Hassan OUMOULOUD Email : Couffin_88@Hotmail.com CPGE Réda Slaoui-Agadir Dissert

Hassan OUMOULOUD Email : Couffin_88@Hotmail.com CPGE Réda Slaoui-Agadir Dissertation : « L’Etat s’est fait le réparateur presque unique de toutes les misères » Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Ch. 5 La genèse de l’Etat moderne entre le 16ème et le 18ème siècle, loin d’être marquée par une certitude de modernité et de succès démocratique, se veut plutôt un berceau de grands doutes et débats concernant principalement la fonction réelle de l’Etat. Si à la Renaissance, la modernité politique se limitait à la lutte contre le despotisme de l’Eglise, et si chez les Lumières, la pensée politique se voulait antimonarchique, chez Alexis de Tocqueville, à l’ère de la Révolution industrielle, la critique politique revient à remettre en cause l’Etat de droit lui-même. Ce pouvoir central qui, loin de garder son aspect démocratique et sa tendance égalitaire, se mue en une machine de domination camouflée sous la cape d’Etat-providence. Au chapitre cinq de son livre De la démocratie en Amérique, le penseur français affirme sans sans un grain d’ironie que « L’Etat s’est fait le réparateur presque unique de toutes les mières ». En effet, tout au long de son chef-d’œuvre, Tocqueville alarme l’Europe, et par extension le monde entier sur la naissance, après les révolutions, d’une nouvelle forme d’Etat qui monopolise le pouvoir centralisé dans ses mains. Il s’agit d’un pouvoir central qui n’hésite pas de recourir à des manigances pour renforcer sa puissance. Dans cette affirmation Tocqueville , pointe la monopolisation de l’action sociale ( bénévolat et charité ) comme faisant partie des stratégies qu’adoptent les Etat démocratiques modernes pour s’infiltrer dans les affaires des peuples et se faufiler même dans certains coins de leurs vies privées. L’Etat moderne s’endosse catégoriquement la responsabilité de répondre aux besoins des citoyens mais l’emploi du pronominal « s’est fait » semble pousser cette charité au-delà de l’obligation ! Avec l’adjectif « seul », l’Etat fait montre d’une jalousie affreuse. Il se veut un dieu omniprésent et omnipotent qui s’occupe inlassablement de ses sujets. A cet égard, l’Etat- dieu domine à la place de gouverner ; terrifie à la place d’assurer ; asservit à la place de libérer ! Le propos de Tocqueville revient donc à dire, sans sans ironie, que les Etats démocratiques modernes ne font que gouverner avec un abus flagrant de pouvoir déguisé en providence ; autrement-dit d’une main de fer sous un gant de velours. Nous allons voir donc comment la démocratie moderne se met une cape de charité qui dissimule une stratégie d’asservissement. Pour ce faire, à la lumière des œuvres De la démocratie en Amérique d’Alexis de Tocqueville et Les Cavaliers, L’assemblée des femmes d’Aristophane, on verra d’abord qu’effectivement l’Etat se charge incessamment de réparer les misères du peuple. Or, il ne s’agit que d’un bricolage qui dissimule une stratégie de domination et de servitude. Enfin, à cet égard, la démocratie moderne demeure un idéal inaccessible, voir une obsession qui hante les peuples rêveurs. Les Etats démocratiques modernes mettent effectivement le citoyen au centre de leur intérêt. Ils travaillent laborieusement pour assouvir ses besoins et répondre à ces attentes. Ainsi, pour eux, le premier principe qui assure la réparation des misères est celui de l’égalité, à moins que cette dernière ne se transforme en uniformité. Tous les Etats modernes chantent l’égalité. Elle est même l’un des principes fondateur de la démocratie. L’égalité des conditions est pour tout le monde le berceau de la paix sociale et du progrès général de l’Etat. Ce dernier déploie donc l’ensemble ses moyens, voie ses armes, pour assurer l’égalité entre les citoyens comme étant aux yeux de tout le monde la cure idéale de cette « haine immortelle » qu’éprouve l’homme pour l’homme. Tocqueville réserve dans son livre les premiers chapitres à ce principe fondateur de la démocratie. Il stipule à la manière de Thomas Hobbes que « l’homme est un loup pour l’homme » et pour caler cette possible guerre civile due aux privilèges, l’égalité est, pour Tocqueville, la condition sine qua non : « cette haine immortelle, et de plus en plus allumée qui anime les peuples démocratiques contre les moindres privilèges, favorise singulièrement la concentration graduelle de tous les droits politiques dans les mains du seul représentant de l’Etat ». Aristophane mentionne de même l’importance de l’égalité pour un gouverneur qui répare les misères de ses sujets. Elle est l’un des moyens favoris de la dominance du Paphlagonien qui déclare à Démos à la page 106 « comment pourrait-il exister, Démos, un citoyen qui t’aimât