___________________________ Sciences sociales et humaines 1 1 L'ORGANISATION DE

___________________________ Sciences sociales et humaines 1 1 L'ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT , AU TOGO INDEPENDANT (1960-1992) Essoham ASSIMA-KPATCHA Université de Lomé- Togo RÉSUMÉ L'avènement de l'indépendance imposa aux nouvelles autorités togohiises la nécessité de réorganiser l'enseignement issu de la colonisation. Elles s'y attelèrent en plusieurs étapes. De 1960 à 1975, elles essayèrent de résoudre les problèmes qui se posaient. Elles tentèrent de réaliser plus d'infrastructures et de faciliter l'accès à l'école. Pareillement, elles essayèrent de décoloniser l'enseignement en ancrant l'école dans les réalités locales. Malgré les efforts faits, biens de disfonctionnements persistaient. Cette situation poussa à la grande réforme de l'enseignement de 1975 qui réorganisa tout le système scolaire de fond en comble et définit les conditions dans lesquelles elle devait être appliquée. Cette réorganisation, très bonne en principe, ne fut que très peu appliquée. Elle fut quasiment abandonnée au début de la décennie 1980, alors que le Togo était empêtré dans des difficultés économiques. Au début des années 1990, le résultat de cet abandon fut la persistance des maux qui avaient été diagnostiqués en 1975. Mots-clés: Enseignement, réorganisation, réforme, ABSTRACT The independence advent imposed to new Togolese government the need to reorganize teaching from colonization. They took several steps. From 1960 to 1975, they tried to solve problems which arose. They tried to achieve more infrastructures and make easier to school. Likewise, they tried to decolonize teaching, deeply rooted school in local realities. Despite efforts done, many dysfunctions continued to exist. This situation pushed to great reform of 1975, which reorganized aIls school system from top to bottom and specified the conditions in which it ought to be applied. This reorganization, in principle very good, was few applied. It was almost abandoned in the beginning of 1980 decade, where as Togo was economical troubles. In the beginning of 1990 years, the result ofthis abandon was the persistence oftroubles which has been diagnosed in 1975. Key words: Teaching, reorganization, reform. INTRODUCTION De nosjours, l'organisation de l'enseignement pose problème dans les pays en voie de développement. En effet, on a souvent affirmé, à raison, que l'analphabétisme et le manque d'instruction sont, entre autres, des causes majeures du sous- développement de l'Afrique. Par rapport à ce constat, des mesures ontété prises pour réorganiser l'enseignemeht dès le lendemain des indépendances et permettre ainsi aux pays africains de disposer des Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 009 N° 2-2007 (2~m. Semestre) 77 Sciences sociales et humaines _ cadres compétents et de se développer. Mais c'est un fait que ces mesures n'ont donné que des résultats mitigés, non seulement par rapport à la disponibilité de ces cadres, mais aussi par rapport à l'adéquation des formations qu'ils ont reçues avec les besoins réels de ces pays. Cette réalité montre la gravité du problème. Dans la mesure où, entre l'éducation traditionnelle et celle européenne venue enAfrique avec la traite négrière ou la colonisation, on ne sait quel type d'instruction dispenser, quel dosage appliquer pour aboutir à des résultats optimaux. Au Togo, de la veille de la conquête coloniale à 1960, on assista progressivement à la montée d'une instruction à l'occidentale qui devint prépondérante à la fin de la colonisation. L'éducation traditionnelle, bien qu'encore très largement répandue, perdit son prestige. L'enseignement colonial devint l'instrument de promotion professionnelle et sociale, qui forma de nombreuses générations de cames et de travailleurs qualifiés. Ainsi, l'école coloniale, sans l'avoir vraiment voulu, a favorisé l'émergence d'une élite de scolarisés togolais. Celle- ci joua un rôle décisif dans la lutte pour l'indépendance. Mais le processus de scolarisation, tel qu'il fut mené, a conduit aux disparités régionales. Le Togo septentrional n'a eu accès à l'école que tardivement et d'une façon limitée. La question de la scolarisation devint donc un enjeu politique au moment de l'indépendance, à une période où nationalistes et partisans de l'administration française s'opposaient au sujet de l'émancipation immédiate ou non du Territoire (Assima-Kpatcha 2000 & Sanda 2006). Pour preuve, le 8 juin 1954, le secrétaire général de l'UCPN, Derman Ayéva, déclarait à la jeunesse du Nord réunie en congrès à Lama-Kara: « 11 esttemps que vous compreniez les problèmes que nous sommes en train de résoudre pour le bien de nos régions (...). Mais combien avons-nous de médecins qfricains, d'ingénieurs, d'avocats, de commissaires de police, de juges dans le Nord? Leur nombre est insignifiant. Vous voyez donc que la présencefrançaise au Togo, et surtout dans le Nord, est bien nécessaire. Si nos compatriotes sudistes demandent à lafois l'unification et l'indépendance du Togo, nous autres nordistes, nous sollicitons