D E L A S T R A T É G I E À L A G É O P O L I T I Q U E , Q U E L Q U E S É L É
D E L A S T R A T É G I E À L A G É O P O L I T I Q U E , Q U E L Q U E S É L É M E N T S D ' U N E A P P R O C H E P L U R I D I S C I P L I N A I R E Qu'est-ce que la stratégie ? D'après l'étymologie grecque, la stratégie signifie « conduire l'armée », Platon précisant d'emblée que la guerre, donc la stratégie, doit être soumise à la politique, l'art militaire à celui du gouvernement. Avant les Grecs, Sun Tzu (VIème siècle avant J.C) est le premier théoricien reconnu comme tel de la stratégie, son Art de la guerre étant encore étudié par tous les stratégistes et stratèges et conservant une surprenante actualité, notamment en raison de l'importance accordée par le penseur chinois aux moyens psychologiques et non militaires dans la guerre, phénomène qui caractérise plus que tout autre l'ère stratégique moderne du nucléaire. Il faudra toutefois attendre 1794 pour qu'apparaisse pour la première fois dans notre langue le mot stratégie, sous la plume du général prussien Frierdrich Wilheim Bülow. La stratégie est à fois une action déterminée par des actions contingentes, militaires, économiques, culturelles, sociologiques, et un discours, dimension considérablement renforcée avec l'avènement de la télématique et de l'Infowar, la guerre de l'information. La stratégie comporte des opérations intellectuelles et des opérations physiques, « concrètes », choisies parmi une palette d'actions réalisables et acceptables. De ce point de vue, la stratégie est d'abord un choix, une science de la décision. D'après le Petit Larrousse, la stratégie est l'« art de coordonner l'action de forces militaires, politiques, économiques et morales impliquées dans la conduite d'une guerre ou la préparation de la défense d'une nation ou d'une coalition », ou encore l'« art de coordonner des actions, de manoeuvrer habilement pour atteindre un but ». Le Robert préfère la définition plus simple : « art de gouverner les sociétés ». Les définitions les plus courantes demeurent celles qui ont été élaborées par les grands stratégistes classiques, de Karl von Clausewitz à Basil H. Liddell Hart et à Raymond Aron : « L'art d'employer les forces militaires pour atteindre les résultats fixés par la politique » (André Beaufre : Introduction à la stratégie ), l'auteur remarquant lui-même que « cette définition est [...] étroite, puisqu'elle ne concerne que les forces militaires ». Aussi propose-t-il de lui substituer deux autres définitions : « L'art de faire concourir la force à atteindre les buts de la politique » et, afin de souligner le caractère spécifique de l'action stratégique, « l'art de la dialectique des volontés employant la force pour résoudre leur conflit ». D'après Clausewitz, la stratégie est un « art de la guerre » sachant que la guerre est la « continuation de la politique par d'autres moyens ». La stratégie, comme « art de commander » est donc « obligée de se soumettre et de souscrire aux objectifs politiques, reliée aux forces tactiques dont elle coordonne et organise l'action », explique le général de la Maisonneuve . Cette relation hiérarchique entre les deux concepts est d'ailleurs confirmée par l'un des grands stratégistes classiques, Liddel Hart, qui définit la stratégie comme « l'art de distribuer et de mettre en œuvre les moyens militaires pour accomplir les fins de la politique ». Mais la conception de la stratégie de Liddel Hart ou Clausewitz demeure encore exclusivement liée au domaine militaire. Or, nous verrons plus loin que, depuis l'avènement du feu nucléaire, les progrès technologiques en matière d'information et l'apparition de conflictualités non militaires (menaces transnationales, mafias, terrorisme, guerres économiques, « nouvelles menaces », etc), la stratégie a tendance à s'affranchir de plus en plus du domaine purement militaire. Toutefois, l'intérêt des définitions données par Clausewitz, Liddel Hart ou les stratégistes classiques en général est de mettre en évidence les liens qui unissent la stratégie à la politique et à la tactique. Pour définir la stratégie, on le voit, il est donc préalablement nécessaire de la différencier d'une série de concepts et de disciplines qui lui sont étroitement associés mais avec lesquels elle ne doit pas être confondue, au risque de perdre de vue sa signification et son objet propres. Aussi articulerons nous la première partie de ce travail sur la différence et les liens existant entre la stratégie, elle-même, la géopolitique, discipline connexe mais distincte, qui lui sert d'outil analytique et d'élaboration majeur mais non exclusif, la politique, qui la détermine, et la tactique, qui a pour fonction de permettre d'atteindre les objectifs fixés par elle. La géopolitique nécessitant une attention toute particulière en tant