expérimentations démiurgiques du monde devenu laboratoire. L'organisation ratio

expérimentations démiurgiques du monde devenu laboratoire. L'organisation rationnelle du monde-laboratoire se retourne alors en une organisation irrationnelle menaçant ceux qui l'ont instauré. D e ceux-là, pourtant, nous ne sommes pas. Nous ne travaillons pas à ce laboratoire ni pour lui. Nous n'en sommes pas non plus les objets. Que faire alors de cette immense machine qui se développe aujourd'hui selon sa dynamique propre, devenue autonome ? Pouvons-nous réorienter le destin et les orientations de ce laboratoire dont aucun d'entre nous, ou si peu, a décidé de l'existence ? Pouvons-nous abandonner ce futur tracé par d'autres ? Autrement dit, pouvons-nous encore faire usage de notre liberté ? grandeur nature et en temps réel. Le développement des technologies convergentes (bio-, nano-, cogno-, info-, robot-, sociotech) est le cercle magique dans lequel émerge des espèces biologiques et mécaniques de laboratoire et de nouvelles tables des éléments. Nombre de ces recherches s'effectuent aujourd'hui dans le secret (*). C'est pourquoi la compréhension du présent lui- même reste déterminée par l'appréhension limitée que nous pouvons avoir d'informations elle-même filtrées ou orchestrées. Comment parler alors du présent ? Comment savoir où nous sommes, ou nous en sommes ? Les scénarios apocalyptiques prophétisant la fin de notre monde surpeuplé justifient les La reconstruction générale du monde : "L’expérimentation n’est pas d’abord vérification mais institution, construction d’une nouvelle réalité“ p.4 Biopolitique extraterrestre et industries créatives… p.11 “On peut passer sa vie à mesurer les dimensions de sa prison“ 2007 - 62e année 16 pages - 2 euros Un "Ops Center" de l'agence britannique d'opérations psychologiques Strategic Communications Laboratories. Ce centre de psyops opère dans un pays que l’agence a refusé de nommer (http://www.scl.cc). D epuis la Seconde guerre mondiale, le monde se transforme progressivement en laboratoire à l'échelle 1:1. Au modèle du “monde usine” s'ajoute désormais un modèle de “monde laboratoire”. Aujourd’hui la géo-ingénierie est en voie de se banaliser, justifiant ainsi, au nom de la lutte contre l'effet de serre et ses conséquences (tempêtes tropicales, sécheresses, etc.), des expériences de modification du climat à très grande échelle et de transformation de la chimie des océans. Les satellites surveillant et analysant en permanence les variations de l'activité terrestre sont couplés avec les réseaux d'information et des technologies comme les RFID et les micro (ou nano) capteurs, créant ainsi une planète-information, une planète-virtuelle renforçant encore la puissance de gestion et de contrôle voire de transformation du réel à distance. Ce devenir-monde du laboratoire encourage la manipulation du vivant selon la doctrine du “risque acceptable”. La radicalisation de la compétition et les “ manques à gagner ” dans les investissements planifiés autorisent les tests en “ conditions réelles ” : la recherche pharmaceutique mène des expérimentations sur des populations entières, en Afrique ou ailleurs ; la dissémination des Organismes Génétiquement Modifiés est encouragée par tous les moyens nécessaires… en attendant les Organismes Atomiquement Modifiés ; les technologies sans fil mises sur le marché sans études publiques préalables font de leurs utilisateurs les cobayes d'expériences (*) Il existe aujourd'hui plus d'un trillion de documents classifiés concernant la recherche scientifique aux Etats-Unis (voir Herbert Foerstel, Secret science : Federal control of American Science and Technology, Praeger, 1993). À ces archives secrètes issues des sciences et techniques développées par tout pays prétendant poursuivre une recherche indépendante, s'ajoutent l'immense quantité de documents protégés par le secret militaire, par le secret administratif et par le secret commercial. Pourquoi travaillons-nous à notre obsolescence ? Gouverner la maison-monde : "La machine à habiter devient une mécanique qui définit par avance nos possibilités d'agir“ p.10 par l’observatoire de l’évolution 1. Une nouvelle genèse Les plus grandes vilenies d’aujourd’hui ne proviennent pas de ce qu’on les fait, mais de ce qu’on les laisse faire. Elles se développent dans le vide. Robert Musil, L’homme sans qualités (vers 1920) E n 1989, en même temps que le pouvoir socialiste français célébrait avec le plus de fureur possible la révolution française, les ingénieurs d’IBM parve- naient de leur côté à dessiner le logo de leur entreprise à partir de la manipulation de 35 atomes de xénon. Depuis lors, et même s’il ne constitue qu’une étape de plus dans le chemin de l’artificialisation du monde que nous sommes employés à produire, le développement des nanotechnologies a connu un essor qui aurait pu sembler effrayant si on ne s’était pas depuis longtemps accoutumé à travailler pour devenir ce qu’il faudrait bientôt dépasser. Les nanotechnologies ouvrent la voie à