1 Guy Aznar 25 03 07 Les démarches analogiques et métaphoriques. 1) La Synectiq

1 Guy Aznar 25 03 07 Les démarches analogiques et métaphoriques. 1) La Synectique de W.J.J. Gordon Ce document prend pour base un livre ancien que l’on peut considérer comme un livre fondateur dans le domaine des techniques de créativité, dans la mesure où il décrit une démarche originale, spécifique, puissante, des processus facilitant l’invention. La démarche de Gordon est aussi importante que celle du brainstorming bien qu’elle en soit, sur plusieurs points, tout à fait opposée. Ce livre s’appelle (en français) : « Stimulations des facultés créatrices dans les groupes de recherche par la méthode Synectique 1». Quelques remarques : - le mot synectique utilisé par Gordon dans ce livre pour caractériser sa méthode est fabriqué à partir de racines grecques et signifie « combinaison de divers éléments hétérogènes ». Il faut remarquer que paradoxalement, le mot « synectique » qu’il invente ne correspond pas vraiment à la démarche qu’il décrit. La démarche consistant à combiner des éléments hétérogènes constitue, certes, l’une des voies les plus fécondes de la création, il a raison de le souligner. Mais celle que décrit Gordon dans son livre, en fait, n’est pas tout à fait « synectique ». Il s’appuie essentiellement sur une démarche analogique, métaphorique, qui consiste moins à « combiner » des éléments hétérogènes qu’à « déplacer » le problème dans un autre champ. Ironie de l’histoire, c’est en fait à la démarche proposée par Arthur Koestler sous le nom de « bissociation »2 qui consiste à faire se rencontrer deux univers de référence hétérogènes, que conviendrait le mieux le qualificatif de « synectique ». Nous la décrirons dans un article spécifique. - Ce livre est fondateur dans le domaine des techniques de créativité mais il est également fondateur dans mon expérience personnelle. Lorsque nous avons commencé à nous intéresser à la créativité et créé Synapse en 1966, nous avons cherché diverses sources d’information. Le brainstorming, à l’époque, nous paraissait banal. Nous avons découvert le livre de Gordon avec enthousiasme, nous l’avons dévoré et nous en avons fait notre « petit livre rouge ». Nous avons passé des soirées entières3 à expérimenter les 1 Publié chez Hommes et Techniques, en 1965, ce livre est aujourd’hui épuisé. C’est la traduction d’un ouvrage intitulé : « Synectics, the développement of creative capacity » Publié chez Harper et Row en 1961. 2 Arthur Koestler. « Le cri d’Archimède ». Calman Lévy. 1963 ? 3 Avec la bande de pionniers de l’époque, notamment Christian Aznar, Pierre Bessis, Gaston Ely, Gérard Lhote, etc… 2 mécanismes de Gordon qui sont à la base de l’expérience française de la créativité. Sous des noms différents, et avec quelques variantes, ces mécanismes sont toujours utilisés de nos jours par la plupart des animateurs. - L’analyse qui va être faite ici de la Méthode Synectique s’appuie sur un livre très ancien (1961). Depuis, une société appelée « Synectique » s’est créée et développée dans plusieurs pays. J’ignore le détail de ses modes d’intervention actuels et des méthodes qu’elle utilise, qui sont sans doute très différentes des exercices d’origine de Gordon. Les remarques qui suivent ne concernent donc en rien les activités de la Société Synectique actuelle, sur laquelle je ne porte aucun jugement puisque je ne la connais pas. Elles s’appuient exclusivement sur un livre de référence, considéré en lui-même, qui présente une approche originale de la créativité, et dont je fais le commentaire de texte. 11) L’origine de la méthode La méthode présentée par Gordon est l’aboutissement d’un long programme de recherches4. C’est là une première différence avec le brainstorming d’Osborn. Alors qu’Osborn a une démarche empirique : « observons que la création d’idées marche mieux dans telles conditions, découvertes empiriquement, et essayons de reproduire ce modèle » ; Gordon entreprend une recherche théorique approfondie « pour s’attaquer au mystère de l’invention » et pour comprendre ce qui se passe « au point précis de l’activité créatrice elle-même » sans chercher d’applications à court terme. Son propos est d’élucider « le moment mystérieux » où naissent les idées. Mystérieux « par suite d’une conception romanesque du génie individuel, par la difficulté de mesurer scientifiquement la démarche créatrice qui tend à faire croire qu’il s’agit d’un facteur personnel impossible à analyser ». L’activité créatrice, observe-t-il, a longtemps été obscurcie par les récits « où le créateur qui raconte son invention a tendance à brouiller les pistes par diverses considérations subjectives ». Les biographes, de leur côté, ont tendance à exagérer l’importance du génie individuel. «Le biographe qui romance entretient cette légende de l’inspiration soudaine et inexplicable en minimisant ce qu’elle doit au travail acharné et constant ». A l’inverse, la démarche synectique décrite par Gordon, se présente comme : « une théorie fonctionnelle visant à l’utilisation consciente des mécanismes psychologiques subconscients qui président à toute activité créatrice, élaborée en vue d’accroître les chances qu’un problème bien posé soit bien 4 Dans ses remerciements, Gordon cite notamment le soutien de, l’Université de Harvard, la Rockefeller Fondation, la société Arthur D Little, etc… 3 résolu par la connaissance des mécanismes à faire jouer pour arriver à des solutions novatrices ». Pour avancer dans la compréhension du mécanisme de l’invention, Gordon et son équipe ont commencé en 1944 par observer un sujet qu’on psychanalysait en même temps qu’on lui demandait d’inventer, « ce qui créait en lui un dédoublement en l’obligeant à prendre conscience de ses processus mentaux tout en poursuivant l’objectif qui lui avait été assigné » Il s’agissait de résoudre un problème d’instrumentation pour le Ministère de l’Air et le sujet avait été chargé d’inventer un cadran de nature à éliminer à la fois l’erreur de lecture et l’erreur mécanique. Tout en travaillant sur ce double problème, il prenait des notes et parlait devant des enregistreurs pour tenter de communiquer le film de son processus mental. D’un côté il cherchait des solutions à son problème, de l’autre il essayait de décrire les états psychologiques qui accompagnaient les différentes phases de sa recherche. L’analyse a permis de mettre en correspondance d’une part les phases conduisant à la découverte de la solution et d’autre part les états psychologiques correspondants. C’est ainsi que Gordon a relevé : - le détachement, l’impression d’être coupé, de devoir prendre du champ, - l’identification, la sensation procurée par le fait de se sentir « comme un ressort » - la temporisation, le besoin de ne pas chercher trop vite à aboutir, - la spéculation, la tendance à laisser l’esprit vagabonder, - l’autonomie de l’idée, l’impression que l’idée vit toute seule, sans moi, Gordon et son équipe souhaitaient s’assurer que ces phénomènes n’étaient pas liés à la personnalité du sujet observé et ils ont commencé en 1945 une série d’interviews systématiques de personnalités de l’Art et de la Science. La récapitulation de toutes les réponses révéla un haut degré de corrélation entre les expériences de tous les interviewés. Après dépouillement il apparut que les quatre aspects du processus psychologiques (détachement, identification, temporisation, spéculation, autonomie de l’idée) étaient suffisamment universels pour qu’on puisse s’en servir dans des situations de résolution de problème. Plus tard, écrit-il « nos recherches nous amenèrent à sonder les similitudes de l’activité créatrice dans le domaine de l’Art et dans celui de la Science ». Plusieurs années de suite5 des expériences furent pratiquées sur un groupe de douze à vingt artistes et savants invités pour la saison d’été. « Cette expérience nous éclaira sur un moyen de recherche fécond : 5 Expériences de Rockpool à partir de 1948 4 l’utilisation du groupe et non de l’individu. Depuis, le groupe est resté le meilleur moyen expérimental pour approfondir nos connaissances du mécanisme de la création ». Conséquences concrètes : « En passant en revue les enregistrements des séances fructueuses en découvertes nous sommes parvenus lentement et laborieusement à isoler des schémas nets et réitérés de l’activité mentale associée au processus d’invention ». Ces enquêtes ont été menées de front avec un vaste travail de compilation littéraire. «Notre programme de recherche comportait l’étude d’ouvrages classiques (Freud, Aristote, James, etc… ; d’autobiographies (Einstein, Goethe, Coleridge, Edison, Poincaré, etc…). Puis nous sommes dirigés vers l’étude des mécanismes de l’invention en technologie. En effet, l’invention technologique, tout autant subjective dans sa genèse que la création artistique, est plus facile à évaluer objectivement ». L’étape suivante des recherches, indique Gordon, « fut la constitution en 1952 d’un groupe opérationnel dans la firme Arthur D. Little. Ce premier groupe d’invention technologique était chargé de trouver des innovations ». Quelques remarques sur cette information anodine : - alors que les recherches de Gordon ont commencé en 1944, il lui a fallu huit ans pour commencer le premier travail d’application. C’est vraiment l’inverse d’une démarche utilitaire à la Osborn ! Huit ans de travail de recherches théoriques sur la créativité avant la moindre application industrielle rentable, c’est un cas d’école qui mérite d’être souligné ! - Gordon a commencé la mise en œuvre de la créativité opérationnelle dans le secteur de l’innovation technologique. Là aussi, c’est un point de différence avec le brainstorming qui, à ses uploads/Science et Technologie/ synectique-analogies-et-metaphores-g-aznar-3.pdf

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