COMMENT MET-ELLE EN RAPPORT PARLEMENT ET GOUVERNEMENT ? Jean GICQUEL Sur fond d
COMMENT MET-ELLE EN RAPPORT PARLEMENT ET GOUVERNEMENT ? Jean GICQUEL Sur fond de régime parlementaire rationalisé, la Constitution de 1958 (C), modernisée par la révision du 23 juillet 2008, organise la collaboration des pouvoirs publics, en combinant l'autorité et la responsabilité. Cette expression de la culture démocratique est ainsi formulée : Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation··· Il est responsable devant le Parlement (art. 20C). En écho, ce dernier, selon une définition inédite, vote la loi. Il contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques (nouvel art. 24C). L'alliance de la forme juridique et de la force politique confère au Gouvernement la prééminence en matière législative (I) ; tandis que le Parlement recentre son activité sur la fonction de contrôle (II). I. LA FONCTION LÉGISLATIVE OU LA PRÉEMINENCE GOUVERNEMENTALE Hors la volonté des citoyens, exprimée par référendum (art. 11 et 89C), il incombe, en théorie, au Parlement de voter la loi (art. 34), selon des conditions renouvelées par la Ve République. La fin de la souveraineté parlementaire n'a pas manqué de rejaillir sur cette norme, désormais désacralisée. Limitée à un domaine, contrôlée dans son élaboration, elle a renoncé, plus encore, à son infaillibilité, à la suite de la mise en place d'un contrôle de constitutionnalité. Sur ces entrefaites, l'avènement du fait majoritaire, à partir de 1962, a précipité le mouvement, en conférant la qualité de législateur à l'exécutif. Par suite, la loi est appelée à finaliser son programme. En un mot, gouverner, c'est légiférer, dans le respect de l'Etat de droit. Il appartient au Conseil constitutionnel de veiller au respect de la clarté et de la sincérité du débat parlementaire (13 octobre 2005, R.A.N, Rec. p.144). La procédure législative se déroule en plusieurs étapes : l'initiative ; la délibération ; la contestation juridictionnelle, le cas échéant et s'achève par la promulgation. A - L'initiative de la loi Au sein du domaine qui lui est imparti, celle-ci est partagée entre le premier ministre et les parlementaires (art. 39), sous la forme respective d'un projet et d'une proposition de loi. Mais, la symétrie est plus formelle que réelle, compte tenu de la position avantageuse de l'initiative gouvernementale à l'origine, grosso modo, de 80% des lois. 1. Le domaine de la loi Pour la première fois depuis 1789, la loi ne s'étend plus à l'infini, selon une célèbre formule. L'article 34 en délimite le champ d'action sous forme d'une énumération qui vise cependant l'essentiel (libertés publiques et organisation de la société). En conséquence, les matières qui n'y sont pas expressément mentionnées changent d'appartenance en passant de la compétence du législateur à celle du pouvoir exécutif ou réglementaire : les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire, dispose à cet effet l'article 37. Le Gouvernement intervient à leur égard par voie de décrets, appelés autonomes, afin de marquer sa liberté d'allure. Il appartient au Conseil constitutionnel, saisi par le premier ministre, de veiller au respect de la frontière, en procédant au déclassement d'une disposition législative égarée dans le domaine réglementaire (art.37, al.2C). Au surplus, la délimitation n'est pas figée : un pont peut être jeté entre la loi et le règlement, sous forme d'ordonnance. On parlait jadis de décret-loi. Sur habilitation du Parlement, le Gouvernement se substitue à celui-ci, pendant un délai limité en prenant des mesures qui sont normalement du domaine de la loi (art.38). Telle se présentait, dans ses lignes générales, la révolution juridique de 1958. Qu'en est-il advenu ? La montagne a accouché d'une souris, tant la révolution annoncée est limitée. Le Conseil constitutionnel a interprété de façon généreuse le domaine de la loi et, à force d'en reculer les limites, il est parvenu à les supprimer. La décision du 30 juillet 1982, Blocage des prix et des revenus (Rec. p. 57) sonne le glas de la délimitation opérée par les articles 34 et 37 en restituant à la loi sa liberté d'action, comme par le passé. Bref, celle-ci peut à nouveau statuer sur toutes matières, dès lors que le Gouvernement n'invoque pas l'irrecevabilité de l'article 41. Cependant, au terme d'une jurisprudence volontariste, le Conseil constitutionnel, sous l'impulsion de Pierre MAZEAUD, s'est employé à restaurer l'esprit originaire de l'article 34, en restreignant la portée de la décision susmentionnée : la loi a pour vocation d'énoncer des règles et doit par suite être revêtue d'une portée normative (29 juillet 2004, Autonomie financière des collectivités territoriales, Rec. p.116). Pour avoir confondu la normativité et les déclarations d'intention, la loi est censurée (21 avril 2005, Avenir de l'école, Rec. p.72). 