Jusqu’ici : on a “parlé cerveau” = neurosciences = des méthodes pour étudier la

Jusqu’ici : on a “parlé cerveau” = neurosciences = des méthodes pour étudier la structure et le fonctionnement de cet organe qu’est le cerveau, afin de mieux comprendre la pensée humaine. Mais d’autres disciplines essaient aussi de comprendre le fonctionnement de nos facultés mentales ou “cognitives” en passant par d’autres voies : la psychologie, la linguistique, la philosophie, l’informatique (“intelligence artificielle”), etc. C’est de toutes ces autres démarches dont on va parler aujourd’hui. On parlera donc peu de la vie de nos 4 neurobiologistes. Mais Francisco Varela sera présent par l’entremise de son livre : « Invitation aux sciences cognitives » (1996) [ la réédition mise à jour par Varela de « Connaître les sciences cognitives. Tendances et perspectives. » (1989) qui était la traduction française de « Cognitive science. A cartography of current ideas. » (1988) ] qui m’a beaucoup inspiré pour préparer cette séance. Autre source d’inspiration : Le cerveau à tous les niveaux ! le sujet 3 dans le thème « L’émergence de la conscience » qui s’intitule L'APPORT DES SCIENCES COGNITIVES (page http://lecerveau.mcgill.ca/flash/d/d_12/d_12_p/d_12_p_con/d_12_p_con.html#3 et suivantes) Bref, un cours un peu plus classique que d’habitude, pour tenter une introduction aux sciences cognitives à travers trois grands paradigmes : - le cognitivisme - le connexionnisme - les systèmes dynamiques incarnés Ou comment terrasser un dragon à 3 têtes en 1 heure ? Finalement impossible… [ Donc : les 2 premiers aujourd’hui, le 3e au prochain cours...] Mais d’abord, qu’est-ce que les « sciences cognitives » ? Et qu’est-ce qu’un « paradigme » en science ? Qu’est-ce que les « sciences cognitives » ? (terme pratiquement inexistant jusqu’au milieu des années 1970) 1970 : on assiste depuis des années à une convergence d'idées entre des psychologues, des informaticiens en « intelligence artificielle », des linguistes d'inspiration chomskienne, et quelques philosophes. Mais on ne pouvait pas encore parler d’un véritable discipline, avec un paradigme unifié et une base institutionnelle solide. A partir de 1975, les choses changent. Aux États-Unis, les « sciences cognitives » commencent à faire parler d'elles et s'organisent d'un triple point de vue : théorique, institutionnel, médiatique. Théorique, avec un « paradigme cognitif » qui s'impose autour du modèle symbolique de Jerry Fodor, celui du traitement de l'information symbolique. [on va reparler de tout cela en détail dans un instant…] - Institutionnel, car c’est en 1975 que la fondation privée Alfred P. Sloan, va injecter 20 millions de dollars pour financer des recherches en « sciences cognitives » dans tous les États-Unis. Elle finance aussi la revue, Cognitive Science, dont le premier numéro paraît en 1977, et la création d'une société savante en 1979. En 1978 paraît un premier rapport sur l'état des sciences cognitives,avec pour la première fois le fameux hexagone des disciplines concernées : - Médiatique, car au début des années 1980 se multiplient les manuels, ouvrages d'introduction, livres de vulgarisation. En 1985, le psychologue Howard Gardner publie la première Histoire de la révolution cognitive, sous-titrée Une nouvelle science de l'esprit. En 1988, le « Cognitive science. A cartography of current ideas. » de Varela. Qu’est-ce qu’un « paradigme scientifique » ? Thomas Kuhn les a caractérisé dans son ouvrage La structure des révolutions scientifiques en 1962 comme un cadre de référence sur lequel s'appuient les chercheurs d'une discipline pour structurer et orienter leurs recherches à une époque donnée. Par exemple, la médecine occidentale actuelle qui explique les troubles physiques par des causes physiologiques et les traite par des soins organiques (médicaments, opérations…) est le paradigme dominant de la médecine officielle. Pour Kuhn, l'histoire des sciences est soumise aux contingences culturelles et sociales du moment et procèderait par bonds : à des périodes calmes où règne un paradigme dominant succèdent des crises de contestation pouvant déboucher sur des remises en cause radicales paradigmes du moment. Et parfois le remplacer… Comme disait Jean-François Dortier dans un article publié dans le magazine Sciences Humaines : « Comme toute révolution digne de ce nom, la « révolution cognitive » a renversé un ordre ancien, s'est emparée du pouvoir de façon exclusive, et a forgé une nouvelle orthodoxie. Mais son succès a aussi provoqué des réactions hostiles et des critiques sévères. » Et c’est ce que l’on va constater en examinant les paradigmes du cognitivisme et du connexionnisme (cette semaine) et des systèmes dynamiques incarnés (à la prochaine séance). IMPORTANT : Ne pas confondre l’adjectif « cognitif » comme dans « sciences cognitives », dans le sens d’un ensemble de disciplines avec un programme commun; avec l’adjectif « cognitiviste » ou le nom « cognitivisme » dans le sens d’un