29/1/22, 2:29 μ.μ. Le but de l'analyse du travail en didactique professionnelle
29/1/22, 2:29 μ.μ. Le but de l'analyse du travail en didactique professionnelle : développement et/ou professionnalisation ? | Cairn.info https://www.cairn.info/travail-et-formation-des-adultes--9782130570431-page-159.htm 1/23 Le but de l'analyse du travail en didactique professionnelle : développement et/ou professionnalisation ? Pierre Pastré Dans Travail et formation des adultes (2009), pages 159 à 189 Chapitre ’analyse du travail a toujours occupé une place centrale en didactique professionnelle. Ainsi la définition la plus simple que je donne habituellement de la didactique professionnelle est la suivante : c’est « l’analyse du travail en vue de la formation ». Précisons : l’analyse du travail y occupe une double fonction. C’est un préalable à toute formation, dans la mesure où c’est l’analyse du travail qui permet de s’assurer qu’une formation sera précisément ajustée au domaine professionnel qu’elle a pour but de couvrir. Mais l’analyse du travail, quand elle est effectuée par les opérateurs eux-mêmes à la suite de leur activité, est également un des moyens les plus puissants pour acquérir et développer leurs compétences. Les concepts et méthodes de la didactique professionnelle ont subi une évolution historique à mesure que la didactique professionnelle se développait. Je renvoie sur ce point à une série d’articles qui présentent cette question (Pastré, 1999, 2005 a ; Pastré, Mayen et Vergnaud, 2006). 1 L Je voudrais aborder la question de l’analyse du travail à partir d’une tout autre entrée : quelles finalités donne-t-on à l’analyse du travail dans une perspective de didactique professionnelle ? Non pas seulement pourquoi faire une analyse du travail ? Mais quel but assigne-t-on à cette entreprise ? Je vois deux buts possibles, apparemment antagonistes, que je présenterai en durcissant quelque peu l’opposition pour mettre en valeur la problématique que je voudrais développer : l’analyse du travail peut servir à la professionnalisation des acteurs ou au développement personnel et cognitif de ces mêmes acteurs. Dans le premier cas, on se donne comme objectif de formation de faire des opérateurs plus performants, plus compétents dans leur domaine, plus adaptés à la tâche qui leur est prescrite ; dans le deuxième cas, d’utiliser les situations de travail pour développer chez les 2 29/1/22, 2:29 μ.μ. Le but de l'analyse du travail en didactique professionnelle : développement et/ou professionnalisation ? | Cairn.info https://www.cairn.info/travail-et-formation-des-adultes--9782130570431-page-159.htm 2/23 1 – Une philosophie du développement : la question du sujet Le point de départ acteurs des compétences générales qu’ils pourront mobiliser bien au-delà de leur poste de travail. En résumé, quel but faut-il choisir : professionnalisation ou développement ? La thèse que je vais défendre tient en deux propositions. La finalité que je donne à l’analyse du travail en didactique professionnelle est le développement personnel et cognitif des acteurs. Cette position, prise dès le début de mes recherches (Pastré, 1992) peut aujourd’hui être précisée : c’est dans et par le travail qu’une bonne partie des humains rencontrent leur développement. Aussi les formations qui reposent sur la mise en scène de situations-problèmes issues du travail peuvent-elles être des supports de ce développement. Mais cet objectif étant clairement posé, il faut envisager la réciproque : dans la mesure où l’apprentissage s’appuie sur des situations-problèmes issues du travail, un surcroît de professionnalisation en est naturellement la conséquence, si on admet que la compétence professionnelle ne consiste pas à maîtriser de façon étroite un mode opératoire inscrit et enfermé dans une tâche professionnelle, mais à être capable de s’adapter à la classe la plus large des situations professionnelles d’un domaine. Autrement dit, la thèse que je défends s’énonce de la manière suivante : le but est le développement, mais la professionnalisation en est une conséquence inéluctable quand les situations qui vont servir de support à l’apprentissage sont issues du travail. C’est l’idée que le travail ne se réduit pas à l’application de procédures, à la mise en œuvre d’habiletés sans fondement conceptuel, à la maîtrise de modes opératoires sans aucune adaptation possible : il y a de l’intelligence au travail et cette intelligence, mobilisée en formation, est apte à générer du développement. 3 Ceci m’amène à développer cette problématique en posant deux questions : si on pense l’être humain comme un être en développement, quel modèle du sujet faut-il se donner ? Si, comme le dit Piaget, la connaissance est une adaptation, elle a forcément une dimension pragmatique : mais alors comment penser cette dimension pragmatique comme également développementale ? 4 Je partirai donc du développement et déclinerai ce thème en parcourant trois registres, qui constitueront à la fois les trois parties de ce chapitre : une philosophie du développement (c’est la question du sujet) ; une psychologie du développement (on y abordera la question de la forme opératoire de la connaissance) ; une didactique professionnelle développementale (ou comment articuler les objectifs de développement personnel et de professionnalisation). 