Valeurs de la démocratie et valeurs de la république CAVL 11 mai 2011 J.-C. Gay
Valeurs de la démocratie et valeurs de la république CAVL 11 mai 2011 J.-C. Gay IUFM d’Auvergne-UBP Plan de l’exposé : 1ère partie : Définir Qu’est-ce que la démocratie ? Quelques éléments d’histoire de la démocratie (Athènes, Vème siècle avant Jésus-Christ)) Les valeurs-principes de la démocratie : - démocratie et liberté - démocratie et égalité 2ème partie : Problématiser/Discuter Partons de la célèbre formule d'Abraham Lincoln (16ème président des Etats-Unis, 1861-1865) que reprend l’article 2 de la Constitution de 1958 : « Son [de la république] principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. » Ce que dit « démocratie » au sens littéral c’est : « gouvernement du peuple » au sens où en effet c’est bien le peuple qui est « dépositaire » du pouvoir, qui en est le sujet par opposition aux régimes dans lesquels le pouvoir est possédé par une aristocratie ou une monarchie (transmission par hérédité). Mais deux points essentiels restent en discussion, posent problème : 1er problème : la question de l’exercice effectif du pouvoir : en quel sens dit-on que le gouvernement dit démocratique est effectué/exercé ou mis en œuvre « par le peuple » ? Est-ce bien le peuple ou en quel sens est-ce le peuple qui exerce ce pouvoir qui est fondamentalement le sien ? La question du mode de désignation des représentants du peuple La question de la définition du peuple 2ème problème : la question de l’usage du pouvoir, des fins que ceux qui l’exercent visent en l’exerçant : est-ce « pour le peuple » qu’ils l’exercent (le bien du peuple, le bien commun) ou pour d’autres buts, d’autres groupes ou personnes (intérêts et biens particuliers) ? La perspective libérale La perspective républicaine 3ème partie : Quelles valeurs et quelle « éducation aux valeurs » pour une république démocratique ? 1 Bibliographie indicative : Aristote, Les politiques, Traduction et présentation par Pierre Pellegrin, GF-Flammarion, 1993 (en particulier le livre III). Aron Raymond, Essai sur les libertés, Pluriel, 1976. Bourg Dominique et Whiteside Kerry, Vers une démocratie écologique. Le citoyen, le savant et le politique, Seuil « La république des idées », 2010. Castoriadis Cornelius, Domaines de l’homme (Les carrefours du labyrinthe, 2), Edition du Seuil, 1986 (coll. Points-Essais) (en particulier : « La polis grecque et la création de la démocratie »). Constant Benjamin, Ecrits politiques (présentation par Marcel Gauchet), Folio-Essais, 1997 (en particulier : « De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes » (1819), pp.589- 619). Manin Bernard, Principes du gouvernement représentatif, Flammarion, 1996 (coll. Champs- Flammarion). Rawls John, Justice et démocratie, Edition du Seuil, 1993 (coll. Points-Essai). Rousseau Jean-Jacques, Du Contrat social ou Principes du droit politique (1762), coll. Folio- Essais ou en ligne sur www.wikisource.org Savidan Patrick, Repenser l’égalité des chances, Grasset et Fasquelle, 2007 (réédition coll. « Hachette-Littératures », 2010). 1ère partie : Définir Qu’est-ce que la démocratie ? Littéralement : le pouvoir du peuple (« démos kratos »). Répond à la question : qui possède ou qui est titulaire du pouvoir ? Pouvoir au sens politique, celui qui décide et organise la vie commune, la vie de tous en tant qu’ils ont à vivre ensemble dans un temps et un lieu donnés, par delà ou avec toutes les différences qui les caractérisent sur divers plans, social, économique, etc. Pouvoir de faire la loi qui sera ou devra être obéie de sorte que tous puissent vivre ensemble dans une paix et une sécurité relatives mais aussi, plus fondamentalement, pour être en mesure d’exercer sa liberté politique, celle de prendre part aux affaires publiques, aux affaires de la communauté. Qui fait la loi ? Un seul ? Certains (un petit nombre, les meilleurs) ? Tous ? Définitions des types de régimes possibles : la monarchie, l’oligarchie, l’aristocratie, la démocratie. 2 Argument pour la démocratie : qui serait mieux à même de faire les lois que tous suivront si ce n’est tous ? Qui d’autre que tous pour s’occuper des affaires de tous, pour décider et gérer les affaires communes ? Contre les tyrannies, les dictatures, les conditionnements de toutes sortes, pour garantir les valeurs politiques fondamentales, la liberté, l’égalité, la fraternité. Référence possible à ce qui se passe actuellement (début 2011) dans les pays arabes : Tunisie, Egypte, Lybie, Syrie, Yémen… Eléments d’histoire de la démocratie (athénienne) : Athènes, V-IV siècles avant J.