La séparation des pouvoirs n’est-elle qu’un mythe ? Selon les paroles de James

La séparation des pouvoirs n’est-elle qu’un mythe ? Selon les paroles de James Madison, l’un des pères fondateurs des Etats-Unis, “L’accumulation de tous les pouvoirs entre les mêmes mains peut à juste titre être dite la définition même de la tyrannie.” Cette idée sous-entend le caractère essentiel de la séparation des pouvoirs dans la pratique de la démocratie, et l’existence de démocraties serait ainsi la preuve de la réalité de la séparation des pouvoirs. Juridiquement parlant, le pouvoir désigne la capacité à prendre des décisions, ainsi que de les faire respecter. Dans cette optique, on peut distinguer trois pouvoirs participant à l’organisation d’un Etat, le pouvoir législatif qui produit la loi, le pouvoir exécutif qui fait appliquer la loi et le pouvoir juridictionnel qui vérifie son application et condamne les violations. Cependant, pour qu’un Etat fonctionne de manière démocratique il ne suffit pas seulement que ces pouvoirs existent, mais il faut qu’ils soient séparés en différents organes, c’est ce qu’on appelle la séparation des pouvoirs. En effet, selon Montesquieu, “Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir”, ce qui signifie qu’en séparant les pouvoirs, il est possible de garantire qu’une personne ou qu’un pouvoir ne se soulève pas au-dessus des autres pour s’accaparer les prérogatives des autres. Pour assurer son bon fonctionnement, cette théorie doit être accompagnée des règles d’indépendance et de spécialisation. La spécialisation demande à ce que chacun des organes de l’Etat exerce une seule et unique fonction sans participer à aucunes autres, et la règle d’indépendance implique qu’aucun des organes ne puisse être redevable d’un autre, c’est-à-dire qu’il ne doit ni être nommé, ni être révocable par un autre. Il faut cependant noter que le degré d’application nécessaire des ces règles dépend du point de vue du théoricien et de l’interprétation faite par le régime politique. La séparation des pouvoirs est une théorie relativement ancienne, dont la première définition remonte à John Locke en 1690, elle est vue comme un idéal à atteindre qui n’existait pas encore dans une forme aboutit. C’est pour cela qu’il serait possible de la définir comme étant un mythe, par son caractère ancien, inatteignable et sa perfection apparente. En observant les différentes théories de séparation des pouvoirs, il est possible de remarquer que l’un des pouvoirs peut souvent varier. Le législatif et l’exécutif sont inhérents à la théorie, cependant il arrive que le juridictionnel soit remplacé par un autre. John Locke par exemple parle de pouvoir fédératif, qui est le pouvoir de mener les relations internationales, de fédérer les pays. Cette absence s’explique par une conception ancienne du 1 juge, qui est selon Montesquieu que la “bouche qui prononce les paroles de la loi”, le juge n’aurait donc aucun pouvoir, il serait entièrement soumis au législatif sans possibilité d’interprétation. Cette vision a cependant changé avec l’essor de la jurisprudence, qui demande au juge d'interpréter la loi, ainsi que de la justice constitutionnelle. Celle-ci se place au-dessus de la loi, car elle décide de la constitutionnalité, donc de la légalité, des lois produites par le législatif. Historiquement, la séparation des pouvoirs est donc un concept qui est né antérieurement à sa théorisation. Au fils des siècles, le régime anglais à séparer les trois grands pouvoirs, à commencer par la rédaction de la Magna Carta par Jean sans Terre en 1215 qui empêche le roi de lever des impôts sans le consentement du “Grand Conseil”, l’ancêtre de la Chambre des Lords. Cet organe récupère ainsi un pouvoir financier, et va petit à petit prendre l’habitude d’initiatives de lois liées à l’économie, on observe ainsi un début de séparation entre le législatif du Grand Conseil et l'exécutif royal. On est encore loin du régime parlementaire actuel, mais au XVIIème siècle, le peuple va se révolter contre le roi Charles Ier face à ses abus de pouvoirs. Après une courte période républicaine, le retour à la monarchie va être conditionnée par la signature du Bill of Rights par le roi, qui limitera significativement, bien que imparfaitement, le pouvoir de la couronne. C’est donc à partir de ce système qui constitue une ébauche de séparation des pouvoirs que John Locke et Montesquieu vont élaborer leur théorie. La séparation des pouvoirs va par la suite de plus en plus être reprise lors de l’émergence des régimes libéraux. Le premier étant le régime étasunien qui dans sa constitution prévoit une séparation stricte des pouvoirs, sans moyens d’actions entre les différents organes, le président ne peut dissoudre la Chambre des représentants ni le Sénat, et la Chambre ne