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1 1.9 Entretien avec le Dr Terrence Sejnowski Dre Oakley – Cette vidéo va être

1 1.9 Entretien avec le Dr Terrence Sejnowski Dre Oakley – Cette vidéo va être particulièrement intéressante car j'ai la chance d’interviewer mon co-instructeur, le Dr Terrence Sejnowski. Les travaux pionniers de Terrence en matière de réseaux neuronaux et de neurosciences computationnelles ont fait de lui une légende vivante. Le Dr Sejnowski est chercheur à l’institut médical Howard Hughes, et titulaire de la chaire Francis Crick au Salk Institute for Biological Studies, où il dirige le laboratoire de neurobiologie computationnelle. Bien plus encore, le Dr Sejnowski fait aussi partie de ce groupe d'élite qui rassemble les dix seuls scientifiques vivants nommés à la fois aux trois académies nationales : d'ingénierie, des sciences et de médecine. Cependant, ce qui pour moi est encore plus impressionnant, c'est que Terry a dirigé plus de thèses en neurosciences computationnelles qu’aucun autre scientifique. D'une certaine manière, cela fait du Dr Terrence Sejnowski un des pères fondateurs de la neuroscience moderne. L'objectif ultime des recherches du Dr Sejnowski est d'élucider les principes qui relient le cerveau et les comportements à l'aide des modèles computationnels. Aujourd'hui, je vais poser à Terry quelques questions sur sa façon d’apprendre et ce qu’il pense de l’apprentissage, afin de mieux comprendre comment améliorer notre propre apprentissage. Que faites-vous pour vous aider à apprendre plus facilement, notamment lorsque vous faites face à un domaine complètement nouveau ? Dr Sejnowski – J’aime aller directement dans le vif du sujet. Je ne retiens pas grand-chose en lisant simplement plein de livres. Lors de mes études doctorales, je suis passé de la physique à la biologie, et pour y parvenir je suis allé dans un laboratoire de biologie, où j'ai participé activement aux expériences. Je crois fermement qu'on apprend en faisant, et aussi par osmose avec des personnes expertes dans leur domaine. Dre Oakley – Comment faites-vous pour maintenir votre attention durant une leçon ennuyeuse ? Dr Sejnowski – Je crois qu'il n'y a pas de méthode miracle pour rester concentré sur un sujet qui ne nous intéresse pas. Toutefois, j'ai trouvé une petite astuce qui consiste à freiner l'intervenant en lui posant une question. L’interruption donne souvent lieu à une discussion bien plus intéressante. D'ailleurs, c'est appliquer le principe général selon lequel on apprend plus par une participation active que par une écoute passive. Dre Oakley – Comment faites-vous pour accéder au mode de pensée diffus et en tirer avantage ? Dr Sejnowski – Je trouve que faire du jogging ou de l’exercice constitue une excellente façon de décrocher de son train de pensée habituel. Il est alors fort possible de faire émerger des nouvelles pensées, et des nouvelles idées. C’est un peu comme si le cerveau entrait dans un nouveau mode, et tandis que vous courez, les idées défilent devant vous. On commence alors à réfléchir à ce qui est en train de se passer. Par exemple, parmi les éléments sur lesquels le cerveau travaillait, soudain des pensées inconscientes font surface. Ces nouvelles idées s'avèrent souvent utiles par la 2 suite. Le seul problème que j’ai, c'est de me souvenir de ces idées géniales, car lorsque je reviens et prends une douche, bon nombre d'entre elles se sont volatilisées. C’est pourquoi j'emporte un petit carnet avec moi : je peux prendre des notes et me rappeler ce à quoi je pensais. Dre Oakley – Traitez-vous plusieurs tâches en parallèle ? Ou sinon, comment résistez-vous à la tentation de le faire ? Dr Sejnowski – Je ne pourrais pas survivre si je n’étais pas multitâche. La majeure partie de ma journée consiste à échanger avec des étudiants, à assister à des présentations, et à interagir avec de nombreuses personnes de passage. Nous sommes sollicités par tellement de choses : des courriels, des textos, et ce sont toutes des choses très importantes dont il faut s'occuper, mais si on ne sait pas jongler avec cela, il est difficile de tout faire dans la journée. Toutefois, j’apprécie les soirées lorsque le brouhaha de la journée se calme, et que j'ai l'occasion d'adopter un mode de pensée plus réfléchi. C’est d'ailleurs dans ces moments que je travaille le mieux. Dre Oakley – Vous arrive-t-il de faire deux choses en même temps ? Dr Sejnowski – Vous savez, en réalité on ne peut pas faire deux choses simultanément de façon consciente, parce qu’elles vont se confondre. En fait, avec beaucoup d’entraînement, il est possible de faire deux choses à la fois, mais ce n'est pas efficace. Pour moi, être multitâche, c’est être capable de passer d'un contexte