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http://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2006-2-page-215.htm Le chamanisme dans la culture hongroise par Mihály Hoppál Institut d’ethnologie Académie hongroise des sciences H-1014 Budapest Országház u. 30. hoppal.at.etnologia.mta.hu Raccourcis Résumé Plan de l'article Pour citer cet article Voir aussi Sur un sujet proche Ethnologie française 2006/2 (Vol. 36) Pages : 192 ISBN : 9782130554547 DOI : 10.3917/ethn.062.0215 Éditeur : Presses Universitaires de France À propos de cette revue Site internet ________________________________________ Alertes e-mail Veuillez indiquer votre adresse e-mail pour recevoir une alerte sur les parutions de cette revue. Voir un exemple S'inscrire ➜ ________________________________________ Article précédentPages 215 - 225Article suivant 1 C’est une tradition pour les chercheurs d’en arriver, au cours de leur étude des époques les plus anciennes de la civilisation hongroise, à discuter de cette question : quelle pouvait être la religion d’origine des Hongrois ? 2 Cette question, la Société Kisfaludy [1][1] La Société littéraire Kisfaludy fut créée en 1836,... l’a examinée dès 1846. Pour l’occasion, quelques ouvrages ont été écrits sur la religion d’origine des Hongrois, parmi lesquels la Mythologie hongroise d’Arnold Ipolyi [Ipolyi, 1854], où pour la première fois était restitué le système de croyances populaires hongrois. 3 Antal Csengery, en son temps, jugea erroné ce premier ouvrage tendant à l’exhaustion sur la mythologie hongroise, et pourtant lui donna raison sur un point : il invitait les chercheurs à consacrer une plus grande attention aux peuples où se rencontrait le chamanisme, car la religion d’origine des Hongrois ne pouvait pas remonter plus loin que le chamanisme. Citons-le : « […] la religion primitive de tous les peuples de l’Altaï était le culte de la nature, qu’à son stade élémentaire on appelle chamanisme. À l’origine, la religion primitive des Hongrois ne pouvait être autre chose » [Csengery, 1970 : 26]. 4 Bien entendu, ceci avait déjà été établi avant lui, par exemple quand János Horváth écrivait dans son étude intitulée Les Valeurs religieuses et morales des anciens Hongrois : « Sur la ferveur de nos aïeux ainsi que sur nos origines, les ténèbres des temps héroïques jettent un voile d’oubli. Dans des périodes assez paisibles, vis-à-vis des notions claires qu’ils se forgeaient de Dieu ; et dans des périodes plus agitées, il y avait en eux un sentiment de “reconnaissance” à l’égard des bienfaits, les mœurs étaient plus douces, et ils vénéraient Dieu avec plus d’empressement. En revanche, chez nos cousins de Bachkirie pendant l’ère glaciaire, la ferveur divine se refroidit, les cultes anciens évoluant en un chamanisme appauvri. En conséquence, les Assemblées, dans l’interprétation des rêves, dans l’explication des “visions”, se perdaient en conjectures étranges et en réponses douteuses ; les sacrifices n’étaient pas faits tant pour adorer Dieu, que pour apprendre certains rites destinés à susciter la crainte de l’avenir et des tours d’illusionniste ; et après les banquets on se livrait à tout coup à l’orgie » [Horváth, 1817 : 70-71]. La transe extatique : premier compte rendu 5 Un évêque de province devait en savoir relativement peu sur le chamanisme au début du XIXe siècle, car les voyageurs qui ont décrit le phénomène plus précisément et en détail ne devaient partir que plus tard sur les chemins de reconnaissance. Parmi eux, il est intéressant de noter qu’en 1648, le moine franciscain Márk Bandinus, dans la ville moldave de Bákó (aujourd’hui Bacau en Roumanie), son diocèse, relata son voyage et ses expériences faites sur place. C’est vraisemblablement le premier compte rendu sur la transe extatique des « sorciers » dans le milieu des Hongrois de Moldavie : « Autant sont honorés en Italie les savants à l’esprit sagace et à la vie sainte, presque autant le sont chez eux les sorciers. Il est permis à tous et honorable d’apprendre et de pratiquer le métier de sorcier et de guérisseur. Oh, combien de soupirs et de prières jaillis du fond du cœur ai-je adressés à Dieu ! En combien d’occasions ma patience fut-elle mise à l’épreuve, quand j’entendis raconter et vis plus d’une fois des pratiques magiques abominables ! Les fables rapportées par l’Antiquité sur les anciens devins, l’observation directe les révèle dans ces contrées. Ainsi, lorsque les sorciers veulent connaître l’avenir, ils s’assignent à eux- mêmes un certain endroit, ils restent debout quelque temps en marmottant, tournant la tête, faisant rouler leurs yeux, tordant leur bouche, plissant leur front et leur visage, changeant leur physionomie, projetant leurs mains et leurs pieds en tous sens, faisant trembler tout leur corps, jusqu’à ce qu’ils se jettent par terre, les bras écartés et les jambes allongées comme s’ils étaient