- 1 - LA LETTRE DE LA CHANCELLERIE ET DU BUREAU DES MARIAGES Archevêché de Sens
- 1 - LA LETTRE DE LA CHANCELLERIE ET DU BUREAU DES MARIAGES Archevêché de Sens & Auxerre – CS 287 – F-89005 AUXERRE CEDEX Abonnements (version numérique seulement) : chancelierdioc.sensauxerre@gmail.com PARUTION IRRÉGULIÈRE N° 2019-20 009 / avril 2020 ONCTION DES MALADES ET MISÉRICORDE DE DIEU C’est en raison de la crise sanitaire actuelle, que nous proposons aujourd’hui une Lettre, non pré- vue dans la planification initiale, sur le thème de l’onction des malades. Il n’est pas possible ces temps-ci de conférer le sacrement. Mais la situation que nous vivons sus- cite des questions ; d’où, sans prétention d’ex- haustivité, les quelques repères qui suivent, en quatre sections : onction des malades et finitude humaine (I) ; fondements bibliques et théolo- giques de l’onction des malades (II) ; miséricorde divine et sacrement (III) ; célébration du sacre- ment (IV). I.- Onction des malades et finitude humaine « L’onction des malades est un peu le parent pauvre des sacrements. On en parle peu1 ». Et « il a fallu beaucoup de temps pour que l’onction des malades soit reconnue comme un sacre- ment2. » Mais étonnamment, aussi « parent pauvre » qu’elle soit, l’onction des malades est sans doute celui des sept sacrements qui se rap- porte le plus directement à des questions existen- tielles de vie et de mort : maladie, horizon d’une mort plus ou moins prochaine, imminente ou res- sentie telle, angoisses et doutes… L’onction des malades nous renvoie à notre finitude. Dans la majorité des cas, les moments de la vie durant lesquels l’onction des malades et deman- dée, encore fréquemment en termes de « der- niers sacrements » ou d’« extrême onction », 1 Bernard SESBOÜÉ, Invitation à croire. Des sacrements crédibles et désirables, Paris, Cerf, 2009, p. 213. 2 Jean-Claude SAGNE, Les sacrements de la miséricorde, Paris, Médiaspaul, 2008, p. 150. 3 Il existe, en français, un rituel unique (Sacrements pour les malades. Pastorale et célébrations, Paris, Chalet- Tardy, 1977, 128 p.) dans lequel est proposé, pour les cas de nécessité, un déroulement de célébration unique contenant le sacrement du pardon, l’onction des malades et la communion portée en viatique (p. 72-79). 4 Dans l’état actuel de nos connaissances ! 5 Il est remarquable que dans le discours dit du jugement dernier (Matthieu 25, 31-46) la situation du prisonnier et celle du malade soient directement liées, en ce sens qu’elles possèdent en commun d’en appeler à la visite du frère. sont des temps forts de l’existence, et bien sou- vent des situations de fin de vie. Des moments cruciaux, non seulement pour ce qui est de la vie elle-même biologiquement parlant, mais aussi de sa dimension spirituelle, du sens ultime que l’on peut encore percevoir ou donner à sa vie dans la perspective d’une mort annoncée. Pour cette rai- son, il est assez fréquent que lorsqu’une per- sonne demande l’onction des malades, elle de- mande aussi, simultanément, l’absolution de ses péchés et la communion eucharistique qu’on lui portera en viatique3. Toute créature est appelée à mourir un jour et, exception faite des morts brutales, passe dans de nombreux cas par l’expérience d’une maladie plus ou moins grave qui durera quelques temps. La différence entre l’être humain et les autres créatures4, c’est que l’homme en a conscience et que la maladie et l’idée de mort lui font souvent peur. C’est une source d’angoisse, qui mine l’existence humaine et peut même altérer le dis- cernement, que la maladie soit physique ou psy- chique. Mortelle ou non, la maladie fragilise l’être humain et le place dans une position de dépen- dance. Le malade est non seulement atteint dans sa santé, mais il est, dans bien des cas, privé de sa liberté5, laquelle étant, pour les chrétiens, don de Dieu. Jusqu’à la moitié du vingtième siècle, dans notre société, la maladie et la mort faisaient partie, pour ainsi dire, de la vie quotidienne : les gens tom- baient malades chez eux. Certains, bien sûr, mouraient dans des hospices, déjà au Moyen Âge. Mais le phénomène n’était pas aussi massif - 2 - qu’aujourd’hui en Occident6. La plupart guéris- saient ou mouraient à domicile, de sorte que le passage à la mort était vécu non seulement par le mourant lui-même, mais aussi par ses proches, eux-mêmes acteurs dans l’événement. On assis- tait à la mort au milieu des repères habituels. La mort biologique n’était pas une mort sociale. Puis, pour les pays du Nord, avec l’évolution croissante de la médecine et son corollaire l’allongement de la durée de l’espérance de vie, beaucoup de ma- lades sont conduits dans des établissement