INFLATION ET CHOMAGE Depuis la seconde moitié du XX siècle, l’inflation et le c

INFLATION ET CHOMAGE Depuis la seconde moitié du XX siècle, l’inflation et le chômage constituent les maux les plu importants de nos sociétés, au point d’être présentés par Kaldor comme les pierres angulaires de son Carré magique. L’inflation est un processus durable et général de hausse cumulative du niveau général des prix. Les sources de l’inflation sont très diverses, cependant, trois d’entre elles apparaissent particulièrement importantes. La théorie quantitative de la monnaie (I. Fisher) insiste sur le fait que l’inflation résulterait d’une émission de monnaie trop importante. L’inflation peut être également associée à un déséquilibre du marché. Si Keynes insiste sur l’inflation par la demande (déséquilibre entre la demande globale et l’offre globale), les théoriciens de l’offre précisent que le processus de production (coût du travail, du capital et des matières premières) peut engendrer une augmentation du niveau général des prix. Enfin l’inflation puise sa source dans le dysfonctionnement structurel des marchés et dans les comportements des différentes parties prenantes de l’activité économique. Le chômage désigne quant à lui la situation des individus sans emploi et à la recherche d’un emploi. La mesure du chômage étant purement conventionnelle, il existe deux grandes familles : l’une considère le chômage sous l’angle du stock, l’autre comme le résultat de plusieurs flux. Le volume du chômage peut être mesuré à travers l’indicateur du taux de chômage (nombre de chômeurs / population active). Ce dernier donne lieu à deux approches qui s’appuient sur deux définitions différentes du chômage. L’enquête emploi de l’INSEE (une fois par an) évalue la population sans emploi à la recherche d’un emploi (PSERE). Est chômeur, toute personne déclarant : être dépourvue d’emploi, être disponible immédiatement et être à la recherche d’un emploi rémunéré. L’ANPE détermine tous les mois, les demandes d’emplois en fin de mois (DEFM). Est chômeur toute personne déclarant : être inscrite à l’ANPE, être à la recherche d’un emploi permanent à temps complet et être prête à accepter immédiatement un emploi s’il est proposé. L’analyse du chômage a donne naissance à trois grands types d’explications : une explication classique qui impute la responsabilité du chômage à l’insuffisante rentabilité des entreprises ; une explication keynésienne pour laquelle le chômage résulte d’une demande solvable insuffisante et une explication plus structurelle qui lie le chômage à des facteurs économiques et sociaux permanents (on parle ainsi de chômage naturel, frictionnel, technologique, de segmentation…). Si l’inflation et le chômage constituent deux objectifs de la politique économique, on peut se demander si ces deux objectifs sont conjointement réalisables ? Afin de répondre à cette question, nous rappellerons dans un premier temps que la relation entre le chômage et l’inflation repose depuis la fin des années 50 sur la courbe de Phillips. Cette courbe a donné lieu à un certain nombre d’interprétations - keynésienne, monétariste, nouveaux classiques, institutionnalistes – plus ou moins pertinentes. Nous évoquerons ensuite les prolongements de ces débats théoriques. Deux concepts, le NAIRU et le NAWRU ont cherché à donner un caractère structurel à la relation chômage – inflation. L’hypothèse d’hystérésis précise que lorsque le chômage augmente, il a très peu tendance à revenir à son niveau inférieur. I. LES DIFFERENTES INTERPRETATIONS DE LA RELATION CHOMAGE INFLATION C’est en 1958 que l’économiste néo-zélandais William Phillips établit une relation entre le taux de chômage et le taux de croissance du salaire nominal. Cette étude statistique repose sur une observation de l’économie de la Grande-Bretagne sur les périodes 1861 – 1913 ; puis 1867 – 1957. La relation observée est forte et négative. L’interprétation la plus simple de la Courbe de Phillips repose sur la loi de l’offre et la demande : le taux de variation du salaire dépend de la différence entre la demande et l’offre de travail, différence qui est mesurée par le niveau de chômage. Ainsi, plus celui-ci est élevé, plus la pression à la baisse du salaire est importante. Toutefois, cette interprétation pose un problème puisqu’elle revient à considérer que les valeurs observées en temps réel correspondent à un processus du type « tâtonnent walrassien » mais avec des échanges – forcément en déséquilibre – tout au long du processus (Guerrien, 2000). C’est pour éviter d’avoir à envisager ce type de situation que le tâtonnement est supposé se dérouler dans un temps fictif, sans échange, tant que l’équilibre concurrentiel n’est pas atteint. Robert Lipsey (1960) proposera une réinterprétation de la courbe de Phillips à partir d’une relation entre l’inflation et le chômage, en assimilant la hausse des salaires à la