à un autre, d'aller et venir d'un sujet à l'autre. Certaines personnes sont meilleures que d'autres à cet exercice. En d’autres termes, il faut parfois du temps pour entrer à nouveau dans le vif du sujet. Si vous êtes en pleine rédaction d’un article par exemple, cela peut prendre des heures avant d'atteindre le point où vous êtes réellement productif, celui où vous obtenez vraiment des résultats. Vous savez, quand vous êtes au milieu d'une activité, passer à un autre sujet est parfois très difficile, si vous êtes complètement absorbé dans un travail. Mais j'y arrive très facilement, je peux alterner les tâches. Il semble que je puisse revenir à celle d'origine, et la reprendre là où je l’avais laissée. Cette faculté me permet d’accomplir beaucoup. J’ai aussi la chance d’avoir plein d'excellents étudiants et d’assistants, et un environnement très productif. C’est donc vraiment un plaisir de travailler dans de telles conditions. Dre Oakley – Comment appliquez-vous vos connaissances en neurosciences à votre propre apprentissage ? Dr Sejnowski – Je pense que je mets en pratique de nombreuses petites notions que j’ai apprises en laboratoire. Permettez-moi de vous donner un exemple concret. Un de mes collègues de l’institut Salk, Rusty Cage, a fait une découverte majeure. Si on se réfère aux manuels, il y est expliqué que tous les neurones du cerveau y sont depuis notre naissance, que les connexions se mettent en place après la naissance et que l'apprentissage vient modifier ces connexions entre neurones, mais qu'il s'agit toujours des mêmes vieux neurones qu'on avait à la naissance. D'ailleurs, certains meurent, ce qui entraîne donc un rétrécissement du cortex. Toutefois, Rusty a découvert que dans une partie du cerveau, importante pour l’apprentissage et 3 la mémoire, appelée hippocampe, située ici au milieu de cette maquette du cerveau, de nouveaux neurones continuent de naître, même à l'âge adulte. C'est un élément très important pour l’apprentissage et la mémoire. C'est à l'évidence extrêmement pratique de pouvoir acquérir de nouveaux neurones. Maintenant, voici ce que nous avons découvert ensemble. Nous avons découvert que, si on prend un animal (nous avons utilisé un rat comme modèle), et qu'on lui procure un environnement riche dans lequel il peut bouger, avoir des activités et interagir avec d’autres rats, on observe dans l'hippocampe que la solidité des connexions entre ses neurones est bien plus forte. Ce renforcement peut être jusqu'à deux fois plus grand que chez un rat maintenu en cage dans un environnement plus pauvre. Voilà donc l’élément clé qui peut aider et cela même lorsqu’on est adulte : vivre dans un environnement stimulant. Vous me suivez ? Donc au lieu de se retirer comme un moine, dans une chambre isolée, il faut plutôt choisir de s'entourer de personnes stimulantes, et profiter des événements auxquels on peut activement participer. C’est vraiment très important. Maintenant voici ce que Rusty a découvert, et qui est extrêmement important : même en l'absence d’un environnement stimulant, l’exercice physique permet lui aussi d'accroître le nombre de nouveaux neurones qui vont naître et survivre. C'est pourquoi je suis un fervent coureur. J’ai déjà mentionné que j’ai plein de bonnes idées lorsque je cours, mais je sais également que mon cerveau m'aide à me souvenir, grâce aux nouveaux neurones qui naissent et se développent dans mon hippocampe. C’est l’un des nombreux exemples que je peux citer, qui montre que ce que nous avons appris des neurosciences a vraiment changé ma façon de penser. C'est dommage de voir ce que font nos réformes éducatives et nos écoles. Que suppriment-elles lorsqu’elles veulent ajouter un nouveau cours, comme par exemple « Apprendre comment réussir un examen » ? Vous savez, de nos jours, on aime administrer des tests pour évaluer autant la performance des élèves que celle des écoles. Eh bien, ce qu'elles font, elles suppriment la récréation ! Et que se passe-t-il pendant la récréation ? De l’activité physique, de la course. C’est exactement ce dont on a besoin, ce dont le cerveau a besoin. Il lui faut ce moment de pause où on utilise ses muscles plutôt que son cerveau, afin qu'il puisse traiter les informations, afin que les neurones puissent travailler à l'arrière-plan. C'est pourquoi je pense qu'il faut une politique qui nous pousse à laisser sortir et courir nos enfants. Dre Oakley – Y a-t-il une technique particulière que vous avez acquise avec les années, qui vous aide à vous concentrer, à apprendre ou à créer plus efficacement ? Dr Sejnowski – Je trouve qu’être dans un environnement créatif, avec d’autres personnes uploads/Science et Technologie/ 9oqrqust6uaek0fej-rzg-1-9-entretien-avec-le-dr-terrence-sejnowski-v3.pdf