5 29/1/22, 2:29 μ.μ. Le but de l'analyse du travail en didactique professionnelle : développement et/ou professionnalisation ? | Cairn.info https://www.cairn.info/travail-et-formation-des-adultes--9782130570431-page-159.htm 3/23 Du sujet épistémique au « sujet capable » Le développement cognitif des adultes a été mon objet principal de recherche. Je voudrais introduire cette question en faisant trois remarques. En premier lieu, le développement cognitif des adultes fut pour moi un fait d’expérience : le fait d’avoir accompagné des adultes dans des formations de longue durée m’a apporté la conviction que certains d’entre eux ne se contentaient pas d’accumuler des connaissances, mais qu’ils réalisaient un véritable développement cognitif, dans la mesure où ils avaient réussi à augmenter leurs ressources conceptuelles, par exemple leurs capacités d’analyse et de synthèse. En deuxième lieu, au moment où j’ai commencé mes recherches, le développement cognitif des adultes était un objet théorique peu fréquentable : dans une perspective piagétienne alors dominante, où il était conçu comme endogène et génétique, le développement était censé s’arrêter à l’adolescence : un adulte pouvait continuer à apprendre, pas à se développer. J’avais donc affaire à un objet de recherche paradoxal : ancré dans des faits d’expérience, mais apparemment inapte à entrer dans un cadre théorique. Mais je constatais, troisième remarque, que si on pouvait parler de développement cognitif chez les adultes, celui-ci ressemblait davantage à ce qu’en disait Vygotski qu’au modèle de Piaget : l’histoire des sujets y tenait une place importante, avec ses moments de crises et de ruptures, à côté de périodes où il ne se passait rien, et surtout on y constatait le poids considérable des circonstances et des rencontres. 6 D’un autre côté, en jetant les bases de la didactique professionnelle, j’avais la ferme intention d’aborder la question des apprentissages en me démarquant des didactiques des disciplines, centrées sur l’acquisition de savoirs. J’avais l’intention d’effectuer une entrée par l’activité. Cette entrée par l’activité était certes commandée par l’objet même de la formation professionnelle des adultes. Je faisais l’hypothèse que, à la différence des élèves fréquentant les établissements scolaires, les professionnels adultes apprennent principalement dans et par leur travail. Mais la perspective que je voulais développer allait plus loin, bien au-delà de cette situation particulière : j’avais la conviction que l’apprentissage est une dimension anthropologique majeure chez les humains, en ce sens que, quel que soit le contexte, il est toujours en train d’accompagner l’activité. 7 Il m’a fallu un certain temps pour prendre conscience que ces deux thèmes, le développement cognitif des adultes et l’entrée par l’analyse de l’activité, convergeaient vers un point commun : la nature du sujet et la place qu’on lui accordait dans le processus de développement-apprentissage. Rabardel (2005) a alors avancé la notion de « sujet capable », un sujet qui n’est certes pas un sujet ignorant, mais un sujet qui dit « je peux (ou je ne peux pas) », avant de dire « je sais (ou je ne sais pas) ». Cette notion de « sujet capable » correspondait à l’approche que je voulais développer. Or la question du sujet est essentiellement philosophique. Je vais donc commencer par exposer ce qui, dans l’histoire de la philosophie, permet d’observer l’émergence d’un sujet qui soit autre chose qu’un sujet épistémique. 8 29/1/22, 2:29 μ.μ. Le but de l'analyse du travail en didactique professionnelle : développement et/ou professionnalisation ? | Cairn.info https://www.cairn.info/travail-et-formation-des-adultes--9782130570431-page-159.htm 4/23 La philosophie antique s’est peu intéressée à la question du sujet, si on excepte saint Augustin et sa méditation sur le temps et la mémoire. Le sujet y est saisi dans sa relative impuissance et sa dimension dramatique. Les choses changent avec la Renaissance : la subjectivité, l’individualisme s’imposent dans l’art, dans la religion, dans la philosophie. C’est avec Descartes que la question du sujet devient la question centrale de la philosophie : Descartes veut faire de son cogito une fondation nouvelle, un point de départ, qui rompt avec le passé scolastique et ouvre sur des temps nouveaux. Autant saint Augustin avait en vue un sujet faible et souffrant, autant Descartes pose d’emblée un sujet qui s’impose, apodictique et sûr de lui. Le xvii siècle paraît là, avec sa puissance d’affirmation… et le développement de la première science au sens moderne du terme : la physique mathématique. Mais Descartes propose deux caractéristiques du sujet, qui apparaîtront peu à peu comme des uploads/Philosophie/le-but-de-l-x27-analyse-du-travail-en-didactique-professionnelle-developpement-et-ou-professionnalisation-cairn-info.pdf
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- Publié le Nov 29, 2021
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