le maintien de la France dans le Nord, car nous sommes loin de la civilisation. » (Yagla 1992) Cette déclaration constitue en elle-même un programme et souligne la nette fracture entre les deux régions. Elle montre aussi que les problèmes de formation, par ricochet ceux de l'école, étaient aussi au cœur du débat politique durant toute la période de la décolonisation du Togo. D'une question sociale, la thématique de l'enseignement devint en plus un problème politique et une donnée structurelle qui marquera à tout jamais le Togo. La fin de la colonisation en 1960 mit ainsi les nouvelles autorités togolaises à la prise avec la nécessité de repenser l'enseignement. En effet, tel . qu'il a été conçu auparavant, il était destiné à satisfaire prioritairement les objectifs coloniaux. Cette situation ne pouvait plus perdurer d'autant plus que ses effets pervers étaient manifestes. Quelles ont été alors les mesures prises pour réorganiser l'enseignement et résoudre ainsi les problèmes qui se posaient? y répondre nécessite d'affirmer que l'éducation au lendemain de l'indépendance s'inséra dans le contexte global de l'époque où la tendance était d'œuvrer pour le développement du pays. Cependant les premiers moments de l'après indépendance se caractérisèrent d'abord par une certaine continuité dans les faits. Mais dans les discours officiels, on commença à affirmer l'urgence qu'il y avait de réformer l'état d'esprit dans lequel elle était donnée et de mettre tous les moyens nécessaires pour qu'elle puisse répondre aux impératifs de développement économique et social. 1. Une certaine amélioration dans la continuité (1960-1975) Les nouvelles autorités restèrent d'abord dans la logique antérieure, notamment la recherche de l'appui du priv~. En ce sens, on peut lire dans un document officiel: « ... le Togo n'estpoint demeuré 78 Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 009 N° 2-2007 (2,me Semestre) ___________________________ Sciences sociales et humaines en reste de progrès,. au contraire. il garde. en cette matière, une cote appréciable. {...} Le souci de vérité oblige à reconnaître que ces missions, par leur œuvre sociale se trouvent à l'avant-garde du progrès intellectuel des populations africaines. »1 Cette citation montre le rôle non négligeable que les missions chrétiennes ont continué à jouer en matière de scolarisation au lendemain de l'indépendance. Cette donne est ancienne au Togo et remonte d'ailleurs à la période précoloniale (cf. Dravie-houenassou-houangbe 1988 ; Isert 1793, reed. 1989; Ali 1982; Occansey 1972 ; Lange 1991 ; Agbobly-Atayi 1980). La toute première école construite au Togo, à Aného, datait de la période précoloniale et était celle de la famille Lawson. Durant la colonisation, les missions chrétiennes ont largement œuvré à la diffusion de l'instruction, surtout au temps des Allemands où la quasi-totalité des écoles étaient de type confessionnel parce que les missionnaires pensaient que cela favorisait l'accès aux Saintes Ecritures. Sous les Français, quand bien même l'administration s'est beaucoup plus investie, la donne n'a que très peu changé pendant longtemps. Cela a fait du Togo l'un des pays africains les plus scolarisés au moment des indépendances (Gayibor 1997 a & Gayibor 1997 b ; Gayibor 2005). Ainsi, le système scolaire colonial, surtout l'organisation mise en place pendant la période tutélaire (en gros de 1946'à 1960), resta en l'état. En effet, l'après seconde guerre mondiale se caractérisa par l'alignement du système scolaire togolais sur le modèle métropolitain. Dans ce nouveau système, l'école primaire durait six ans dont deux au cours préparatoire, deux au cours élémentaire et deux au cours moyen. On en sortait nanti du certificat d'études primaire. De même, ce système comprenait un enseignement secondaire composé de collèges modernes et classiques. Le premier à être ouvert fut le cours complémentaire de Lomé, anciennement école primaire supérieure depuis la rentrée 1941-1942, qui devint d'abord un collège moderne et classique à la rentrée 1947-1948, avant d'être ensuite transformé en Lycée Gouverneur Bonnecarrère en 1953. Progressivement, le nombre des institutions d'enseignement secondaire s'éleva. En 1954, il y avait 5 établissements de ce genre dont deux publics (en plus du lycée ci-dessus mentionné, il fut créé le collège moderne et techniqu.. de Sokodé) et trois autres de type confessionnel (le cours complémentaire évangélique, le collège Saint- Joseph pour les garçons et l'Institut Notre-Dame des Apôtres, pour les filles). On pouvait passer le Brevet d'Etudes du Premier Cycle (BEPC) dont l'organisation incombait en partie aux autorités académiques de l'Université de Paris, et le Baccalauréat (première et deuxième partie) qui relevait de la compétence de l'Université de Bordeaux. Des bourses d'études étaient octroyées aux étudiants togolais sensés être les plus méritants pour se former dans les universités métropolitaines (Gayibor 1997 b: 175-176). En uploads/Politique/lorganisation-de-lenseignement-au-togo-independant 1 .pdf

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