Séance 3 : L’unité du pouvoir réglementaire Séance 3 L’unité du pouvoir régleme

Séance 3 : L’unité du pouvoir réglementaire Séance 3 L’unité du pouvoir réglementaire Accroche Définition du sujet Intérêt du sujet Problématique Idée générale Annonce de plan Chapeau Pour Bertrand Faure, « l’unité, la centralisation du pouvoir réglementaire tiennent d’une fiction doctrinale » (B. FAURE, « La crise du pouvoir réglementaire : entre ordre juridique et pluralisme institutionnel », AJDA, 1998, p. 547). Par ces mots, Monsieur Faure critique la présentation traditionnelle qui est faite du pouvoir réglementaire et qui tend à le présenter comme étant un pouvoir unique, exclusivement détenu et exercé par le chef du pouvoir exécutif. Pour l’auteur, l’unité du pouvoir réglementaire est surtout théorique et ne résiste pas à son étude concrète ; c’est cette unité qu’il s’agit ici d’étudier. Le pouvoir réglementaire est le pouvoir qu’a l’Administration d’édicter des règles générales et impersonnelles qui s’imposent aux administrés. Par l’exercice de son pouvoir réglementaire, l’Administration édicte des règlements. Les règlements sont des actes qui, du point de vue « matériel » (c’est-à-dire du point de vue de leur contenu), ne diffèrent pas des lois. Autrement dit, comme les lois, les règlements contiennent des normes impératives, générales, et impersonnelles. Néanmoins, les règlements diffèrent des lois du point de vue « organique », c’est-à-dire qu’ils n’émanent pas des mêmes organes. C’est le fait que les règlements sont des actes administratifs qui permet de les distinguer des lois. En effet, ils ne sont pas édictés par le législateur mais par les titulaires du pouvoir réglementaire. Originellement, le pouvoir réglementaire présente une unité : c’est un pouvoir d’exécution des lois détenu par le pouvoir exécutif. En ce sens, le pouvoir réglementaire est un moyen pratique permettant de mettre en œuvre les lois, de les préciser et de les concrétiser. Pour garantir la supériorité de la loi, expression de la volonté générale, le pouvoir réglementaire doit nécessairement avoir une place subordonnée et limitée, centralisée autour d’une seule autorité : la tête du pouvoir exécutif. Cette présentation du pouvoir réglementaire est une présentation d’ordre théorique et quasi- constitutionnel. En pratique, le pouvoir réglementaire a connu de nombreuses « crises » qui contredisent cette présentation. En effet, dès le début du XXème siècle, des pouvoirs règlementaires d’autre type que le pouvoir d’exécution des lois ont été reconnus. Plus encore, la Constitution de la Vème République a profondément rénové la théorie du pouvoir réglementaire, en reconnaissant à côté du pouvoir d’exécution des lois un réel pouvoir réglementaire autonome (article 37). Depuis 1958, de nombreuses nouvelles manifestations du pouvoir réglementaires ont contribué à le diversifier davantage. Aussi existe-t-il encore une unité du pouvoir réglementaire ? L’étude des manifestations du pouvoir réglementaire en droit français démontre qu’il existe malgré tout une unité du pouvoir réglementaire. Il est indéniable que l’exercice du pouvoir réglementaire s’est considérablement diversifié (I). Ainsi, il est aujourd’hui impossible de s’en tenir à la conception du pouvoir réglementaire, c’est- à-dire à la conception d’un pouvoir d’exécution des lois détenu par le chef de l’exécutif. Toutefois, cela ne signe pas la mort de l’unité du pouvoir réglementaire ; son unité persiste (II). En somme, le pouvoir réglementaire est un seul pouvoir qui s’exerce de manière certes variable mais au sein d’une organisation administrative dont l’unité est garantie par sa hiérarchisation et son contrôle. I. LA DIVERSIFICATION DE L’EXERCICE DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE Séance 3 : L’unité du pouvoir réglementaire Petite transition L’exercice du pouvoir réglementaire par l’Administration le présente comme un pouvoir très diversifié. En effet, non seulement ce pouvoir est exercé par une grande diversité d’autorités (A), mais il fait aussi l’objet une multiplicité d’usages (B). A. UN POUVOIR EXERCÉ PAR UNE DIVERSITÉ D’AUTORITÉS Le texte constitutionnel laisse transparaître une certaine unité des autorités investies du pouvoir réglementaire. Toutefois, en pratique, ces autorités sont multiples. En principe, le pouvoir réglementaire n’est assuré que par le chef de l’exécutif. En France, c’est le Premier Ministre qui, en tant que chef du gouvernement, détient le pouvoir réglementaire. C’est ce qui ressort de l’article 21 de la Constitution, qui dispose que le Premier ministre : « exerce le pouvoir réglementaire ». Il y a donc une unité constitutionnelle du pouvoir réglementaire, qui n’est supposé être exercé que par une autorité. Toutefois, même au rang constitutionnel, le pouvoir réglementaire est exercé par deux autorités, car la Constitution de 1958 instaure une concurrence de l’exercice du pouvoir réglementaire entre le Premier Ministre, détenteur par principe, et le Président de la République. En effet, si l’article 21 de la