que démarche scientifique indépendante des phénomènes politiques et de la stratégie militaire, nous étudierons dans un premier temps les rapports entre politique stratégie et tactique. Politique, stratégie et tactique - La politique est une triade qui comporte, comme l'explique le général Jean Salvan : le dessein que l'on veut réaliser (projet de société, idéologie), la lutte pour parvenir au pouvoir (national, impérial ou mondial) et s'y maintenir, c'est-à-dire « l'art de gouverner » et la projection de la puissance, et, enfin, la désignation des « amis » et des « ennemis » , les responsables politiques ayant en principe pour tâches premières de veiller à la concorde intérieure de l'unité politique, généralement la nation ou l'Etat - menacée de l'intérieur par des phénomènes désagrégateurs ou subversifs (« ennemi internes »: mouvances sécessionnistes, désagrégatrices) - et à la sécurité extérieure de cette même unité, toujours potentiellement menacée de l'extérieur (« envahisseurs », hégémonies impérialistes, ennemis des valeurs fondamentales ou adversaires géoéconomiques, etc). Pour Raymond Aron, la Politique est « la recherche de l'intérêt national », définition qui a le mérite d'exprimer clairement la relation entre la stratégie et la politique, puisque la stratégie, en tant qu'art de commander les forces destinées à défendre la nation, est l'émanation directe du pouvoir politique qui a pour mission première de préserver l'unité et la pérennité de l'unité politique existante. Plus concrètement encore, en cas de conflits, ce sont donc les responsables politiques qui définissent les stratégies et les buts de guerre. Il n'est d'ailleurs pas inutile de définir cette autre notion clé de la science géostratégique. D'après nous - mais cette classification peut être contestée - les buts de guerre sont : « le résultat précis, évaluable, permettant de concrétiser le succès d'une stratégie générale (définie par les Politiques) qui a justifié le déclenchement d'une guerre ». Les buts de guerre ne sont autre que la stratégie globale - ou générale - ramenée au théâtre de guerre et à l'aire géopolitique à laquelle ce théâtre appartient. Il y a donc deux niveaux de buts de guerre : premièrement, les « buts de guerre » ou « objectifs tactiques » des états-majors ; deuxièmement, les « objectifs stratégiques » à plus long terme ou « buts de guerre stratégiques » définis par les politiques à l'œuvre dans le contexte régional et général auquel appartient un théâtre donné. On retrouve la traditionnelle dichotomie entre le tactique et le stratégique. Ainsi, la politique fixe les buts et mobilise les moyens nécessaires à la réalisation d'une stratégie. Les États sont la source de l'autorité stratégique, qu'ils délèguent pour une mission déterminée. « Pour atteindre les buts de leur concept, les chefs politiques ont besoin d'une méthode et de moyens, c'est la stratégie » , résume le général Salvan. - La stratégie ainsi comprise est par conséquent « l'ensemble des méthodes et moyens permettant d'atteindre les fins exigées par le politique » (Salvan) ou encore « l'art de faire concourir la force à atteindre les buts de la politique » (Beaufre). Dans cette acception « haute », étroitement liée et subordonnée au politique, on parle généralement de stratégie totale, terme sur lequel nous reviendrons ultérieurement. La stratégie est la conduite militaire d'une alliance politique en vue d'une action totale : ce n'est pas une pensée ou une réflexion abstraite, mais une action que la pensée éclaire, à partir d'objectifs politiques précis. Il faut toutefois bien préciser qu'aujourd'hui, la stratégie comme la notion de forces ne doivent pas être limitées à leur acceptions militaire ou guerrière premières. Il existe également des stratégies culturelles (en particulier aux Etats-Unis), économiques, diplomatiques, voire même psychologiques et médiatiques. C'est d'ailleurs cette mutation liée aux progrès techniques et au processus de mondialisation qui conduit le stratégiste américain Edward N Luttwak à définir la stratégie comme « toute action de force organisée ou menée face à une hostilité consciente ». - La tactique, quant à elle, est essentiellement « l'art du combattant » ainsi que « l'emploi des moyens permettant de lutter contre un ennemi ». D'un point de vue militaire classique, la tactique opérationnelle vise les buts de la stratégie militaire, laquelle concourt à atteindre les objectifs de la stratégie totale. Plusieurs définitions peuvent également être données de la tactique. Pour Clausewitz, « la tactique, c'est l'usage uploads/Politique/ de-la-strategie-a-la-geopolitique.pdf
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- Publié le Mar 08, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
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