hausse des prix. La même année, deux des principaux représentants de la « synthèse néoclassique » (interprétation de Keynes par le schéma IS – LM), Paul Samuelson et Robert Solow, développent une analyse semblable. A. L’interprétation keynésienne Durant les années 60-70, la courbe de Phillips fût au cœur des débats économiques. Elle transformait en effet deux des principaux objectifs de la politique économique, en deux objectifs antagonistes. Ainsi un fort taux d’inflation s’accompagnait d’un faible taux de chômage (et inversement). Cette étroite relation semblait si évidente que l’on a déduit de cette courbe deux principes : (i) à court terme, le choix en matière de politique économique se réduisait à l’alternative laissée par la courbe de Phillips ; (ii) à moyen et long terme, la composante structurelle du chômage qui n’est pas liée à l’inflation pouvait être réduite par une politique appropriée de l’emploi (amélioration de la formation). Ajoutons que le niveau des prix étant supposé fixe dans le modèle keynésien, la courbe de Phillips introduisait une équation supplémentaire qui permettait d’expliquer le niveau des prix ou plus exactement son taux d’accroissement représenté par le taux d’inflation. Si cette relation se révélait exacte, elle signifiait qu’il n’y avait qu’un seul taux de chômage compatible avec une inflation nulle. Les années 70 se caractérisent par un changement de décors, on assiste à une situation de choc pétrolier de 1973-1974 (quadruplement du prix du pétrole) et une hausse de l’inflation. Ainsi au choix difficile d’un couple inflation – chômage le long de la courbe de Phillips, a succédé alors un dilemme plus grand : la stagflation (une hausse de l’inflation associée à une 1 hausse du chômage). L’analyse de la courbe de Phillips va ainsi donner lieu à deux types d’interprétations : (1) la relation vérifiée par la courbe de Phillips est toujours vraie, on assiste simplement à un déplacement de la courbe vers le haut ; (2) la courbe de Phillips est instable, il n’existe aucune possibilité d’arbitrage inflation – chômage le long de la courbe. Dans le 1er cas, la relation de Phillips reste une référence pour la politique économique. Dans le second, il en va autrement, comme va le démontrer Milton Friedman (1968) B. L’interprétation monétariste Selon Milton Friedman (1968), la courbe de Phillips semblerait fournir un moyen d’action sur une variable réelle (le taux de chômage) à partir d’une variable monétaire (le niveau des salaires nominaux ou le niveau des prix). Or la théorie monétariste (dont Friedman est le chef de file) rappelle qu’il existe une dichotomie entre la sphère réelle et la sphère monétaire. Friedman précise que la courbe de Phillips ne ferait que traduire le lien qui existe entre emploi et productivité marginale du travail. Le taux de croissance du salaire réel serait ainsi une fonction croissante du taux de chômage. Lorsque le chômage augmente, le taux de croissance du salaire réel en fait autant. En effet, une hausse du chômage implique que l’emploi baisse et donc que la productivité marginale du travail augmente, et avec elle le salaire réel (règle d’équilibre de la concurrence pure et parfaite). Compte tenu de cette dernière hypothèse, le chômage serait forcément volontaire. Friedman va alors chercher à montrer que la relation de Phillips est instable en prenant pour exemple une politique monétaire expansionniste destinée à résorber le chômage. Une hausse de l’offre de monnaie tend à diminuer le taux d’intérêt, et donc à stimuler la demande de biens de consommation et de la demande de biens d’investissement. Pour augmenter l’offre de biens, les entrepreneurs vont devoir augmenter l’emploi cependant pour attirer cette nouvelle main d’œuvre, ils vont devoir augmenter les salaires nominaux. Friedman fait deux hypothèses : (1) les coûts de production sont croissants ; (2) les prix augmentent plus vite que les salaires nominaux. Les salariés vont se rendre compte que leur rémunération augmente moins vite que les prix et que leur pouvoir d’achat a diminué. Ils vont donc exiger un rattrapage des salaires sous la forme d’une hausse des salaires nominaux. Ceux-ci se situeront ainsi à un niveau plus élevé qu’au départ. Une spirale (boucle) salaires – prix est ainsi amorcée. Les implications de l’analyse de Friedman pour la politique économique sont alors évidentes. Toute tentative d’accroissement du niveau d’emploi au moyen d’une politique monétaire expansionniste est à terme vouée à l’échec et comporte un risque grave, le passage à un taux d’inflation beaucoup plus élevé. Certes à court terme, le chômage diminue, mais aussi longtemps qu’il se situera au dessous de son niveau initial, l’inflation sera durablement stimulée. Si la nouvelle relation établie par Friedman uploads/Politique/ inflation-et-chomage-inflationchomage-pdf.pdf

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