Constitution octroie le pouvoir réglementaire au Premier Ministre, c’est « sous réserve des dispositions de l’article 13 », et l’article 13 de la Constitution dispose que : « Le Président de la République signe les ordonnances et les décrets délibérés en Conseil des ministres ». De la lecture combinée de ces deux articles ressort le principe suivant : le Premier ministre est par principe titulaire du pouvoir réglementaire, sauf lorsqu’il s’agit d’un décret pris en Conseil des Ministres, auquel cas il s’agit du Président de la République. La pratique institutionnelle de la Vème République veut que les questions les plus importantes soient délibérées en Conseil des Ministres. Ainsi, les décrets les plus importants sont pris par le Président de la République, ce qui revient à lui reconnaître une primauté dans l’exercice du pouvoir réglementaire, primauté d’ailleurs reconnue par la jurisprudence (CE, 1992, Meyet ). En somme, même au rang constitutionnel, où le pouvoir réglementaire n’est supposé être exercé que par le chef de l’exécutif, l’exercice du pouvoir réglementaire est en réalité dual. Par-delà la dualité des autorités habilitées par la Constitution à l’exercer, le pouvoir réglementaire est aussi exercé par un grand nombre d’autres autorités dites « secondaires ». Ainsi, bien qu’ils ne disposent pas d’un pouvoir réglementaire général (CE, 1969, Société Distilleries Brabant), les ministres peuvent exceptionnellement exercer un pouvoir réglementaire soit sur habilitation du Premier Ministre (l’article 21 de la Constitution dispose en effet que le Premier Ministre peut « déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres »), soit sur habilitation législative, soit encore en leur qualité de chefs de service (CE, 1936, Jamart ). De plus, les collectivités territoriales disposent elles aussi d’un pouvoir réglementaire, puisque l’article 72 de la Constitution dispose que : « dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences ». Les autorités administratives indépendantes peuvent elles aussi, en vertu d’une loi, disposer d’un pouvoir réglementaire. Ainsi, la Commission nationale de la communication et des libertés (CC, 88-217 DC, 1986, Loi relative à la liberté de communication) ou le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CC, 88-248 DC, 1989, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) disposent d’un pouvoir réglementaire leur permettant de mettre en œuvre des lois. Enfin, les chefs de service peuvent disposer d’un pouvoir réglementaire leur permettant de prendre des mesures générales d’organisation du service (CE, 1936, Jamart ). Ce pouvoir est reconnu à tous les chefs de service, quand bien même il s’agirait des organes dirigeants d’organismes de droit privé en charge de la bonne conduite d’un service public (CE, 2013, Fédération CFTC de l'agriculture et Fédération générale des travailleurs de l'agriculture, de l'alimentation, des tabacs et des services annexes). Séance 3 : L’unité du pouvoir réglementaire En somme, bien que les dispositions de la Constitution « confèrent au Premier ministre, sous réserve des pouvoirs reconnus au Président de la République, l'exercice du pouvoir réglementaire à l'échelon national » (CC, 1986, décision précitée), ce qui garantit une certaine unité des titulaires de ce pouvoir, l’exercice pratique des compétences réglementaires est en réalité entre les mains d’une grande variété d’autorités. Du point de vue organique, le pouvoir réglementaire est donc diversifié. Il en va de même du point de vue fonctionnel. B. UN POUVOIR ASSURANT UNE DIVERSITÉ DE FONCTIONS Le pouvoir réglementaire remplit originellement une unique fonction qui est celle d’exécuter la loi. Toutefois, en pratique, le pouvoir d’édicter des normes générales et impersonnelles n’est pas exercé uniquement dans cette fonction. Le pouvoir réglementaire est originellement et avant tout le pouvoir d’exécution des lois. En d’autres termes, le pouvoir réglementaire est supposé intervenir pour déterminer les conditions d’application de la loi, pour définir les procédures permettant de la mettre en œuvre, pour la préciser, pour l’expliciter ou encore pour concilier son application avec celle d’autres normes. C’est cette fonction d’exécution des lois du pouvoir réglementaire qui est visée par l’article 21 de la Constitution. L’exercice du pouvoir réglementaire dans un but d’exécution des lois peut même devenir un devoir pour les autorités titulaires du pouvoir puisque la jurisprudence a dégagé une obligation pour le Premier Ministre de prendre des décrets d’application des lois dans un délai raisonnable (CE, 2000, Association France Nature Environnement ). En cas de méconnaissance de cette obligation, le gouvernement en charge de l’édiction d’un décret d’application commet un excès de pouvoir (CE, 1962, Kevers Pascalis ) et peut engager sa responsabilité pour faute (CE, 1964, Dame Veuve Renard ). Si l’exécution des lois reste la uploads/Politique/corrige-seance-3-lunite-du-pouvoir-reglementaire.pdf

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