21/12/21 9:43 Protéger la santé des Parisiens au XVIIIe siècle : savoirs urbain
21/12/21 9:43 Protéger la santé des Parisiens au XVIIIe siècle : savoirs urbains et action policière https://journals.openedition.org/hms/728#quotation 1/13 Histoire, médecine et santé 6 | automne 2014 Santé mentale Varia Protéger la santé des Parisiens au XVIIIe siècle : savoirs urbains et action policière Nicolas Vidoni p. 97-110 https://doi.org/10.4000/hms.728 Résumés Français English La Lieutenance générale de police de Paris, au siècle des Lumières, développa une « politique policière de santé » urbaine en direction des habitants. Dépassant la lutte contre les épidémies, elle devint préventive et s’intéressa aux liens entre les êtres humains et leur environnement. Elle mobilisa pour cela des savoirs urbains de pointe, en produisit de nouveaux, et intégra dans sa sphère la Société Royale de médecine, qui lui permit d’agir directement sur la matérialité urbaine pour améliorer la santé des Parisiens. During the 18th century, the Lieutenance générale de police of Paris pursued a public health policy, especially in urban space. Beyond the struggle against plagues, the police became “preventive”, and focused on links between men and environment. New knowledge had been mobilized, and Lieutenance produced itself urban knowledge to act. The Société Royale de Médecine had been included in the police sphere to act with more efficacy and to improve the health of Parisians. Entrées d’index Mots-clés : police de la santé, Lieutenance générale de police, Paris, savoirs urbains, topographies médicales Keywords: urban knowledges, medical topography, Paris, health and police Notes de l’auteur 21/12/21 9:43 Protéger la santé des Parisiens au XVIIIe siècle : savoirs urbains et action policière https://journals.openedition.org/hms/728#quotation 2/13 La rédaction de cet article a été effectuée dans le cadre du programme ANR « Systèmes Policiers Européens, XVIIIe-XIXe siècle », n° ANR-12-BSH3-0004. Texte intégral Jacques Peuchet, auteur pour l’Encyclopédie méthodique de deux volumes sur la Jurisprudence, et particulièrement les Municipalités, écrivit en 1791 que la « santé est un des soins principaux de police humaine ; elle veille sur tout ce qui pourroit altérer [l’être humain] depuis le moment de sa naissance, jusqu’à l’instant où il cesse de vivre »2. En vue de préserver cette santé, il recommandait que les autorités policières rencontrent les médecins et travaillent ensemble. La combinaison des forces politiques et scientifiques permettrait une action rationnelle, répondant à des problèmes clairement identifiés qui ne pouvaient entraîner qu’une politique adaptée. 1 Loin de présenter une idée révolutionnaire, Peuchet ne fit que systématiser intellectuellement ce qu’il avait pu observer au cours de sa carrière au sein de la Lieutenance générale de police de Paris. Créée en 1667, l’institution était considérée à la fin de l’Ancien Régime par Louis-Sébastien Mercier comme un ministère sans le titre en raison de l’importance prépondérante qu’elle tenait dans l’administration de la capitale3. Or, une évolution notable eut lieu à partir des années 1770, qui fut celle d’une association plus grande de la Lieutenance avec les institutions scientifiques du temps en vue de mettre en pratique une politique de préservation de la santé des habitants. La Lieutenance profitait, en effet, de changements importants dans le monde médical, tant d’un point de vue institutionnel que scientifique. Pour autant, s’est-il agi d’une « police médicale »4 ? Pour le comprendre, l’on peut croiser une histoire des pratiques policières et des savoirs sur la ville, notamment médicaux, pour déceler une politique policière de santé. Une telle politique existait depuis longtemps, particulièrement lors des épidémies de peste ou lors des contagions. Les cités d’Italie l’avaient initiée dès le XVe siècle, en l’intégrant dans les structures pérennes de gestion de l’espace urbain5. Le XVIIIe siècle, sous l’influence des Lumières et des évolutions de la pensée médicale, ainsi que sous l’effet des volontés de réforme de l’administration, vit parfois les attentes des administrateurs et des médecins converger pour accroître le « bien public », en particulier dans les grandes villes considérées comme des lieux dangereux et de désordre6. L’attention à l’espace urbain, à la matérialité des villes, se conjugua avec un regard porté sur les individus, et plus généralement la population, qui dessina progressivement le passage d’un âge disciplinaire puis sécuritaire à une véritable « biopolitique », dont Michel Foucault situait la genèse au siècle des Lumières finissant7. 