1 LE DROIT DE VOTE DES RESSORTISSANTS DE NATIONALITÉ ÉTRANGÈRE AU LUXEMBOURG 1
1 LE DROIT DE VOTE DES RESSORTISSANTS DE NATIONALITÉ ÉTRANGÈRE AU LUXEMBOURG 1 Introduction : Ce document se veut être une contribution aux débats à venir sur le droit de vote des ressortissants de nationalité étrangère aux élections nationales. C’est au cours d’un point de presse, le 22 septembre 2014, que le Conseil de gouvernement, en présence des présidents des groupes politiques et des présidents des partis de la coalition gouvernementale, que le Premier ministre Xavier Bettel, a présenté les questions qui seront posées aux électeurs luxembourgeois au cours d’un référendum qui se tiendra le 7 juin 2015. Au départ, 4 questions étaient prévues, dont une portant sur l’obligation de l’État à prendre en charge les traitements et pensions des ministres des Cultes. Mais l’accord survenu le 21 janvier 2015 sur la séparation de l’église et de l’État, permettant une modification de la Constitution, rend caduque cette question. Dès lors, trois questions seront proposées aux électeurs : 1. Approuvez-vous l’idée que les Luxembourgeois âgés entre seize et dix-huit ans aient le droit de s’inscrire de manière facultative sur les listes électorales en vue de participer comme électeurs aux élections à la Chambre des Députés, aux élections européennes et communales ainsi qu’aux référendums ? 2. Approuvez-vous l’idée que les résidents non-luxembourgeois aient le droit de s’inscrire de manière facultative sur les listes électorales en vue de participer comme électeurs aux élections pour la Chambre des Députés, à la double condition particulière d’avoir résidé pendant au moins dix ans au Luxembourg et d’avoir préalablement participé aux élections communales ou européennes au Luxembourg ? 3. Approuvez-vous l’idée de limiter à dix ans la durée maximum pendant laquelle, de façon continue, une personne peut faire partie du gouvernement ? Nous nous attacherons au point 2, concernant le droit de vote des personnes de nationalité étrangère aux élections législatives, bien que dans cette réflexion, nous considérerons la question du référendum dans sa globalité, en considérant autres questions. Dans un premier temps, nous aborderons la question du droit de vote des personnes de nationalité étrangère sous un angle historique, et cela à partir du traité de Maastricht, car c’est à partir de ce moment que la question du droit de vote des non-Luxembourgeois s’est concrètement posée. Comment cette question a-t-elle été perçue au Luxembourg ? Comment s’est-elle peu à peu imposée, passant de l’appréhension d’un élu étranger à des politiques de sensibilisation pour inciter les non-Luxembourgeois à s’inscrire sur les listes électorales ? Dans un deuxième temps, nous présenterons un bilan des inscriptions des étrangers sur les listes électorales aux élections européennes et communales. Enfin, nous proposerons une analyse des candidats et des élus de nationalité étrangère qui se sont présentés aux élections communales. L’exemple du droit de vote, actif et passif, des personnes de nationalité étrangère, aux élections communales et européennes depuis 1999, 2 devrait permettre d’alimenter les débats sur l’ouverture du vote aux non-Luxembourgeois aux élections législatives. Cela fait plus de quinze ans que le CEFIS examine la participation sociale et politique des étrangers au Luxembourg comme moyen et signe de leur intégration dans la société luxembourgeoise. Le projet RPSP initié en 1998 avait pour objectif, entre autres, d’observer et d’analyser l’inscription des étrangers qui se rendaient aux urnes pour la première fois aux élections communales de 1999 et pour la seconde fois aux élections européennes de 1999 (la première fois étant en 1994). Lors de ces élections, les ressortissants communautaires avaient la possibilité d’être candidats aux élections communales et nous avions observé attentivement le déroulement de la campagne et les résultats à travers les élus luxembourgeois et non luxembourgeois. Depuis, les chercheurs du CEFIS ont réalisé une étude longitudinale à travers le suivi et l’analyse de toutes les élections, communales et européennes, du Grand- Duché. Dans ce document, nous nous contenterons de présenter un bref bilan des inscriptions et quelques données sur les candidats. Les résultats plus approfondis de notre travail sont accessibles dans les différentes publications RED du CEFIS et disponibles sur le site internet www.cefis.lu. 2 Rappel des faits : de Maastricht aux élections communales et européennes de 1999 1ère étape, le traité de Maastricht : Le Traité de l’Union européenne, ou Traité de Maastricht, signé le 7 février 1992, est entré en vigueur le 1er novembre 1993. Ce traité comporte une partie intitulée « la citoyenneté de l’Union » (article 8 à 8E) selon laquelle tout citoyen ayant la nationalité d'un État membre est aussi un citoyen de l'Union. Cette citoyenneté confère de nouveaux droits aux Européens, à savoir : • le droit de circuler et résider