XV L’ETAT: INSTRUMENT DE LA POLITIQUE ET DU DROIT. La société ne s’organise pas
XV L’ETAT: INSTRUMENT DE LA POLITIQUE ET DU DROIT. La société ne s’organise pas nécessairement spontanément. Elle utilise ce moyen privilégié du politique qu’est l’Etat. 1) Les formes de pouvoir. Un fondement est ce sur quoi s’appuie une construction matérielle ou intellectuelle. Ce n’est pas seulement la première connaissance, son commencement, c’est celle qui est la raison de tout le reste, qui explique pourquoi cela existe et qui permet que cela existe. (par exemple, le fondement de nos connaissances mathématiques, ce sont nos principes premiers vrais). Quand on parle du fondement du droit politique, on désigne donc ce qui fait qu’un pouvoir peut nous faire agir. Pourquoi obéir à telle personne ou tel groupe de personnes ou telle institution? En vertu de quoi peuvent-ils commander nos actions? La politique suppose donc toujours l’existence d’un pouvoir quelle que soit la multitude des formes qu’il peut revêtir. Le pouvoir est seulement la capacité d’agir et de faire agir les autres. C’est un terme très large qu’il faut distinguer de celui de domination qui provient de dominus (le maître en latin) et qui signifie donc toujours que le pouvoir s’exerce à travers une contrainte. Nous pouvons obéir à quelqu’un parce que nous reconnaissons son autorité: par exemple, une autorité religieuse; une autorité morale (les parents; un homme honnête); un représentant du savoir (un professeur). Il y a bien là un pouvoir mais auquel nous consentons librement, constatant une supériorité dans un domaine. La question est donc, désormais, de décrire les différents pouvoirs possibles. Pour ce faire, nous pouvons nous appuyer sur une distinction proposée par Max Weber. Il évoque les trois formes de « domination légitime » c’est-à-dire, dans notre vocabulaire, de pouvoir fondé sur une autorité, de pouvoir consenti. Peu importe cette différence de termes. Ce que montre Weber, c’est que les types de pouvoir ne peuvent être que de trois sortes: traditionnel; charismatique et rationnel-légal. Le pouvoir traditionnel reste encore diffus dans la société et réside dans le respect des valeurs du groupe que la coutume énonce et qu’il hérite de la tradition. Il peut y avoir seulement, comme instance légitime de décision, un conseil d’anciens qui se réunit pour trancher les cas complexes. Sinon, on sait comment agir, c’est-à-dire, comme on a toujours agi, comme ceux qui nous ont précédé ont agi. Ensuite, le pouvoir peut trouver son fondement dans le seul prestige d’un homme, dans son charisme (grec: kharisma: la grâce accordée par dieu, l’esprit sain propre à un homme ou un groupe). C’est la forme à l’oeuvre dans toutes les monarchies, mais aussi dans le pouvoir personnel d’un dictateur. On obéit à une personne parce que c’est elle. Enfin, la troisième forme de pouvoir est celle de l’Etat. Il s’appuie sur le respect des lois établies rationnellement et sur un droit abstrait et impersonnel. Il est lié à la fonction et non à la personne: j’obéis au président parce qu’il est le président et non parce que c’est un tel ou un tel. Ce pouvoir se justifie par la compétence et non par le prestige ou la tradition. Il faut cependant remarquer que ces trois formes sont des types idéaux, c’est-à-dire des concepts qui permettent de comprendre la réalité concrète des pouvoirs, mais qu’on ne trouve jamais sous une forme absolument pure. Par exemple, la monarchie française est foncièrement charismatique (les deux corps du roi) mais est également traditionnelle et même rationnelle-légale puisqu’il existe une reconnaissance des lois, même si elles sont, en théorie, toutes l’émanation de la volonté d’un seul être. Or, le pouvoir étatique paraît permettre de pallier les insuffisances des deux autres formes de pouvoirs. Quand une société se développe, la nécessité d’une institutionnalisation du pouvoir se fait sentir. La tradition, par exemple, manque de rigueur et ne peut fournir de réponses adaptées aux cas nouveaux que la complexité de la société génère. De même, l’Etat produit une permanence du pouvoir que le pouvoir personnel interdit. Quand le chef charismatique disparaît, son pouvoir est remis en cause. En revanche, puisque le pouvoir étatique n’est pas liée à la personne, l’Etat demeure, un autre homme reprend le poste du précédent. L’Etat est donc, conformément à l’étymologie, ce qui se tient toujours debout du latin: stare: être debout. Le pouvoir échappe ainsi à l’instabilité. 