- 1 - L’INITIATION CHRÉTIENNE Réponse à M. Marco Pallis Comme nous l‟avons anno
- 1 - L’INITIATION CHRÉTIENNE Réponse à M. Marco Pallis Comme nous l‟avons annoncé par la « Note de la Réduction » qui présentait l‟article de M. Marco Pallis, « Le Voile du Temple » 1, nous apportons maintenant dans l‟examen rouvert ainsi notre avis personnel, lequel, avons-nous déclaré, est basé sur celui de René Guénon. Cependant, avant toute chose, nous devons à nos lecteurs une explication quant aux facteurs qui ont prévalu dans notre appréciation lorsque nous acceptâmes de publier un texte aussi “délicat” que celui que nous proposait M. Pallis, texte qui, par certains traits de style, nous l‟attestons, devait surprendre même des lecteurs qui inclinaient pourtant dans le sens de ses conclusions. M. Marco Pallis, auteur anglais 2, est de longue date ami et collaborateur des Etudes Traditionnelles. Il est donc un peu chez lui ici. En relations personnelles avec René Guénon, il a fait la traduction anglaise de l‟Introduction générale à l‘étude des doctrines hindoues 3, et, en outre, il a composé en tibétain une adaptation spéciale de la Crise du Monde moderne, qui englobait d‟ailleurs aussi l‟essentiel du Règne de la Quantité 4. Il est donc aussi un ami de Guénon et de son œuvre. Au sujet de l‟initiation, ainsi qu‟il le déclare lui- même 5, Guénon, en attirant par ses écrits son attention sur cette notion, lui a ouvert, comme à tant d‟autres, « des possibilités qui, sans lui, seraient presque certainement restées inaperçues ». Quant à la question de l‟initiation chrétienne, qui constitue le thème du présent débat, elle est une de celles qui l‟ont particulièrement intéressé, alors que, pour beaucoup de lecteurs des Etudes Traditionnelles, elle se présente même comme la plus importante dans l‟immédiat. On sait aussi, généralement, que, dans l‟esprit de certains, cette question était restée insuffisamment éclaircie, ou, encore, résolue plutôt dans un sens opposé à celui qui avait été indiqué par Guénon. M. Marco Pallis est un de ceux pour qui les années de recherches et d‟études traditionnelles ont renforcé cette dernière façon de voir. Cette question, qui avait commencé par être une difficulté d‟ordre pratique on même simplement documentaire, est devenue pour beaucoup une question doctrinale portant sur le principe même de l‟initiation dans le Christianisme. Si M. Marco Pallis avait été le seul parmi les écrivains de formation traditionnelle, à y voir une difficulté, nous n‟aurions, certes, pas eu de raison suffisante de publier son texte, malgré tout ce que nous venons de dire de son cas personnel, et nous aurions seulement envisagé de faire un compte-rendu critique de sa thèse lorsque nous en aurions retrouvé par ailleurs la soutenance. Par contre, la valeur indubitablement représentative de cette thèse, (point que nous avons énoncé de quelque façon dans notre « Note de la Rédaction »), non-obstant les éléments documentaires qui constituent l‟apport personnel de l‟auteur, nous engageait à une attitude différente. 1 Voir E.T. nos juillet à octobre 1964, p. 155. Le dit article a eu des ―suites‖ dans les nos de nov-déc. 1964 et mars-avril 1965. 2 Il a publié en 1939 Peaks and Lamas (en français Cimes et Lamas Albin Michel, 1955) et en 1960 The Way and the Mountain. 3 Parue en 1916 sous le titre Introduction to the study of Hindu doctrines. 4 Sortie en automne 1950 sous un titre signifiant Le Kâli-Yuga et ses dangers. Cf. Marco Pallis, « René Guénon et le Bouddhisme », E.T. nos de juillet à novembre 1951. 5 E.T. juillet-août et septembre-octobre 1964, p. 162. - 2 - En effet, l‟article de M. Pallis nous apparaissait beaucoup moins comme une construction doctrinale particulière que comme une sorte de “document” historique reflétant certaine tendance idéologique contemporaine, bien que, à vrai dire, il ne paraisse recouvrir exactement aucune autre opinion qui nous soit connue. Nous nous trouvions ainsi, plus précisément, devant le fait d‟un malentendu doctrinal de longue date qui reparaissait seulement sons une forme plus élaborée et d‟une manière un peu plus insistante. Or, la façon fort peu exacte et quelquefois inversée dont était rapporté et compris l‟enseignement de Guénon en la matière, nous semblait, après tout, elle-même significative, et pouvait expliquer, pour une part tout au moins, les complications qu‟on avait connues ; dans ces conditions d‟ailleurs, nous n‟avions pas à nous étonner de la façon dont on négligeait d‟autres données du débat qui venaient d‟auteurs moins importants. Toutefois, pour nous, et nous tenons à le dire, la sincérité de M. Pallis ne saurait être mise en doute. Le ton emporté qu‟il prend parfois, ainsi que les méprises et les lacunes qu‟on peut alors facilement