librement dans la Communauté ; • le droit de voter et d'être élu pour les élections européennes et municipales dans l'État où l'on réside (art. 8B) ; • le droit à une protection diplomatique et consulaire d'un État membre autre que celui d'origine sur le territoire d'un pays tiers où ce dernier État n'est pas représenté ; • le droit de pétition devant le Parlement européen et de déposer une plainte auprès du médiateur européen. Ainsi, les ressortissants de l’U.E. ne sont plus qualifiés d’étrangers, mais ils sont désormais des citoyens européens. Leur statut a radicalement changé, leur donnant des droits nouveaux, dont le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales et aux élections européennes pour les ressortissants de l’U.E. Mais la citoyenneté européenne, définie par le Traité de Maastricht, n’est ni une finalité ni une prémisse, c’est un processus : « L’Europe des citoyens, projet profondément humaniste, mais longtemps occulté pour ne pas heurter de front les résistances nationales, est devenue un objectif politique déclaré dans le courant des années 1970 (…) Le Conseil européen de Fontainebleau, en juin 1984, met en place un comité ad hoc, présidé par Pietro Adonnino, qui élabore en 1985 deux rapports proposant une série de mesures concrètes. Les unes, de portée pratique, visaient à accorder de plus 3 amples facilités aux ressortissants des États membres dans leur libre circulation ou l’exercice de leur profession (…) les autres s’attachant à la question des droits spéciaux des citoyens1 ». Processus qui s’est poursuivi par d’autres Traités : Traité d’Amsterdam (1997-99), Traité de Nice (2001-03), le traité de Lisbonne (2007-09), d’autres certainement suivront. Le 2 juillet 1992, la Chambre des Députés Luxembourgeoise adoptait2 le projet de loi portant ratification du Traité de Maastricht avec 51 voix favorables, émanant du LSAP, CSV et DP, 3 abstentions et 6 députés ayant voté contre parmi lesquels le Comité d’action « pension 5/6 » aujourd’hui ADR, GLEI (Gréng Lëscht Ekologesch Initiativ) et KPL (Kommunistesch Partei Lëtzebuerg). Après une opposition du parti démocratique, en raison notamment de son opposition au droit de vote des étrangers, celui-ci s’est finalement prononcé en faveur de la ratification du Traité. Le Comité d’action « pension 5/6 » et le KPL ont pris position contre le droit de vote des ressortissants de l’U.E. aux élections européennes et communales, au motif que les partis de la coalition gouvernementale et le DP avaient ratifié le Traité sans tenir compte de la volonté de la majorité des Luxembourgeois. Le Premier Ministre avait dès lors promis un dialogue avec toutes les forces politiques sur les modalités du droit de vote des étrangers pour trouver un consensus aussi large possible et pour éviter les discours populistes et démagogiques lors des échéances électorales à venir, élections communales de 1993, élections législatives et européennes de 1994. Les trois conditions prévues par la Constitution luxembourgeoise pour l’application d’un traité international en droit interne sont remplies 3 : • le Grand-Duché doit avoir ratifié le Traité (le 2 juillet 1992) ; • le Traité doit entrer en vigueur sur le plan international (1er novembre 1993) ; • le texte du Traité doit avoir été intégralement publié au Mémorial luxembourgeois à la même manière qu’une loi (Mémorial A-N°57 du 6 aout 1992. Traité de Maastricht sur l’Union européenne). Deuxième étape, les directives européennes avec les dispositions dérogatoires et transitoires. Une fois le Traité de Maastricht ratifié, il s’agissait ensuite de négocier les deux directives fixant les modalités de l’exercice du droit de vote actif et passif aux élections communales4 et européennes5. Les directives sont une opportunité pour le gouvernement luxembourgeois de négocier des conditions dérogatoires et transitoires, quant à l’application du droit de vote des non- Luxembourgeois, notamment à travers la : • la mise en place d’une condition de résidence pour exercer le droit de vote actif et passif, 1 CSV Groupe Parlementaire, Maastricht, une chance et un défi, Luxembourg, imprimerie saint-paul, 1992, p. 54. 2 Sur ce processus de ratification, voir l’étude de Sylvain Besch, Entre intégration et fermeture ; Rapport d’information analytique sur les politiques des étrangers au Grand-Dcuhé de Luxembourg janvier 1993 - juin 199e, Sesopi Centre Intercommunautaire asbl, décembre 1994, 126 pages. Nous reprenons dans ce chapitre une grande partie de cette analyse. 3 Marc Thewes, Luxembourg, in : Les constitutions nationales à l’épreuve de l’Europe. Paris, la Documentation française, 1993, pp187-197. 4 Directive 94/80/CE du Conseil, du 19 décembre 1994, fixant les modalités de l'exercice du droit de vote et d'éligibilité aux uploads/Politique/ droit-de-vote-luxemburg.pdf
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- Publié le Dec 30, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
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