Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences rel
Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses Résumé des conférences et travaux 117 | 2010 2008-2009 Les religions de l’Amérique précolombienne Le symbolique et le sacré. Théories de la religion Camille Tarot Édition électronique URL : https://journals.openedition.org/asr/761 DOI : 10.4000/asr.761 ISSN : 1969-6329 Éditeur Publications de l’École Pratique des Hautes Études Édition imprimée Date de publication : 1 octobre 2010 Pagination : 11-13 ISBN : 978-2-909036-37-3 ISSN : 0183-7478 Référence électronique Camille Tarot, « Le symbolique et le sacré. Théories de la religion », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses [En ligne], 117 | 2010, mis en ligne le 04 janvier 2011, consulté le 06 juillet 2021. URL : http://journals.openedition.org/asr/761 ; DOI : https://doi.org/ 10.4000/asr.761 Tous droits réservés : EPHE Annuaire EPHE, Sciences religieuses, t. 117 (2008-2009) Chaire : Religions de l’Amérique précolombienne Conférences de M. Camille Tarot Chargé de conférences Le symbolique et le sacré. Théories de la religion À l’invitation de Danièle Dehouve et à la suite de sa conférence, en six rencontres de deux heures une semaine sur deux, Camille Tarot a eu la chance de présenter et de proposer à la discussion la méthode et les résultats de son ouvrage : Le symbolique et le sacré. Théories de la religion (La Découverte, 2008). Le but était d’offrir à un public en général très spécialisé dans une aire culturelle ou une époque quelques éléments de bilan sur les points actuellement les plus controversés parmi les sociologues et les anthropologues qui s’intéressent aux phénomènes religieux. Comme on peut s’y attendre, ce sont les notions les plus communes, les plus larges, mais aussi les plus employées, qui sont les plus obscures : religion, sacré, rite, mythe, signes et symboles, etc. La première rencontre a présenté la méthode du livre : une lecture séparée puis comparée de huit auteurs français, supposés parmi les plus importants qui, dans le court xxe siècle (entre 1912 et 1985), ont refondé ou renouvelé le débat sur les phénomènes religieux : Émile Durkheim, Marcel Mauss, Mircea Eliade, Georges Dumézil, Claude Lévi-Strauss, René Girard, Pierre Bourdieu et Marcel Gauchet. L’idée est de comparer les comparatistes par une méthode de confrontation de chaque auteur avec tous les autres, où chaque théorie, après avoir été exposée pour elle-même, doit être contrainte de jouer avec ses rivales, comme dans un tournoi, afin de mieux comprendre les débats qui ont explicitement eu lieu, mais aussi de suppléer aux débats qui n’ont pas eu lieu, qui ont été esquivés, et de jauger l’importance des problèmes récurrents ou dont l’oubli fait obstacle à la recherche. Cette confrontation montre que les débats sur la définition de la religion dans l’espace francophone au xxe siècle se ramènent à penser les rapports du sacré et du symbolique. Ces deux termes, d’ailleurs grandement impulsés sur le marché de la recherche par Durkheim et Mauss, ne sont pas à prendre comme des concepts définis, mais au contraire comme des notions, puisqu’ils désignent le champ immense de multiples nœuds de problèmes. Mais leur combinaison forme un quadrant de quatre positions théoriquement pures qui sont d’ailleurs effectivement représentées : ceux qui comme Durkheim et Mauss pensent que pour comprendre le religieux il faut faire intervenir le sacré et les faits de symbolisation ; ceux qui comme Lévi-Strauss tentent une théorie intégrale de Résumés des conférences 12 la culture à partir du seul symbolique en excluant le sacré et en grande partie le religieux (et le rituel, mais non le mythe) ; la réaction de R. Girard qui tente de dériver toute la culture et même la structure sociale du sacré et de ce qu’il cache, la régulation de la violence ; ceux enfin qui, comme M. Gauchet pensent qu’on peut faire une théorie (politique) de la religion sans avoir à se servir du sacré et du symbolique, sans donc entrer à l’intérieur du phénomène religieux. La première séance s’est terminée sur l’exposé résumé de la théorie du sacré dans l’œuvre de Durkheim, réellement instauratrice du débat et à laquelle on n’a cessé de se reporter par la suite, pour la soutenir ou la clouer au pilori, car la thèse durkheimienne comporte deux arêtes majeures toujours aussi âpre- ment contestées : que le sacré est d’origine sociale, et