lui imputer, montrent qu‟il est convaincu de ce qu‟il soutient et qu‟il ne se doute nullement de l‟injustice qu‟il est en train de commettre envers Guénon lui-même. Il y aurait ainsi donc en cause seulement une question de régularité méthodique, solidaire, bien entendu, d‟une question d‟ “optique” dans tous les sens du mot applicables ici. Son texte pouvant être après tout une excellente occasion de mise au point de cette question, pour le profit de tout le monde, nous avons estimé qu‟au lieu d‟avoir à l‟évoquer en le résumant d‟après quelqu‟autre revue ou l‟un des livres à venir de M. Marco Pallis, il convenait mieux de lui faire une place dans les Etudes Traditionnelles, publication dans laquelle avaient paru autrefois les textes de Guénon et d‟autres auteurs touchant le même sujet, et dans laquelle nous avions la conscience de pouvoir assurer un examen controversé les conditions d‟objectivité et de régularité requises en pareil cas 6. Il va de soi que nous accueillerons avec grand intérêt tout ce que M. Pallis jugera utile d‟ajouter à sa thèse ou contre la nôtre, et nous tenons à ce qu‟on sache aussi que cette discussion, malgré la différence des convictions au départ, est placée sous le signe de l‟amitié traditionnelle et de la collaboration intellectuelle. * * * Le sujet de l‘article sur le Voile du Temple est en vérité celui de l‘initiation chrétienne : en quoi consiste-t-elle et où est-elle ? Ce que M. Marco Pallis veut établir tout d‘abord, à partir du sens qu‘il voit dans le déchirement du Voile, c‘est que le Christianisme est une tradition dans laquelle il n‘y a « plus de limite définissable entre le côté religieux… et les mystères, ou si l‘on préfère, entre les domaines exotérique et ésotérique », et dans laquelle « toute expression formelle de leur séparation (c‘est-à-dire de ces deux domaines) était rendue impossible une fois pour toutes » 7. Le corollaire de cette proposition principale est que, dans le Christianisme, il n‘y a pas d‘initiation distincte de l‘ordre simplement 6 En fait notre collaborateur avait déjà publié en anglais un texte sous le même titre (« The Veil of the Temple ») dans la revue Tomorrow, Spring (Printemps) 1964 – et nous ne l‘apprîmes, par retard d‘expédition, qu‘en automne de la même année – mais, pour employer les termes dans lesquels il nous expliqua lui-même ensuite le fait, il s‘agissait d‘un ―abrégé‖, « sous la forme d‘une étude sur le Christianisme, sans allusion à René Guénon et aux anciennes discussions sur ce thème ». 7 E.T. 1964, p. 156. - 3 - religieux, et plus précisément, qu‘il n‘y a pas de rite spécial d‘initiation ou de rattachement à l‘ordre initiatique. L‘ ―initiation chrétienne‖ n‘est autre chose que l‘œuvre des sacrements ordinaires conférés à tous indistinctement et dont les virtualités peuvent être appelées à l‘actualité par une méthode initiatique, ceci, bien entendu ne pouvant concerner que le cas d‘êtres qualifiés, qui auront eu aussi la chance de trouver pour la voie effective un maître véritable sinon chrétien au moins d‘une autre forme traditionnelle. « Ceux qui ont cherché un rite initiatique supposé opérer en plus des Sacrements ont perdu leur temps. En ce qui concerne le Christianisme, l‘heure où le Voile du Temple se déchira en deux marque à jamais la fin d‘une telle possibilité » 8. Nous remarquerons avant tout que cette façon de comprendre la notion de l‘initiation dans le Christianisme ne nous paraît pas devoir être nécessairement liée au symbolisme du Voile et de son déchirement, car en fait, nous avons connu autrefois, au même sujet, des opinions analogues, qui ne faisaient nullement intervenir une application de ce symbolisme. M. Pallis lui-même insinue d‘ailleurs une autre explication que celle-ci lorsqu‘il déclare : « La particularité de la tradition chrétienne, à savoir sa structure éso- exotérique, est étroitement liée à ce rôle omnivalent du Christ comme Verbe Incarné, en qui toutes les fonctions essentielles sont synthétisées sans distinction de niveau » 9. Seulement, cette dernière explication semble en contradiction avec la première, car si l‘Incarnation comportait par elle-même la fondation d‘une tradition où l‘ésotérisme devait être indistinct de l‘exotérisme, le déchirement du Voile n‘a plus de caractère nécessaire, sous le même rapport : plus précisément, si l‘Incarné avait été reçu par les siens, en tant que tel, il n‘y attrait plus eu de Passion, ni de déchirement du Voile, alors que, cependant, selon ce que dit M. Pallis, de la vertu propre uploads/Religion/ michel-valsan-l-x27-initiation-chretienne-reponse-a-m-marco-pallis.pdf
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- Publié le Jui 29, 2021
- Catégorie Religion
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