hos- pitaliers, univers éventuellement déroutant, sans les repères habituels, au milieu des appareils et instruments de contrôle, entourés d’un personnel spécialisé qui fait tout son possible pour conduire les patients quels qu’ils soient à la guérison et ac- compagner les mourants d’une attention soute- nue. C’est un défi pour le personnel soignant lui- même, qui n’avait pas partagé le quotidien du malade avant l’arrivée de celui-ci dans l’établis- sement : le cadre est nouveau pour le patient, et le patient est nouveau pour les soignants. La ma- ladie s’est déplacée du domicile à l’hôpital. Et la mort aussi, si elle advient. Là où il y avait conti- nuité, il y a rupture. Dans les sociétés traditionnelles, la maladie ne pouvait être appréhendée qu’à partir du moment où elle se déclarait extérieurement (symptômes). Lorsqu’elle apparaissait irréversible, alors la seule « guérison » était paradoxalement le décès lui-même, qui revêtait bien moins le caractère tra- gique et anxiogène que nous éprouvons à notre époque. Il est inévitable que la pratique de l’onction des malades se ressente de ces évolutions : lorsque le curé de la paroisse (« l’homme en noir » comme disaient des anciens) franchissait le seuil du domicile familial, le mourant l’attendait, plus ou moins paisible, comme il attendait sa mort ; il sa- vait sa fin prochaine et savait aussi que l’homme en noir était l’homme de cette fin, à moins d’avoir perdu conscience. L’entourage savait aussi. Mais, rappelons-le, la mort pouvait être appré- hendée comme un remède à la maladie et à la souffrance. L’expression d’extrême onction ne re- vêtait pas la connotation tragique actuelle : ex- trême onction signifiait ultime onction. Le même 6 Il serait intéressant d’actualiser notre propos sur la base d’une étude comparative récente entre ce qui se passe à l’hôpital et ce qui se passe dans d’autres établissements, type Établissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD). 7 Cf. Saint PAUL VI, Constitution apostolique sur le sacrement de l’onction des malades, Rome, 30 novembre 1972. 8 Bernard SESBOÜÉ, op. cit., p. 222. 9 Ibid. 10 Jean-Claude SAGNE, op. cit., p. 145 ; notons que le sacrement des malades est conféré aussi dans une dy- namique de pardon des péchés, comme le dit la formule liturgique requise (RR 76). 11 Ibid., p. 146. 12 Cf. Concile Œcuménique Vatican II, Constitution sur la sainte liturgie (SC), 4 décembre 1963, n° 73. 13 Jean-Claude SAGNE, op. cit., p. 145. homme en noir, lorsqu’il franchit aujourd’hui la porte de la chambre d’hôpital, le malade étant seul le plus souvent, peut donner l’impression d’apporter lui-même la mort. De sorte que cer- taines personnes âgées à qui est proposé le sa- crement le refusent parfois, habitées par le senti- ment plus ou moins diffus que c’est le sacrement qui donne la mort... ce qui est pour le moins pa- radoxal d’un point de vue théologique. Dans ce contexte, le pape saint Paul VI7, avec le concile Vatican II, a préféré que l’on passe du vocabu- laire, vécu comme tragique, de l’extrême onction, à l’appellation d’onction des malades, élargissant par le fait les situations dans lesquelles il est op- portun de recourir au sacrement. La dramatique n’est plus tout à fait la même. Mais il faudra du temps pour intégrer ce recentrage. II.- Fondements bibliques et théologiques de l’onction des malades À propos de l’onction des malades, l’Église utilise le mot remède. L’onction est-elle un médica- ment ? Pour Bernard Sesboüé, il faut entendre cette terminologie dans un sens éminemment symbolique : traditionnellement, l’huile est utilisée « pour soigner les blessures8 », comme par exemple dans la parabole du bon samaritain, en Luc 10, 29-37. Le « remède » de l’huile signifie l’attente de guérison non pas d’une blessure en particulier, mais de « tout l’homme9 ». Pour Jean-Claude Sagne, « l’onction des ma- lades est […] un peu au sacrement de la réconci- liation ce que la confirmation est au baptême : un achèvement10 » ; de sorte que, « depuis le Moyen Âge, ce sacrement était devenu l’extrême onction11 ». Avant Vatican II, cet achèvement était davantage le terminus de la vie biologique que la récapitulation de l’ensemble d’une exis- tence à présenter en offrande au Seigneur (posi- tion de Vatican II12). Le concile opère un « recen- trage décisif13 » dans lequel l’onction des ma- lades concerne toujours la fin de vie, y compris au sens biologique du terme, mais en tant que cette fin de vie marque uploads/Religion/ la-lettre-2019-20-009.pdf
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- Publié le Oct 23, 2021
- Catégorie Religion
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