mourants, et parfois ils gisent inanimés trois ou quatre heures d’affilée. Quand ils reviennent enfin à eux, ils offrent un spectacle affreux aux observateurs : d’abord, ils se hissent lentement sur leurs membres tremblants, puis comme s’ils étaient possédés par les démons de l’enfer, ils étirent tous leurs membres et extrémités de sorte qu’on croit qu’il ne reste plus le moindre osselet dans leurs articulations et jointures. Finalement, comme s’ils se réveillaient d’un rêve, ils exposent leurs songes comme étant l’avenir. Si quelqu’un tombe malade ou perd quelque objet, il a recours aux sorciers. Si quelqu’un sent que l’esprit de son ami ou protecteur se détourne de lui, il tente de regagner cet esprit par la sorcellerie. Et s’ils ont des ennemis, ils tiennent la sorcellerie pour le meilleur moyen de vengeance. Les faits et gestes des différents sorciers, guérisseurs, devins et charlatans ne peuvent pas tenir dans un volume » [Domokos, 1931]. 1 6 On cite rarement ces observations très détaillées, pourtant, on y trouve très certainement la description exacte d’une technique de la transe alors encore vivante, attestant bien dans le milieu hongrois, plus précisément des Hongrois de Moldavie, cette pratique vivace, quotidienne, de la divination et de la sorcellerie, qui reposait sur l’extase. 7 Si l’on continue à passer en revue l’histoire de la recherche, à partir du milieu duXIXe siècle de plus en plus de chercheurs se lancent dans l’étude du « berceau des ancêtres ». À ce sujet, nous devons rendre un vibrant hommage à l’œuvre de Sándor K?rösi Csoma, Antal Reguly, Bernát Munkácsi et János Jankó [Csoma de Körös, 1834 ; Reguly, Pápay, 1944 ; Munkácsi, 1892 ; Jankó, 1900]. Moins connus sont les noms de Bálint Gábor Szentkatolna et Benedek Baráthosi-Balogh, alors que dans les années dix ce dernier est allé trois fois sur les rives du fleuve Amour chez les Nanaïs, les Oltchas et les Oroks et y a recueilli de très précieux objets et textes chamaniques [Benedek Baráthosi-Balogh : 1927]. Aux origines du chamanisme : un précurseur 8 L’intérêt pour la recherche sur les croyances païennes des Hongrois, plus concrètement sur les vestiges du chamanisme, a désormais plus de deux siècles et ne se dément pas de nos jours. Cela se voit nettement dans les centaines d’articles et d’études consacrées à ce sujet jusqu’à ce que Vilmos Diószegi, en possession d’un matériel comparatif énorme, fasse le point sur les attaches sibériennes (ouraliennes et altaïques) de certaines représentations des croyances populaires hongroises [Diószegi, 1958, 1988]. Il est vrai qu’il a d’abord repéré chez les peuples de l’Altaï des parallèles chamanistiques avec la figure du chaman hongrois. Le résultat de ses investigations a établi que le chaman hongrois ressort de toute une série de traits du système de croyances ; il remonte à l’établissement des Hongrois dans le bassin des Carpates. Entre autres : « L’élection de l’aspirant chaman par la survenue d’une maladie, le sommeil prolongé et le dépeçage du corps, ou encore l’acquisition de connaissances au moyen de la quête d’os en surnombre, l’initiation au travers de l’escalade d’un arbre dont le faîte touche le ciel, tout dans les moindres détails nous évoque intégralement les représentations de l’aspirant chaman produites par les Hongrois s’établissant dans le bassin danubien. – Le tambourin à grelots tenu par le chaman, qui est sa monture, la coiffe de plumes de hibou et de bois de cerf, le “totem” à encoches ou à barreaux où figurent la lune et le soleil – tels sont les objets qui équipent les chamans du peuple hongrois à cette époque-là. Pendant la transe, dans la lutte sous une forme animale qui se produit alors et dans l’évocation des esprits par une interjection, se révèle aussi l’activité ancestrale du chaman » [Diószegi, op. cit. : 435]. 9 La méthode de Diószegi consistait à comparer systématiquement les représentations ayant trait au chaman (au vagabond et au sage) des croyances populaires hongroises avec l’ensemble des légendes des peuples voisins ou des environs (par exemple avec la figure du kreshnik et du nestinar chez les Slaves du Sud), et à rapprocher seulement ces croyances-là des représentations chamaniques populaires analogues qu’on ne trouvait que chez les Hongrois, loin à l’est. Ainsi, par exemple : « L’élection du chaman hongrois se déroule de façon semblable à celle des chamans vogouls, ostiaks, lapons, c’est-à-dire turco-altaïques, yakoutes, etc. La vocation de l’aspirant chaman est un ordre supérieur… il accueille son élection comme un grand poids, une fatalité inéluctable… au début il veut refuser la vocation qui lui est signifiée, mais finalement uploads/Religion/ le-chamanisme-dans-la-culture-hongroise.pdf

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  • Publié le Jan 28, 2021
  • Catégorie Religion
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