2) Qu’est-ce que l’Etat? a) Définition par la fonction. Cette réflexion permet de préciser le sens du concept d’Etat. Dans le langage ordinaire, l’Etat peut désigner la population soumise à une autorité politique qui vit sur un territoire donné, C’est un synonyme de pays (cf aussi Rousseau dans « Du contrat social»: corps politique en tant que passif LI chap 7 fin). C’est ainsi qu’on parle des Etats Européens ou des Etats émergents. Mais le concept philosophique d’Etat ne peut être confondu avec l’ensemble de la société que désigne le terme de pays. Il est une partie seulement de celui-ci. Il en est l’organe politique qui possède une autorité sur la population et le territoire. A d’autres moments, on désigne par Etat le gouvernement, c’est-à-dire l’instance qui possède le pouvoir exécutif dans une société. Ici, l’Etat est bien perçu comme une réalité qui possède une autorité politique et qui est différente du reste de la société, mais il est réduit à une partie seulement de son rôle. Le premier sens est trop large; le second est trop étroit. (cf Rousseau LI Chap 4). Le concept d’Etat correspond donc à une troisième définition: l’Etat est une réalité juridique qui s’incarne dans un certain nombre d’institutions (organisations sociales stables, cf plus bas) et dont le rôle politique est d’administrer la société. Le périmètre de l’Etat peut être plus ou moins grand. Il y aurait d’abord les fonctions primaires de l’Etat. Elles concernent le domaine où celui-ci apparaît comme un pouvoir qui dirige, voire qui contraint. C’est ce qu’on appelle aussi les pouvoirs régaliens parce que les rois, pour établir leur souveraineté, cherchaient d’abord à posséder ces pouvoirs. C’est l’armée qui permet de répondre aux agressions extérieures; c’est la police qui assure la sécurité des citoyens; c’est la justice qui règle leurs conflits par le droit et non la violence; c’est la banque centrale qui émet la monnaie et organise l’économie du pays. Au contraire des précédentes, les fonctions secondaires sont les fonctions sociales par lesquelles il organise la société et apparaît plutôt comme un ensemble d’institutions qui aide les individus au lieu de les contrôler. C’est, par exemple, l’Etat-providence avec la sécurité sociale, l’éducation nationale etc… Il faut donc réaffirmer ce que nous disions plus haut: l’Etat n’est pas la société politique toute entière puisqu’il est un ensemble d’institutions qui administre la société. Il est l’organe qui la dirige, qui lui donne un cadre, des structures juridiques. Il possède donc une certaine autonomie qui peut le conduire à entrer en conflit avec elle: ce qui donne sa forme à la société peut aussi en devenir le carcan. b) Définition par le moyen. Mais on doit aussi définir l’Etat non par rapport à son contenu, à ce dont il s‘occupe, -ce que nous avons fait plus haut-, mais par le moyen qu’il utilise. Or, quel est ce moyen? C’est la force physique, la violence, nous dit Max Weber, qui permet d’assurer son pouvoir. L’Etat n’agit pas seulement comme cela (notamment avec les fonctions sociales), mais il exige que sur un territoire donné il possède: « le monopole de la violence légitime ». Qu’est-ce que cela signifie? Cela veut dire que les individus particuliers ou les communautés particulières n’ont pas le droit d’user de violence. Elles doivent obéir aux règles instaurées par l’Etat pour faire valoir leurs droits. En revanche, l’Etat, lui, peut recourir à la violence à travers la police et l’armée pour protéger le droit. Il est le seul à pouvoir le faire (même s’il y a peut-être des micro-pouvoirs selon Foucault). Toutes les formes politiques se réduisent-elles à celle de l’Etat? Non. Cf les tribus, clans etc…Même si l’antiquité connaît déjà des Etats comme les cités grecques; l’empire romain, etc 3) Etat et liberté. Nous venons de définir l’Etat: il est un ensemble d’institutions, différencié de la société, et qui monopolise l’usage de la violence pour assurer son pouvoir. Mais puisqu’il est autonome à l’égard de la société, il est légitime de penser qu’il peut entrer en conflit avec elle. Ainsi, l’Etat est-il le moyen d’accroître nos liberté ou de nous en priver? a) Etat et droit. a.1) La loi comme expression d’un point de vue universel. Dans la société existent nécessairement des intérêts divergents. On pourrait penser aux différences individuelles de personnalités, mais, avant même la psychologie, les rapports économiques suffisent à expliquer ces oppositions. La division du travail sur laquelle repose rapidement toute économie donne des rôles différents aux citoyens qui se trouvent entre eux dans une situation de concurrence. Concurrence entre le salarié et les actionnaires (le patron en est le simple représentant), par exemple, (opposition capital/travail); mais concurrence aussi à l’intérieur d’une même classe entre salariés ou entreprises. Ce qu’on appelle la société civile, c’est-à-dire la société sous son aspect uploads/Politique/ l-amp-039-etat-t5-2022.pdf
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- Publié le Nov 29, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
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