« Humanisme et Théologie », saint Thomas d’Aquin par le professeur Werner Jäege
« Humanisme et Théologie », saint Thomas d’Aquin par le professeur Werner Jäeger L’hellénisme germanique contemporain est le plus grand. « Humanisme et Théologie » du professeur Werner Jäeger est un livret qui retranscrit une conférence qui a été donnée à l’Aristotelian Society aux États-Unis, laquelle fêtait alors saint Thomas d’Aquin aux alentours du 7 mars 1943. L’auteur fut un helléniste allemand abouti, agissant au cours du XXe siècle. Il est « catholique d’éducation » seulement notamment par le collège qui l’a formé ; et vis-à-vis du régime national-socialiste allemand il n’a été ni franchement hostile, ni un soutien assidu. Ces passages sont une mine d’or, car tout y est : humanisme concret et « thomiste » contre celui abstrait dit philanthropique (école de rhétorique, franc-maçonerie, relativisme moderne) ; tout en vantant l’humanisme classique (gréco-romain, humanitas) avec celui moderne (italien d’origine, allemand d’excellence). Mots clés : saint Thomas d’Aquin, Dante Alighieri, Virgile, écoles présocratiques et socratiques, nature humaine ou sophisme, Renaissance italienne ; culture, histoire, philosophie, théologie, etc. 1. Distinctions/points communs entre le théocentrisme thomiste/médiéval et l’humanisme dit « renaissant » : « Le problème des rapports de l’humanisme et de la théologie s’est spontanément présenté à mon esprit lorsque l’Aristotelian Society me demanda de donner cette année l’Aquinas Lecture (…). Il va sans dire que ce n’est pas la première fois dans ma vie d’étude que j’aborde saint Thomas, le disciple chrétien d’Aristote, et je dois avouer que j’éprouve une admiration pour ce maître inégalé de la pensée chrétienne médiévale. (…) [le but premier est d’élucider] le problème de la vision théocentrique du monde proposé par saint Thomas et de ses rapports avec l’idéal grec de la culture et de la tradition classique, base fondamentale de tout humanisme [Partant, cette différenciation entre théologie chrétienne et éducation culturelle chez les Grecs (Paideia) et chez les Romains (Las Humanitas)]. [Les études d’Erasme] ont montré le caractère à la fois chrétien et antischolastique des débuts de l’humanisme. (…) Bien qu’il y eût un grand nombre de païens parmi les poètes-humanistes de la Renaissance. [L’humanisme Italien qui est à l’origine de l’humanisme moderne baignait dans le christianisme et s’en retrouvait généralement imprégné malgré le conflit interne au sein de l’Église militante, en dehors des cas professant le paganisme]. « Ils [les humanistes du XVe siècle] seraient bien étonnés de constater combien « médiévaux » ils nous paraissent quelques fois aujourd’hui et combien le moyen-âge nous semble moderne. » [Affirmation très vraie que l’on n’a pu constater que rétrospectivement, et le terme dépréciatif « medio evo » fut inventé par les « renaissants » qui étaient partisans de la culture classique. Cela dit, il y a quelque chose qui tient de la « renaissance » durant la période médiévale du XIIIe siècle comme nous allons le voir]. « Je voudrais essayer d’esquisser le tableau qui permettrait de situer l’humanisme par rapport à la tradition médiévale et à la théologie. [Jäger différencie deux humanismes entre celui théocentrique de saint Thomas et celui historique, Florentin]. « Par l’expression « vision théocentrique du monde », j’entends cette idée commune à tous les théologiens du moyen âge et à l’ensemble des fidèles chrétiens, selon laquelle tous les éléments de la vie humaine et plus généralement tous les aspects de la réalité sont envisagés en référence à Dieu en tant qu’il est la règle absolue de perfection et le principe suprême de l’être. ». « L’idée de théologie signifiait à l’origine toute façon de poser rationnellement le problème de Dieu. Les philosophes chrétiens ont pris l’habitude d’appeler cette théologie « philosophie première » au sens d’Aristote, ou théologie « naturelle » par opposition à la théologie supra- naturelle. Pourtant si la théologie chrétienne culmine en théologie révélée ou supra-naturelle, elle n’exclut d’aucune manière la théologie rationnelle ou naturelle des philosophes antiques. C’est un fait que les théologiens ont pris sur ce problème des positions extrêmement variées, mais ce qui caractérise la théologie de saint Thomas, c’est l’accent très marqué qu’il a mis volontairement sur l’aspect rationnel du travail théologique, aspect qui se trouvait, juste au même moment, éclairé d’une façon surprenante par la découverte des principales œuvres d’Aristote jusqu’alors restées inconnues des nations occidentales du monde médiéval. (…) Il est vrai que saint Thomas distinguait fermement la philosophie au sens grec du mot et la théologie comme révélation chrétienne. Mais cela ne l’a pas empêché d’utiliser à plein