que la religion fut la première des institutions. La deuxième séance consacrée aux opposants à cette théorie sociétiste montra leurs raisons diamétralement inverses, dans le cas d’un Eliade, par exemple, que tout oppose à Lévi-Strauss. L’Introduction à l’œuvre de Marcel Mauss et tout autant la contribution trop oubliée de Lévi-Strauss, « La sociologie française », dans Georges Gurvitch, Les études sociologiques dans les différents pays (PUF, 1947), ont servi a montrer comment la lecture lévi-straussienne de Mauss l’a totalement séparé sinon opposé à son oncle et a permis un processus d’ablation des phénomènes religieux dont on voit les effets dans La Pensée sauvage et surtout dans Le totémisme aujourd’hui. Ce contexte permet de comprendre la réaction de René Girard dans son ouvrage de 1972 qui réintroduit la notion de bouc émissaire, oubliée sinon occultée depuis Frazer, et qui renoue avec la théorie sociogénétique du sacré de Durkheim. Les deux séances suivantes ont été consacrées aux problèmes du symbole et du symbolique, domaine complexe à la jonction de l’histoire des religions depuis les romantiques allemands (la Symbolik de Creuzer), de la philosophie (néo- kantienne d’Ernst Cassirer, inventeur du mot de symbolique), de la linguistique structurale qui a cherché à distinguer le signe et le symbole, de l’ethnologie, comme on le voit dans les théorisations des durkheimiens qui ont fait une grande place au symbole, pour ne pas entrer dans la psychanalyse lacanienne qui a fait écho à la théorie structuraliste du symbolique, comme théorie du « renvoi », où la valeur des signes ne se tient que de leur écart différentiel avec leurs semblables. Après l’histoire des mots clefs, on est revenu à la magistrale interprétation lévi-straussienne du texte de Mauss sur la magie, qui a l’avantage de montrer la fécondité de la conception structuraliste du symbolique, mais aussi sa capacité à expulser le religieux et la structure sociale au profit de la seule culture, comme l’a montré la fin de l’exposé, consacrée à la forte critique adressée par Vincent Descombes au « logocentrisme » du structuralisme de Lévi-Strauss, où il a vu une tentative de renouveler la théorie du contrat social. La séance suivante a repris la lecture de Mauss par Lévi-Strauss, sa stratégie d’appropriation du neveu et de refoulement de l’oncle, déclaré pré-scientifique, pour éclairer le dossier de la genèse du structuralisme et montrer comment s’y est produite une substitution de paternité qui masque son origine sociologique inavouée (François Héran), par un appel emphatique à la « révolution structurale » 13 Camille Tarot en linguistique. L’exclu de ce procédé n’est pas seulement la notion de religion, mais tout autant celle de sacrifice. La suite de la séance a tourné autour de la « guerre du sacrifice » rouverte par les hypothèses de Girard et les violentes critiques qui leur ont répondu. Les deux dernières séances ont montré l’analogie des conflits et des postures entre les mêmes protagonistes à propos du don. Après avoir retracé la longue genèse de l’Essai sur le don dans l’œuvre de Mauss et souligné l’importance et la nouveauté de sa problématique, on s’est attaché à montrer les logiques qui opposent les grandes familles de réponses apportées à la question des rapports du don et du sacrifice, entre ceux qui pensent pouvoir déduire l’institution sacrificielle des pratiques de don (Maurice Godelier, Alain Caillé) et ceux qui pensent qu’elle en est a priori indépendante, même si, dans la pratique, elle n’a pas cessé de se recombiner avec lui. La conclusion a souligné que l’enjeu de ces débats porte sur l’existence de dons empoisonnés, véhicules d’une négativité dont il faut se défaire et qu’on peut mettre en rapport, même si c’est sous une forme atténuée, avec les pratiques de bouc émissaire, qu’éclairent aussi certaines pratiques sorcellaires, comme celles du Bocage analysées par Jeanne Favret-Saada. Ce qui oblige à repenser le sacré, le sacrifice et le don, comme le symbolique, dans les termes d’opérations de conjonction et de disjonction non réductibles à des opérations purement intellectuelles, parce qu’elles canalisent des forces conflictuelles opératrices d’identités sociales. uploads/Religion/ asr-761.pdf
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- Publié le Jul 19, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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