-C. (jusqu’en 338 av JC, après la victoire de Philippe de Macédoine et la fin de l’indépendance des cités grecques, après des interruptions de la démocratie à la suite de la guerre du Péloponnèse et de la défaite d’Athènes) : « création » de la démocratie ? Plusieurs points d’analyse : - les réformes de Clisthène à Athènes à la fin du VIème siècle (508-507 av JC), après celle de Solon en -594 qui avait interdit l’esclavage pour dettes et ainsi rendus pauvres et riches égaux devant la loi (isonomie) : redéfinition des unités géographiques et politiques de la cité d’Athènes (en dèmes) de sorte que pauvres et riches soient mélangées et que ce ne soit pas toujours les mêmes qui accèdent au pouvoir (système tribal), admission de nouveaux citoyens, l’ecclésia devient l’organe principal du pouvoir politique… institution de l’iségoria et de l’isonomie (égalité politique des citoyens soit des hommes âgés de plus de 20 ans (après le service militaire), fils légitime de citoyens athéniens et appartenant à l’un des dèmes d’Athènes, les femmes, les métèques (40000) et les esclaves (110 à 150000) ne pouvant l’être) ; - constitution du politique comme ordre d’existence humaine particulier fondé sur le principe de l’iségoria, le droit à l’égale valeur de la parole de chacun dans la discussion et l’argumentation des choses communes. Les athéniens s’appréhendent égaux, ou plutôt décident1 de leur égalité en tant qu’êtres de parole capables de discuter de ce qui leur est commun, de ce qui appartient à tous sans appartenir à aucun en particulier. Ordre d’existence en ceci qu’ils se savent et se veulent aptes à exister dans un monde commun propre, distinct des mondes particuliers dans lesquels ils vivent dans leurs familles et leurs communautés d’origine. A ce niveau, il n’est pas encore question d’une forme de gouvernement, qu’il s’agisse de la démocratie ou de l’oligarchie c’est-à-dire de l’institution du rapport de commandement et d’obéissance, seulement d’une manière (essentielle) d’être humain dans les relations avec les autres dans la communauté dite politique parce que constituée par l’isonomie. - Le principe de l’isonomie est premier. Isonomie signifie tout à la fois pour les grecs : égalité et liberté2, indissociables au sens où tous sont des êtres de paroles également citoyens et aptes au politique, sans autorité ou pouvoir des uns sur les autres, tout à la fois gouvernants et gouvernés, libres seulement parmi les autres, dans cet espace politique qu’est la polis en dehors duquel (dans le monde social et 1 « L’isonomie garantissait l’égalité, non point parce que tous les hommes sont nés ou crées égaux, mais au contraire, parce que les hommes, par nature, ne sont pas égaux et qu’ils ont besoin d’une institution artificielle, la polis, qui par la vertu de sa nomos, les rend égaux » (Hannah Arendt, Essai sur la Révolution, p.40) 2 Arendt, op. cité, p.39 3 économique), ils sont ne sont plus ni libres ni égaux. Pas d’égalité-liberté politique sans polis, sans « participation aux affaires publiques, sans admission dans le domaine politique »3. Distinguer avec H. Arendt liberté (la liberté politique : participer aux affaires publiques) et libération (face à l’oppression, la liberté politique : garantir les droits fondamentaux des personnes et la liberté sociale : égalisation des conditions de vie et recherche du bonheur privé). - Si l’isonomie est première, le choix de la forme de gouvernement est second. D’ailleurs le terme de démocratie désigne au contraire le règne de la majorité, le contraire de l’isonomie (terme utilisé justement par les opposants à la démocratie, à l’exercice du pouvoir par le peuple, cf. Platon). On pourra tout de même argumenter en faveur de la démocratie comme suit : dans la mesure où les hommes sont égaux en droit de parole et de participation aux affaires communes, n’est-il pas légitime qu’en un sens ou en un autre, ils gouvernent tous, ils exercent tous le pouvoir de faire la loi et de commander (a contrario : si certains possèdent et exercent le pouvoir, ne sera-ce pas au détriment des autres et donc en contradiction avec le principe de l’isonomie ? - Démocratie directe ou démocratie représentative ? On dit souvent à propos des Athéniens : démocratie directe au sens où ce serait le démos qui aurait gouverné. La réalité était plus compliquée : certes, l’assemblée, l’Ekklèsia, était en effet composée des citoyens de la cité qui se réunissait sur la colline du Pnyx tous les 10 jours pour discuter, délibérer, décider (en fait : 6000 citoyens environ, nombre minimum requis, sur 30000 à 40000 citoyens (sur une population totale de 200 à 250000 personnes, dans le cadre d’un système de rotation des fonctions) : proposer des lois uploads/Politique/ valeurs-de-la-democratie-et-valeurs-de-la-republique.pdf
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- Publié le Dec 02, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
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