poumon cet allié inattendu qui arrivait du camp des anciens philosophes grecs. Le « nouvel Aristote » offrait au monde étonné le spectacle d’une théologie élaborée par le moyen de la seule raison, d’une admirable cohérence logique et d’une puissance architectectonique considérable. » [Le nom du ≅ courant donné par les Grecs est celui de Théogonie, il remonte à Xenophane ( -570/-475) qui déjà osa penser le « Dieu unique » des philosophes rationnels, une idée qui sera reprise et développée par Aristote sur le principe du « Premier moteur » des choses (l’Essence des êtres, le principe de Causalité, etc), mettant ainsi à mal la mythologie polythéiste en faveur du monothéisme]. « Pour saint Thomas d’Aquin, le christianisme et la philosophie ne s’excluaient nullement. » « Le cas de la Métaphysique d’Aristote démontrait par l’exemple que ce désir inée de savoir, quand il s’exprimait correctement dans une tête bien faite, aboutissait en fin de compte à la connaissance de Dieu comme le degré suprême de réalité et de perfection. Ceci explique pourquoi Dieu a créé la nature humaine en la dotant du désir de savoir, car une connaissance vraie devait ramener l’homme vers lui. (…) Avec Aristote, saint Thomas enseigne que tout être tend naturellement vers la forme. » « Ce concept aristotélicien de l’homme comme étant raisonnable ne fait pas seulement sentir son influence dans l’attitude de saint Thomas en métaphysique. Il la considérait, nous l’avons dit, comme une branche des études théologiques distincte de la théologie sacrée. » [Et avec ça l’Église voit dans la « théologie naturelle » une étape menant aux saints Évangiles ; en ajoutant que ces enseignements doivent prédominer dans nos vies)]. « Le point de départ de tout humanisme doit être cherché dans sa manière propre de concevoir la nature humaine. Ce concept est un héritage des Grecs que saint Thomas et l’humanisme ont en commun. D’autre part, saint Thomas et l’humanisme ont encore en commun cette façon d’appréhender rationnellement le réel et même la réalité de Dieu ; ceci aussi est un héritage des Grecs. La nature humaine et la raison sont les colonnes de la culture grecque. Toutes deux sont devenues des concepts fondamentaux pour saint Thomas à travers Aristote. Par conséquent, nous devons dire au moins qu’il existe chez saint Thomas un élément important d’humanisme : non seulement en effet il est héritier de la tradition classique qui a exercé une influence profonde sur lui, mais aussi, en un sens particulier, sa pensée est un effort pour mettre en œuvre méthodiquement la raison, car il a fait sien le concept classique de la nature humaine comme nature d’un être vivant doué de raison. » [Jäeger pense pouvoir intégrer en partie saint Thomas dans l’humanisme historique et « renaissant » par sa conception aristotélicienne – ou rationalisante – de l’homme contre tout fidéisme]. La « renaissance » de l’humanisme au XIIIe siècle (Thomas d’Aquin et Dante) : « Le mot « humanisme » lui-même n’est pas bien vieux. Il a été forgé par les historiens du XIXe siècle qui étudiaient les « Humanistes » des XVe et XVIe siècles. Ceux-ci devaient leur nom au fait que l’objet de leurs efforts avait été de donner une nouvelle vie à la littérature et à la culture de la Grèce et de Rome que l’on venait de redécouvrir et qui tournaient autour d’un idéal pouvant s’exprimait d’un seul mot : humanitas. L’idée elle-même venait de l’une des plus hautes autorités de l’antiquité en matière culturelle, Cicéron. » [Ainsi, relève donc de l’humanisme classique tout ce qui réactive le monde gréco-romain en général]. « Cicéron attribue à l’esprit grec une influence « humanisante » : il aide l’homme à découvrir son vrai moi et à former ainsi sa personnalité. » [C’est que les Romains en assimilant l’hellénisme mettront de côté tout ce qui est proprement « grec », et le dépouillant ainsi de toute particularité, ils ont pu pour mieux l’élever au rang de l’universalité. Le but ici est de former et d’améliorer en bien chaque être humain]. « Lorsque les savants du XVe siècle eurent redécouvert nombre d’auteurs anciens, grecs et latins, inconnus du moyen âge, à travers leur enthousiasme pour ces grands auteurs anciens, ils firent l’expérience dans leur propre vie intellectuelle de cet effet de Dante sur leur culture personnelle, que Cicéron avait reconnu dans l’humanitas grecque. C’est pourquoi, dans les œuvres de cette période qui marque pour nous l’aurore de la civilisation moderne, nous trouvons tant de références au concept cicéronien d’humanitas. (…) Les Humanistes ont essayé de dire comment ils entendaient se situer par rapport aux anciens. Ils reprirent le uploads/Religion/ jaeger.pdf
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- Publié le Fev 24, 2022
- Catégorie Religion
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