LACAN ET LA PSYCHIATRIE Lacan et les psychiatres Jacques Sédat L’Esprit du temp
LACAN ET LA PSYCHIATRIE Lacan et les psychiatres Jacques Sédat L’Esprit du temps | « Topique » 2004/3 no 88 | pages 37 à 46 ISSN 0040-9375 ISBN 2847950400 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-topique-2004-3-page-37.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour L’Esprit du temps. © L’Esprit du temps. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © L?Esprit du temps | Téléchargé le 23/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 157.100.174.169) © L?Esprit du temps | Téléchargé le 23/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 157.100.174.169) Cet article est disponible en ligne à l’adresse : http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=TOP&ID_NUMPUBLIE=TOP_088&ID_ARTICLE=TOP_088_0037 Lacan et la psychiatrie. Lacan et les psychiatres par Jacques SÉDAT | L’Esprit du Temps | TOPIQUE 2004/3 - N°88 ISSN 0040-9375 | ISBN 2-8479-5040-0 | pages 37 à 46 Pour citer cet article : — Sédat J., Lacan et la psychiatrie. Lacan et les psychiatres, TOPIQUE 2004/3, N°88, p. 37-46. Distribution électronique Cairn pour L’Esprit du Temps. © L’Esprit du Temps. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. © L?Esprit du temps | Téléchargé le 23/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 157.100.174.169) © L?Esprit du temps | Téléchargé le 23/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 157.100.174.169) Avant d’entrer dans le vif du sujet, il me paraît important de faire un détour par Freud et par Jung. Sigmund Freud était neurologue et non psychiatre, et la naissance de la psychanalyse est liée non pas à la clinique psychiatrique et à la maladie mentale mais à son travail dans des cliniques privées, ainsi qu’il s’en explique dans l’épicrise du cas Elisabeth von R. : « Je n’ai pas toujours été psychothérapeute – Psychotherapeut –, mais j’ai été formé aux diagnostics locaux et à l’électrodiagnostic comme les autres neuropathologistes et je suis encore moi-même singulièrement étonné de ce que les histoires de malades – Kranken geschichten – que j’écris se lisent comme des nouvelles, des récits singuliers – Novellen – et qu’elles soient dépourvues pour ainsi dire du caractère sérieux de la scientificité – Wissenschaftlichkeit. Je dois me consoler du fait que la nature de l’objet est manifestement responsable de ce résultat et non mon choix personnel ; le diagnostic local et les réactions électriques n’ont aucune valeur pour l’étude de l’hystérie, tandis qu’une présentation – Darstellung – approfondie des processus psychiques – seelischen Vorgänge –, à la façon dont elle nous est donnée par le poète – Dichter –, me permet, par l’emploi de quelques rares formules psychologiques, d’obtenir une certaine intelligence du déroulement d’une hystérie. De telles histoires de malades – Kranken geschichten – doivent être considérées comme psychiatriques, mais elles ont sur celles-ci un avantage, précisément la relation étroite entre l’his- toire de la souffrance – Leidensgeschichte – et les symptômes de la maladie – Krankheitssymptomen –, relation que nous cherchons en vain dans les biogra- phies d’autres psychoses. »1 Cela lui permit de mettre à jour le ressort de Lacan et la psychiatrie. Lacan et les psychiatres Jacques Sédat Topique, 2004, 88, 37-46. 1. Sigmund Freud, Études sur l’hystérie, 1895, P.U.F., pp. 127-8 (traduction de J. Sédat). © L?Esprit du temps | Téléchargé le 23/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 157.100.174.169) © L?Esprit du temps | Téléchargé le 23/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 157.100.174.169) 38 TOPIQUE l’hystérie : « L’hystérique souffre principalement de réminiscences »2, c’est-à- dire de représentations psychiques liées à son histoire personnelle. Quant au transfert, corrélatif de l’hystérie, ce n’est qu’un déplacement de représenta- tions qui trouvent enfin leur adresse dans l’analyste. Tout se passe donc pour Freud dans le cadre d’une relation qui est mutative. En outre, par tempérament, Freud était plus attiré par la démarche de scien- tifique et de chercheur (Forscher) que par la démarche médicale de soins, ce qui l’a détourné subjectivement de la psychose et de la psychiatrie. C’est ce dont témoigne sa fameuse