Volume 3 Numbers 11-12 ORIENS November 2006 1 Saint Bernard et la Règle de Temp
Volume 3 Numbers 11-12 ORIENS November 2006 1 Saint Bernard et la Règle de Temple (II) Pierre Ponsoye D'autre part, si le légat, Mathieu, de l'Ordre de Saint-Benoit, évêque d'Albano, préside le Concile, « l'autorité véritable qui le dirige, dit M. Melville, est celle de Bernard de Clairvaux. Car l'assemblée se compose presque entièrement de ses amis, de ses disciples, de ses correspondants assidus ». Outre le légat, l'abbé de Clairvaux, le Maître du Temple et ses six compagnons, on y trouve les archevêques de Reims et de Sens, les évêques de Soissons, Paris, Troyes, Orléans, Auxerre, Meaux, Chalons, Laon, Beauvais ; saint Etienne Harding, troisième abbé de Cîteaux, chef d'Ordre de Saint-Benoît; les abbés de Pontigny, Vézelay, Trois-Fontaines, Saint-Denis de Reims, Saint-Etienne de Dijon, Molesmes. Sauf Saint-Etienne de Dijon (Saint- Augustin), toutes ces abbayes relevaient, soit de Saint-Benoît, soit de Cîteaux. II avait paru « profitable » d'inviter comme « garantie en cette chose (parce) qu'ils sont ameors de vérité » (ut testes amatores veritatis), des représentants de la chevalerie séculier, savoir le comte Thybaud, déjà nommé, le comte Guillaume de Nevers, et André de Baudemant. L'un des membres les plus influents était saint Etienne Harding, auteur de la règle reformée des Cisterciens. Mais Etienne était pour Bernard plus qu'un ami : c'est lui qui, douze ans auparavant, avait fait de lui, à l'âge de 26 ans, le premier abbé de Clairvaux. Or, de tous ces vénérables personnages, celui-ci est le seul dont le rôle personnel soit souligné d'une façon spéciale, et cela dans les termes suivants : « ... le devant nommé B (ernart) de Clerevaus, la sentence duquel les devant dits, à franches voix, louèrent» (supra nominatus abbas B (ernardus) Clarevallis non defuit, cujus sentenciam prescripti libera voce collaudabant). Pour être signalée de la sorte au procès-verbal, cette « sentence » ne saurait être accidentelle ou de détail, et le singulier a ici, indiscutablement, une valeur synthétique, comme plus haut celui du mot « conseil ». Mais voici une autre précision : au paragraphe 5, l'écrivain de 1'assemblée, Jean Michel, indique sur quels ordres il a écrit : « Dont je, Johan Michiel, par la grâce de Dieu desservi être écrivain de la pressente page par le commandement du concile et du vénérable père Bernart, abbé de Clerevaus, à qui était commis et cru cestui divin office » (Ego Iohannes Michaelensis presentis pagine, jussu concilii ac venerabilis abbatis Claravallis B(ernardi), cui creditum ac debitum hoc erat, humilis scriba esse divina gratia merui). On ne forcera pas, croyons-nous, le sens de ces passages en concluant, d'abord que le Concile reconnaissait unanimement à l'abbé de Clairvaux une autorité spéciale en la matière, et ensuite qu'il l'a expressément commis pour traduire dans un texte le résultat des travaux. Que, dans cette synthèse, saint Bernard ait tenu le plus large compte des avis exprimés et de l'observance antérieure, on peut le croire ; qu'il ait Saint Bernard et la Règle de Temple (II) bénéficié plus particulièrement de certains concours, de la sagesse et de l'expérience d'un Etienne Harding et d'un Hugues de Payns par exemple, on peut le croire également ; qu'il n'ait pas rédigé le texte lui-même, enfin, c'est possible et même probable. Il reste que le Concile s'est reposé sur lui du « divin office » de fixer la Règle dans sa forme définitive. C'est ainsi qu'en ont jugé tous les historiens non prévenus. Curzon, pour ne citer que lui, conclut des indications de Jean Michel qu'elle a été « inspirée ou dictée » par saint Bernard. Ce sont là, en effet, les seules bornes permises à l'hypothèse. Encore doit-on donner au mot « inspirée » un sens fort et direct, car, s'agissant de saint Bernard, et