plus que moi ? D’abord, c’est moi qui, lorsque j’étais membre du Conseil, ai fait rentrer les grosses sommes dans les trésors publics, torturant les uns, étranglant les autres, importunant le reste, sans faire cas des particuliers, pourvu que je te satisfisse. » . Le principe d’égalité est donc l’un des moyens efficaces qu’emploie l’Etat pour satisfaire le peuple, à moins que cette égalité ne se transforme en uniformité. L’Etat moderne déploie certes des moyens colossaux pour assouvir les besoins du peuple. Or, dans ce processus démocratique, l’égalitarisme, tant souhaité, se mue brusquement en un uniformise qui bat en brèche l’image paternelle de l’Etat, qui laisse douter à propos du « pouvoir de sa judicature suprême » comme la réclame Hobbes. Selon Tocqueville, le souverain « se dispense » de faire l’effort de s’intéresser aux mini détails des citoyens et à la place de gouverner selon ces règles particulières de chaque partie du peuple « il fait passer tous les hommes sous la même règle ». Ce n’est pas un hasard si Aristophane rassemble tout un peuple, dans sa diversité infinie, en un seul personnage ! Démos. Ce qui paraît aberrant, à moins que le dramaturge grec ne veuille montrer que la démocratie grecque représentée par le Paphlagonien ne considère le peuple que comme un seul esprit. Cette uniformité mentale, pire que celle sociale, est manifestée à la page 101 quand le Charcutier demande au Paphlagonien comment il « mène le peuple à sa guise » et à l’autre de lui répondre : « c’est que je connais les appâts auxquels il se laisse prendre ». En général, l’Etat se veut le sauveur, voire l’ange gardien, de son peuple. Il procède par l’installation d’une égalité sociale, et d’une isonomie (égalité devant la loi) et d’autres justices d’apparence, mais cela n’est que pure illusion, selon Tocqueville. La charité n’est pas gratuite. Elle dissimule une stratégie abominable d’asservissement. L’Etat de droit cache à peine sa tendance à dominer. Il fait état d’une servitude moderne .Il déploie un tas de ruses qui convergent dans la création d’une société esclave dans laquelle le citoyen se trouve obligé de sacrifier et centraliser l’ensemble de ses droits et ses pouvoirs. Les ruses de l’Etat moderne se manifestent clairement chez Alexis de Tocqueville qui consacre tout un chapitre (le cinquième) à l’énumération des principales stratégies recourues par le souverain (« seul représentant de l’Etat » ch.1 !) et qui rendent les pays démocratiques postrévolutionnaires pires que les époques aristocratiques. Au cinquième chapitre de l’œuvre, l’Etat déroge à ces fonctions pour s’ériger en pouvoir central despotique. L’auteur précise que ce dernier procède par la sécularisation des « pouvoirs secondaires » telles les corporations et les associations, les lieux de charités, et certains petits métiers qui se voulaient jadis intermédiaires entre le prince et le peuple, aux époques aristocratiques. Ces pouvoirs étaient selon Tocqueville plus libres et plus proches des citoyens, et les princes leur octroyaient la permission de circuler et de secourir les démunis. Or, l’Etat moderne « ramasse » tous ces pouvoirs et transforme ces bénévoles en agents et fonctionnaires d’Etat. Ce qui démontre la tendance totalitaire de la démocratie moderne. L’Etat monopolise l’éducation (en « arrachant l’enfant des bras de sa mère » chap.5), La nourriture (« en offrant du pain à ceux qui ont faim »), l’habitation (« en offrant un abri à ceux qui n’en ont pas ») etc. La stratégie machiavélique des Etats modernes ne diffère point de celle de l’antiquité grecque. A cet égard, la révolte chez Aristophane se montre à travers son sarcasme accru et sa sévérité dans la critique de la politique du Pnyx. Le Paphlagonien cache à peine ses ruses et ses intentions diaboliques. La mégalomanie, l’orgueil, la démagogie, et la vulgarité qu’il éprouve émanent du personnage réel qu’il représente, Cléon ; auquel Démos déclare avec regret « j’étais l’aveugle dupe de tes manigances secrètes » P.110. Bref, la tendance despotique de l’Etat passe par des ruses secrètes qui visent aussi à rendre le citoyen plus esclave. Du citoyen à l’esclave, cela semble être une marche-arrière pour la machine démocratique moderne. Tout le monde chante la libération de l’homme des griffes de la tyrannie et de la torture, mais plus le temps progresse plus les sociétés modernes semblent rebrousser chemin. C’est du moins le point de vue de Tocqueville, d’Aristophane et de tant d’autres philosophes qui tirent la sonnette d’alarme. Un citoyen, au sens plein du terme, existe-il vraiment ? Démos d’Aristophane est décrit depuis le début de la pièce, comme pour mettre uploads/Politique/ dissertation 40 .pdf

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