence entre la pensée de Blanchot et le devenir de la pen - sée dans L’image-temps. En ce sens, Blanchot intervient comme un « attracteur étrange 1 », qui nous invite à modifier notre évaluation de L’image-temps dans l’analyse du cinéma comme dans l’œuvre de Gilles Deleuze. Apparition et traitement de la pensée de Blanchot dans L ’image-temps Dans son ensemble, l’intervention de Blanchot dans L’image- temps entraîne un mouvement du dehors, qui affecte la pensée et son rapport à la perception. Relativement tardive, elle prend place dans les trois derniers chapitres de L ’image-temps (cha p. 7 à 9), et jalonne ainsi presque la seconde moitié du livre (Deleuze 1985, p. 202-341). Au chapitre 7, intitulé « La pensée et le cinéma », le mouvement porté par la référence à Blanchot commence avec la montée en puissance qu’accorde Deleuze à un nou veau cinéma (de Garrel à Godard), spécifiquement repré - senté par Théorème de Pasolini, qui rend manifeste une « crise du cinéma » entendue par Deleuze (1985, p. 213 et p. 378) comme une crise de confiance du cinéma dans la pensée, plus précisément dans la rationalité et le pouvoir de maîtrise logique attribués à la pensée. C’est dans ce contexte qu’apparaît la première mention de Blanchot, invoqué d’abord pour son étude sur Artaud et « l’impouvoir de la pensée », selon les termes initialement employés par Deleuze (1985, p. 216-217) : soit une « im pos - sibilité de penser» (formule exacte de Blanchot dans Le livre à venir, 1959, p. 55) qui appartient à la pensée, et qui est aussi, d’après Deleuze (1985, p. 218) glosant Blanchot, «ce qui force à penser». Une fois introduit dans son propos, le non-pouvoir de la pensée incarne peu à peu la crise de croyance affrontée par Deleuze : il désigne une « fêlure » dans le Tout du cinéma en même temps que dans la pensée, et indique donc «l’inexistence d’un Tout qui pourrait être pensé », remettant ainsi en question uploads/Philosophie/la-x27-pensee-du-dehors-x27-marie-claire-ropars-wuillemuier.pdf
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- Publié le Mar 15, 2022
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