peut déposer une motion de censure contre le président qui est l’unique tête de l'exécutif. On retrouve également une séparation stricte dans les constitutions françaises de 1793 et 1848. Lorsqu’en 1958, Charles de Gaulle a été nommé Président du Conseil de la IVème République, il s’est attelé à la rédaction d’une nouvelle constitution qui donnerait plus de pouvoir à l'exécutif. Pour ce faire, le Parlement à voter la loi du 3 juin 1958 pour lui donner l’autorisation d’entreprendre cette révision, mais aussi pour la limiter. En effet, la loi indique qu’il est obligatoire pour les rédacteurs de la constitution de respecter le principe de séparation des pouvoirs. Il n’a cependant pas été précisé que cela devrait être une séparation stricte ou souple, la souplesse à donc été privilégiée par le général de Gaulle. Ainsi, l'exécutif de la Vème République est capable de faire passer une loi sans passer par le Parlement en appliquant l’article 49 alinéa 3 de la constitution, ou encore de s’accaparer le pouvoir 2 législatif dans des domaines particuliers, de manière temporaire et avec l’autorisation du Parlement, en appliquant l’article 38 sur les ordonnances. Récemment, l’utilisation de l’article 49 alinéa 3 par le gouvernement d’Edouard Philippe à propos de la réforme des retraites à encore une fois remis à jour le débat sur le manquement à la séparation des pouvoirs qu’elle représente. En effet, le pouvoir exécutif peut par ce moyen faire un projet de loi pour forcer le passage et s’inscrire dans la loi française sans passer par le Parlement, cela représente donc une accaparation temporaire du pouvoir législatif par le gouvernement et le président. La loi de 2017 « renforçant la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure » peut également être considérée comme étant un danger pour la séparation des pouvoirs car elle renforce le pouvoir exécutif sur le plan sécuritaire, donnant notamment la possibilité aux préfets d’interdire ou limiter l’accès à certains lieux publics en cas de menace à l’ordre public, en l'occurrence de menace terroriste. Sur une perspective plus internationale, le recours à la procédure d'impeachment aux Etats-Unis contre le président Trump en 2019 peut remettre en cause la séparation stricte des pouvoirs proclamée par le régime étasunien. En effet, le principe est que les différents organes ne peuvent pas se destituer les uns les autres, cependant la constitution met en place la procédure d’Impeachment pour que le Sénat, présidé par le président de la Chambre des représentants juge le président des Etats-Unis et le destitue si nécessaire. Cette séparation stricte peut également être remise en cause par le fait que c’est le président qui désigne les membres de la Cour Suprême au décès de l’un d’entre eux, c’est ce qui a eu lieu en 2020, lorsque Donald Trump a remplacé Ruth Bader Ginsburg. L’indépendance des juges suprêmes peuvent ainsi être remise en cause avec cet empiètement de l'exécutif sur le législatif, bien que le sénat doit valider les choix du président. Il est ainsi possible de voir que ce principe possède un fort aspect théorique et est difficilement appliqué à la perfection, il incombe donc de se demander légitimement si la séparation des pouvoirs ne serait en réalité qu’un mythe. Ainsi, cette théorie ne serait que majoritairement descriptive, possédant de nombreuses interprétations, et ne représenterait qu’un idéal démocratique vers lequel on ne peut que tendre (I). Mais elle n’en est pas pour autant inexistante car elle représente une réalité inhérente à l’existence d’une démocratie (II). 3 I- La séparation des pouvoirs comme description d’un idéal démocratique La séparation des pouvoirs ne serait en réalité qu’une théorie descriptive aux interprétations trop nombreuses (A), et qui en conséquence ne serait qu’un idéal trouvant difficilement une application concrète et complète (B). A) Une théorie aux nombreuses interprétations En effet, dès la prise en considération des théories de John Lock et de Montesquieu, on observe un certain nombre de divergences. Locke préconise en effet une séparation relativement stricte des pouvoirs avec la séparation des différents organes, bien qu’elle ne soit pas absolue car selon lui, pour éviter un blocage en cas d’opposition entre l'exécutif et le législatif, il faut que l’un des deux soit supérieur à l’autre, en l'occurrence le législatif. Montesquieu, contrairement aux idées reçues, est quant à lui loin d’une conception stricte de la séparation des pouvoirs, il ne considère pas que les pouvoirs doivent être entièrement indépendants et spécialisés. Il voit en effet, en décrivant le modèle anglais, qu’il y a uploads/Politique/ la-separation-des-pouvoirs-n-x27-est-elle-qu-x27-un-mythe.pdf

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