2. Le projet de loi Appelé à mettre en œuvre le programme présidentiel (en dehors de l'hypothèse d'une cohabitation), le projet est délibéré en conseil des ministres, après avis du Conseil d'Etat et déposé sur le bureau de l'une des assemblées, selon la présentation fixée par une loi organique (art. 39C). Le premier ministre met son pouvoir à la disposition du chef de l'Etat, qui, en théorie, est extérieur au processus de formation de la loi, en dehors de l'hypothèse de la loi constitutionnelle (art. 89C). Le Conseil d'Etat apporte, en sa qualité de conseiller juridique, son expertise afin de conjurer le contentieux. Au nom du premier ministre, un ministre est chargé d'exposer les motifs et de soutenir la discussion du projet devant le Parlement. A ce propos, le dépôt est laissé à l'appréciation du Gouvernement afin d'assurer une bonne régulation du flux législatif. Toutefois, l'examen des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale (art. 47 et 47-1C) est soumis en priorité aux députés ; tandis que celui ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales est confié d'abord aux sénateurs. 3. La proposition de loi Issue de l'initiative d'un parlementaire, en vérité du groupe auquel il appartient, cette dernière est à l'origine d'un nombre modeste de lois, en dehors de quelques-unes emblématiques (lois de 1967 et 1999 relatives à la contraception et au P.A.C.S ; ou loi organique de 2001 en matière de finances). Cette raréfaction est due, en dehors de considérations politiques (fonction décisionnelle confiée au Gouvernement et logique majoritaire) à l'existence d'obstacles juridiques dressés sur leur chemin sous la forme de deux irrecevabilités à caractère financier (art. 40C) et constitutionnel (art. 41). Le Conseil est appelé à en connaître en tant qu'instance d'appel (20 juillet 1977, Coopération intercommunales, Rec., p.137). L'accès à l'ordre du jour, en vue de sa discussion a été longtemps malaisé, en raison de la priorité gouvernementale (art. 48C). Le partage décidé en 2008, ouvre un espace utile. En dernier lieu, la proposition est écartée dans diverses matières (finances ; financement de la sécurité sociale ; autorisation de ratification des traités ou transposition des directives communautaires). B. La délibération de la loi Temps fort du jeu de loi (Cl. EMERI) au point de s'identifier au mode opératoire du Parlement, la discussion se déroule en deux temps dans chaque assemblée, en commission puis en séance plénière. 1. L'examen en commission Le texte de loi est renvoyé à une commission permanente, composée au prorata des groupes parlementaires, dont le nombre s'élève désormais à huit (nouvel art. 43C). Un rapporteur, personnage clé, est désigné. La commission travaille le texte en l'amendant, selon la formule usitée, le vote, et le propose à l'assemblée. Le sort du texte est scellé, dès cet instant. A cet égard, la révision de 2008 apporte deux changements substantiels : le texte de la commission devient le support de la discussion publique (nouvel art. 42C) ; le projet de loi perdant son immunité ; le droit d'amendement s'exerce en commission, consécration de la pratique observée, et en séance publique (nouvel art. 44). 2. L'examen en séance publique Après en avoir respecté les délais (6 semaines après le dépôt du texte devant la première assemblée saisie)(nouvel art. 42C), l'ordonnancement s'articule entre la discussion générale et la discussion sur les articles, selon un resserrement comparé à un entonnoir. Mais, au préalable, le texte doit être inscrit à l'ordre du jour de l'assemblée. Ce dernier est dorénavant partagé entre le Gouvernement qui renonce à sa priorité et chaque assemblée (nouvel art. 48C, rédaction de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008). La délibération porte successivement sur chacun des articles, selon le principe de la spécialité des votes. Le droit d'amendement, ou la proposition de modification de forme et de fond, s'y manifeste. Il s'agit, à l'évidence, de la forme privilégiée de l'action parlementaire. La croissance quasi exponentielle de ces derniers (234 000 sous la XIIe législature 2002-2007, dont 137 000 à propos de la loi sur l'énergie en 2006) est devenue l'obsession gouvernementale. Comment les faire tomber ? Le premier ministre peut invoquer l'article 40 précité ; sélectionner les amendements en demandant un vote bloqué (art. 44, al. 3) et, en fin de compte, engager la responsabilité du Gouvernement sur le texte assorti d'amendements choisis (art. 49, al. 3). Mais, ce mécanisme fameux est désormais limité··· en raison de son efficacité, par la révision de 2008, au vote des lois de finances et uploads/Politique/ comment-met-elle-en-rapport-parlement-et-gouvernement-jean-gicquel.pdf
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- Publié le Mar 12, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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