la reconstruction du monde à partir d’entités élémentaires remaniées. Dans cette nouvelle genèse toutes les classifications des êtres existants se trouvent abolies. Bien entendu la barrière subjective entre inerte et vivant n’a plus lieu d’être ; la barrière entre espèces n’existera a fortiori plus non plus. Quant à la fameuse barrière immunologique qui évite théoriquement aux organismes vivants d’être infestés par des corps étrangers, elle devient caduque, la nanoparticu- le pénètre les cellules vivantes aussi bien qu’un sucre se dilue dans l’eau. La transgenèse à laquelle travaillaient les biologistes moléculaires sera “naturellement” franchie. Animaux et machines fusionneront dans la Mégamachine, consoli- dant le caractère artificiellement vivant du système social et le caractère machinal des organismes naturellement vivants. Enfin des nano-entités auto-reproductibles pour- ront s’employer à créer des macro-organismes. Ce dernier point est un grand sujet d’inquiétude pour les mutants qui ont peur que la vie sociale leur échappe tandis que les néo-mutants (mutants plus audacieux) surmontent cette peur et acceptent avec délectation de devenir n’importe quoi au sein de la Mégamachine. Cette dernière, par l’interconnexion fusionnelle de tout ce qui s’y trouve, ressemblera donc à une grande soupière dans laquelle tous les corps défaits de leur être baigneront et s’agenceront dans un magma de postures halluci- nantes. C’est ce qu’on appelle la convergence : nano, bio, info et cognito ne formeront plus qu’une matière et un sujet globalisés. A partir de cette vision, il est sans doute vain de chercher à envisager les risques potentiels de cette nouvelle avan- cée du génie technicien ; ils sont tous présents dans cette extraordinaire dilution. L’ordre de la raison naturelle ayant définitivement disparu, il ne sera plus question de parler de pollution, terme qui indiquait autrefois qu’un élément matériel se trouvait là où il n’avait en principe pas de raison d’être ; par exemple qu’un atome de césium radioactif n’avait pas lieu de se trouver dans un champi- gnon ou dans l’encéphale d’un enfant. “ Il y a plein de place inoccupée au niveau atomique ” ; ces propos de Richard Feynman, illustre et excentrique physicien (pas tout de même au point de se tenir à l’écart du fabuleux projet Manhattan auquel participèrent les plus brillants physiciens occidentaux), sont célébrés comme une invitation à aller chercher dans l’intimité de la matière ce qui se fait rare dans notre environnement : de la place, de l’énergie et des nouveaux marchés. Pour- tant l’importance des ressources énergétiques et hydrau- liques nécessaires à la nouvelle industrialisation de la matière aura vite fait d’absorber à peu près tout ce qui demeure de ressources naturelles macroscopiques (c’est- à-dire que l’homme d’aujourd’hui peut toucher du doigt et mettre dans sa poche). Les tensions sociales et géopo- litiques ainsi créées, rendront de toute évidence indis- pensable la multiplication des dispositifs sécuritaires. Si le moteur du développement des nanotechnologies fut cette course aveugle à la puissance que n’ont jamais réus- si à endiguer les êtres, d’abord abrités puis ensuite enfer- més dans l’espace social, il est bien naturel que les déci- deurs politiques, militaires et économiques foncent les yeux fermés dans ce nouveau jeu de l’évolution, leur pro- motion sociale ne leur laisse pas la possibilité d’hésiter. Aux humains qui s’inquiéteraient de ce qui arrive, il sera d’abord resservi l’argument de leur santé : “on va enfin vraiment stopper l’épidémie de cancer ”! Et dès qu’une parcelle d’un corps menacera de se dérégler, un nanoro- bot entrera en action pour la réparer. Les sens pourront être considérablement améliorés, rectifiés ou tout simple- ment adaptés à ce qu’ils seront censés produire. Plus aucun corps, aucune donnée numérique, aucune pensée, n’échappera à la surveillance et à la standardisation administrées par les règles du marché mondial. D’un cer- tain côté bien sûr, c’est tant mieux : les trafiquants de bois précieux, d’espèces menacées et surtout de nouveaux nés n’ont qu’à bien se tenir. Aux âmes sensibles qui face à cette situation pircorwel- lienne seraient pris d’un nouveau vertige approfondi, l’idéologie néo-mutante expliquera qu’après tout, l’évolu- tion en cours ne fait que prolonger ce que l’homme a tou- jours fait et que de toutes façons, personne n’y peut rien, ce qui bien que non définitivement prouvé, est tout de même bien vraisemblable, et en tout cas reste à réfuter. Cette dernière tâche risque d’être assez fastidieuse ce qui n’empêchera pas certains de la trouver plaisante. 2. La raison malmenée Sans nos bêtes - qu’on nous enlèverait pour les brûler parce qu’elles ne sont pas équipées de puces - nous ne serons plus rien. Entendu de la voix d’éleveurs de brebis, un des premiers soirs de 2006 au Domaine autonome de Matens, France uploads/Science et Technologie/ la-planete-laboratoire-1.pdf

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