paradigme, c’est-à-dire d’une école de pensée particulière au sein des sciences cognitives. Vue d’ensemble des 3 paradigmes en une diapo ! Le cognitivisme domine les sciences cognitives du milieu des années 1950 aux années 1980. Il s’intéresse à l’esprit qu’il compare à un ordinateur. Le connexionnisme, commence à remettre en question l’orthodoxie du cognitivisme au début des années 1980. Il prend en compte le cerveau et essaie de comprendre la cognition avec des réseaux de neurones. Les systèmes dynamiques incarnés vont critiquer les deux premiers paradigmes à partir du début des années 1990. Ils vont prendre en compte non seulement le cerveau, mais le corps particulier d’un organisme et l’environnement dans lequel il évolue en temps réel. Et dans la recherche contemporaine, les trois approches coexistent, à la fois séparément et sous diverses formes hybrides. On a vu au dernier cours [ qui est sur le site de l’UPop ] l’effort multidisciplinaire que fut les conférences Macy avec la réunion de plusieurs disciplines qui ont accouché d’idées nouvelles comme la cybernétique. De même, ce qu’on va appeler les sciences cognitives peut être vu comme la reprise par des disciplines scientifiques contemporaines de questions philosophiques les très anciennes concernant l’esprit humain, son organisation, sa nature, les relations qu’il entretient avec le cerveau, avec l’organisme, avec autrui et avec le monde physique. Il ne faut pas voir ça non plus comme une succession stricte dans le temps. Il y avait déjà du connexionnisme dans les années 1940. L’idée d’énaction de Varela était déjà pressentie chez Merleau-Ponty début 1940. Des principes des systèmes dynamiques étaient déjà dans « An Introduction to Cybernetics », de Ross Ashby, en 1956 (mais ça a pris plus tard les ordinateurs pour pouvoir calculer les attracteurs, etc.) Mais c’est vrai que pour une époque donnée, il y avait un paradigme dominant. Petit rappel historique pour mieux sauter dans les sciences cognitives… Au XIXe siècle et au début du XXe, il existait une tradition de recherche en psychologie appelée structuralisme. Représentés par des chercheurs comme Wilhelm Wundt et son élève Edward B.Titchener, les structuralistes utilisent la méthode expérimentale en psychologie, mais également l'introspection pour analyser les perception conscientes. On voulait décrire les composantes élémentaires de l'esprit humain et essayer de comprendre de quelles façons toutes ses composantes s’incorporent ou se « structurent » en formes plus complexes. Cette approche fut surtout critiquée pour la difficulté de vérifier expérimentalement l’introspection qui était à la base du structuralisme. Ainsi naquit, à partir des années 1920, un mouvement radicalement opposé à l’introspection du structuralisme : le behaviorisme. Pour ses pionniers comme John B. Watson et B. F. Skinner, on ne pouvait bâtir une approche scientifique de la psychologie sur des états subjectifs de nature essentiellement privée. Au contraire, cette nouvelle psychologie devait être basée uniquement sur l’étude expérimentale du comportement (d’où le nom qui vient de « behavior », comportement en anglais), et non plus sur les jugements individuels relatifs à nos états d’âme. Seuls seront donc étudiés les phénomènes observables, c’est-à-dire les stimuli qui s’exercent sur l’organisme et les réponses que donne cet organisme. E t l’on cherche à découvrir les lois qui gouvernent les relations entre les entrées et les sorties. Cerveau = "boîte noire" = ce qui s’y passe est, par nature, méthodologiquement inaccessible et inobservable. [pas de scan !] Un de leur champ de recherche favori était l'apprentissage associatif ( l'enfant qui apprend à ne pas pas toucher une flamme car elle brûle…). Et les behavioristes firent plusieurs découvertes, en particulier sur le conditionnement opérant des comportements, en expérimentant avec des pigeons, des rats et des chiens. Il s’agissait donc d’une école de pensée extrêmement centrée sur l’influence de l’environnement sur nos processus mentaux. Watson allait même jusqu’à dire que la structure de notre esprit est entièrement façonnée par les récompenses et les punitions de notre environnement, et par aucune influence génétique. D’où cette blague de ses détracteurs qui faisaient remarquer qu’un behavioriste qui en rencontre un autre n’aurait pas d'autres choix que de lui dire : « Vous allez bien aujourd’hui ! Et moi, comment vais-je ?»… Pour les behavioristes, la science du comportement doit utiliser une méthode scientifique rigoureuse, basée sur des observations utilisables et quantifiables par tout chercheur. D’où leur refus de toute spéculation sur des états mentaux qui n'étaient pas directement visibles par l'expérimentateur. Les behavioristes vont donc bannir des sujets d'étude comme la pensée, l'esprit, la conscience ou l'imagination, et des constructions uploads/Science et Technologie/ ii-cours-4-22-nov-2011-v2-lumiere 1 .pdf

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