d'une tâche si complexe et si sainte, on ne saurait imaginer que cette « inspiration » n'ait consisté qu'en directives lointaines et vagues, sans contrôle précis et sans approbation finale. Le De Laude, écrit vers 1130 à la requête de son « très cher Hugues », apporte un élément important de corroboration, sinon de preuve. Le Maître du Temple n'avait-il pas les meilleures raisons pour s'adresser, une fois encore, à saint Bernard, et celui-ci des raisons non moins bonnes pour s'estimer en position et en devoir de satisfaire à sa demande ? Et le ton comme le contenu de cette homélie — qui n'est autre qu'un commentaire de la Règle — sont ceux d'un homme qui connaît intimement, aussi bien l'esprit que les problèmes de doctrine et d'organisation de la « Nouvelle Milice », et qui en juge avec autorité. Mais si le De Laude laisse inexprimée et comme sous-entendue la paternité de saint Bernard à l'égard de la Règle, et si ses autres œuvres ne donnent à ce sujet aucune indication précise, on dispose du moins du témoignage formel des premiers intéressés : les Templiers eux-mêmes. Il était en effet, chez eux, de tradition constante que leurs statuts leur eussent été donnés par saint Bernard lui-même, qu'ils appelaient leur « Père », le plaçant par-là au même rang que leur vénérable fondateur. Ainsi lit-on dans le serment d'entrée en charge du Maître de Portugal : « ... Je promets aussi d'être soumis et obéissant au Maître général de 1'Ordre, selon les statuts qui nous ont été prescrits par notre Père saint Bernard ». Faisons une dernière remarque. La période écoulée depuis la fondation jusqu'au Concile, période de préparation, d' « enveloppement » en quelque sorte, avait été de neuf ans. Le nombre des membres de la communauté primitive était réduit à neuf. La période de probation imposé aux candidats, tout au moins au début, était de neuf ans. La Règle primitive, enfin, comportait 72 articles, huit fois neuf. On sait, d'autre part, que le nombre trois, racine de neuf, et ses multiples, jouaient un rôle important dans l'organisation et la vie de l'Ordre. Nous demanderons à Dante de nous fixer sur la signification de ces nombres. « Etant donné, dit-il dans sa Vita Nova, que, selon Ptolémée et selon la vérité chrétienne, neuf sont les cieux mobiles, et que, selon la commune opinion des astrologues, les dits cieux agissent sur ce bas monde selon leur disposition relative, ce nombre fut ami de ma Dame (Béatrice) pour faire voir que, dans sa génération, tous les neuf cieux mobiles étaient dans une très parfaite relation. Voilà une raison de ce que je disais, mais à réfléchir plus subtilement et selon l'infaillible vérité, c'est elle-même qui fut ce nombre ; je veux dire en image. Et je l'entends ainsi : le nombre trois est la racine de neuf... Donc si trois est proprement facteur de neuf, et si le facteur propre des miracles est trois (à savoir Père et Fils et Esprit Saint, qui sont trois et un), le nombre neuf fut associé à cette Dame pour faire voir qu'elle était un neuf, c'est-à-dire un miracle, et que sa racine, à savoir la racine du miracle, n'est autre que la merveilleuse Trinité ». 2 Saint Bernard et la Règle de Temple (II) Il y a, certes, plus d'une raison pour que saint Bernard, de préférence à tout autre, ait été « mandé par une prière et par un saint amour » pour aider Dante à achever son voyage céleste. Mais il en est une d'un caractère en quelque sorte spécifique : par le don de la Règle, il était lié au Temple du lien le plus profond, celui de la paternité spirituelle véritable. Or le Temple était un « neuf » : le nombre même de Béatrice. 3 uploads/Religion/ saint-bernard-et-la-regle-du-temple-ii-pdf.pdf
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- Publié le Apv 13, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
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