2 À Paris, sur quels fondements reposa cette politique policière ? Et dans quelle mesure constitua-t-elle une inflexion des pratiques anciennes ? Elle s’adossait tout d’abord à une exigence de salubrité publique depuis longtemps proclamée dans la capitale, sans que les autorités ne parviennent à la mettre systématiquement en œuvre. À partir de 1667, la Lieutenance, elle, mobilisa progressivement les ressources intellectuelles des médecins et des savants pour répondre épisodiquement aux problèmes de salubrité et de santé. Dans le même temps, elle spécialisa quelques-uns de ses agents de terrain dans les questions médicales. La rencontre devint plus systématique et institutionnalisée dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, notamment par les liens qu’entretinrent les Lieutenants généraux avec les membres de l’Académie des Sciences, puis de la Société Royale de Médecine et le collège de Pharmacie. Ces liens bientôt consubstantiels par les conceptions similaires du « bien commun » qui furent élaborées par les médecins et les administrateurs, permirent une nouvelle forme de politique policière dans la ville. Elle se traduisit par des actions de régulation et d’assainissement micro-locales, menées de manière systématique dans toute la ville. Elle impliquait, sur le terrain, les scientifiques et les agents de la Lieutenance. 3 21/12/21 9:43 Protéger la santé des Parisiens au XVIIIe siècle : savoirs urbains et action policière https://journals.openedition.org/hms/728#quotation 3/13 Les politiques policières de préservation de la santé Le problème classique de la propreté de l’espace urbain Les objectifs policiers de la Lieutenance : sûreté et propreté La propreté de l’espace urbain a toujours été une des préoccupations principales de la police8. Au XVIe siècle, elle incombait à l’Hôtel de Ville de Paris, reposant sur le réseau des agents de police élus dans les quartiers, qui étaient chargés de surveiller le nettoyage des rues et de dénoncer les lieux sales et dangereux, que l’on identifiait comme capables de provoquer la contagion (ou la « peste »). Le cadre municipal, au XVIIe siècle, resta celui du prélèvement de la taxe des boues et des lanternes, mais la surveillance du nettoyage passa au Châtelet et à ses commissaires départis dans les quartiers de police. 4 Informé de la situation et des expériences de terrain, le Parlement composa, le 30 avril 1663, un règlement général sur le nettoyage dont le préambule explicitait les buts à atteindre en matière d’hygiène et de propreté, moyens indépassables pour préserver la santé des habitants9. Le problème effectif continua pourtant de se poser, ce qui prit un tour nouveau en 1666, avec le déclenchement d’une épidémie dans le nord du royaume10. L’épidémie, dont un des foyers principaux était Rouen, suscita des inquiétudes de contagion dans tout le pays. Des dispositifs classiques de lutte dans la ville, ainsi que des cordons sanitaires limitant les communications et les déplacements, furent institués pour protéger la capitale. Mais ces démarches entravaient le commerce et nuisaient au développement économique. Ce problème sanitaire et politique amena les autorités monarchiques à repenser les formes pratiques de la police. Colbert institua alors un Conseil de réformation de la police, chargé de créer une institution royale qui lui serait dédiée à Paris, et dont une des missions serait de « nettoyer » la ville, au sens propre comme au figuré. 5 Le Conseil de réformation se tint à l’hiver 1666-1667. Il avait pour première mission de rédiger un code de police qui servirait de base juridique à l’action normative et régulatrice des agents de la future institution. Ce code ne vit jamais le jour, car les membres du Conseil, éminents au sein de l’administration, utilisèrent les règlements généraux existants pour répartir les attributions entre les Lieutenances du Châtelet (civile, criminelle et de police) et entre les institutions urbaines. Le règlement sur le nettoyage de 1663 servit ainsi de cadre d’action pour assurer la propreté des rues. Le Conseil de réformation réaffirma même le caractère fondateur de ce règlement, qui devait encadrer toutes les pratiques de régulation11. L’enjeu était ici politique, et non pas sanitaire. Il s’agissait pour la monarchie d’associer au nettoyage de la ville le Parlement, qui prétendait encore, vingt ans après la Fronde, détenir la haute police sur la ville12. La norme juridique était ainsi celle formulée par le Parlement, mais l’application en revenait désormais aux agents du roi. 6 Le chancelier Séguier, pour marquer l’importance de cette politique d’épuration des rues, affirma aux commissaires et au public que Louis XIV marcherait dans les rues pour constater l’état sanitaire du pavé et la sûreté de l’espace urbain13. En fait de roi, plutôt désireux de s’éloigner de cette capitale turbulente, c’est Colbert qui imagina le projet 7 21/12/21 9:43 Protéger la santé des Parisiens au XVIIIe siècle : savoirs urbains et action policière https://journals.openedition.org/hms/728#quotation 4/13 La politique policière d’épuration de l’espace urbain Une politique policière rationnelle : la mobilisation des institutions de santé d’épuration de la ville, afin de restaurer l’image de Paris censée refléter la grandeur universelle du monarque français. L’innovation ne fut donc pas juridique, uploads/Politique/ proteger-la-sante-des-parisiens-au-xviiie-siecle-savoirs-urbains-et-action-policiere.pdf
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- Publié le Mai 18, 2021
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