lettre à Istvan Hollos du 10 avril 1928 : « Finalement, je me suis avoué à moi-même que je n’aime pas ces gens malades, que je leur en veux de les sentir si loin de moi et de tout ce qui est humain. » Et il ajoute que ce manque de sympathie pourrait être « une conséquence d’un préjugé toujours plus puissant qui accorde le primat à l’intellect, une hostilité envers le Ça ».3 Cette position d’antipathie, cette peur de la rencontre avec le psychotique, laisseront donc longtemps la psychose hors du champ de la psychanalyse. Mais sans doute la psychanalyse avait-elle besoin de naître et de se déployer hors du domaine de la psychiatrie. Quant à Carl Gustav Jung (1875-1961), psychiatre formé à la clinique psychiatrique du Burghölzli à Zürich auprès de Eugen Bleuler 4, il se montre d’emblée ouvert à la psychose, et plus particulièrement à la dementia praecox, décrite par Bleuler, et qui devient avec lui la schizophrénie. Sa tradition familiale de piétisme protestant, son goût du spiritisme le rendent réceptif à la schizo- phrénie et au royaume du Ça. C’est d’ailleurs ce qui fascine Freud dès sa première rencontre avec Jung. C’est avec Jacques Lacan (13 avril 1901 – 9 septembre 1981) qu’un lien nouveau va s’instaurer avec la psychiatrie et les psychiatres. Tout au long de sa formation, il fréquente de nombreux psychiatres et il gardera des relations profondes et durables avec plusieurs d’entre eux. Le Professeur Henri Claude5 fut le premier maître en psychiatrie de Lacan à l’hôpital Sainte-Anne, entre 1927 et 1931. Face aux théories de l’hérédité, du facteur constitutionnel et de la simulation, H. Claude se situait du côté de la psychiatrie dynamique. Ce sont sous ses auspices et non sous les auspices de 2. Ibid., p. 5. 3. In Eva Brabant-Gerö, Ferenczi et l’école hongroise de psychanalyse, L’Harmattan, 1993, pp. 174-175. 4. Eugen Bleuer (1857-1939): de 1898 à 1927, année de sa retraite, il succéda àAuguste Forel à la chaire universitaire du Burghölzli, mondialement connue, où il eut pour assistants Karl Abraham, Ludwig Binswanger, Carl Gustav Jung et Eugène Minkowski. 5. Henri Claude (1869-1945): a occupé la chaire de la clinique des maladies mentales de 1922 à 1939, à l’hôpital Sainte-Anne. Il a eu une conception à la fois dynamique et psychobiologique des maladies mentales. Ouvert à la psychanalyse qu’il soutenait, il eut pour assistants Laforgue, Borel, Cénac, Lacan, Loewenstein, Nacht et de Saussure. © L?Esprit du temps | Téléchargé le 23/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 157.100.174.169) © L?Esprit du temps | Téléchargé le 23/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 157.100.174.169) JACQUES SEDAT – LACAN ET LA PSYCHIATRIE. LACAN ET LES PSYCHIATRES 39 Freud, que fut lancée la Revue française de psychanalyse en 1927, afin de marquer le lien étroit que les premiers psychanalystes souhaitaient entretenir avec la psychiatrie. Jacques Lacan fut également l’élève de Gaëtan Gatian de Clérambault 6, à L’Infirmerie spéciale de la Préfecture de police, en 1928-29. Il a pu dire de lui qu’il fut « son seul maître en psychiatrie »7, avant de préciser « pour l’obser- vation», puisqu’il le critique fondamentalement dans sa thèse, même s’il estime que par son «magnifique éventail des structures qui va des dits «postulats» des délires passionnels aux phénomènes dits basaux de l’automatisme mental... il a fait plus que quiconque pour la thèse psychogénétique »8. Il fut aussi en relation avec Eugène Minkowski (1885-1972), psychiatre et philosophe d’origine russe formé au Burghölzli à Zürich auprès de Bleuler et naturalisé français en 1918. E. Minkowski est l’auteur d’une thèse de philo- sophie sur Le Temps vécu en 1933. Il fonde en 1925 L’Évolution psychiatrique avec les psychanalystes français, René Laforgue (1894-1962) etAngelo Hesnard (1886-1969). Il ne se contente pas d’introduire en France Eugen Bleuler, mais il fait aussi découvrir la psychiatrie phénoménologique de Karl Jaspers 9 dont la Psychopathologie générale est traduite en français en 1928, ainsi que la pensée de Binswanger10. Minkowski est également l’auteur d’un Traité de psychopathologie, paru en 194811. Lacan rendra compte de son livre sur Le temps vécu et assurera l’hommage mortuaire de Françoise Minkowska, son épouse décédée en 1950, au nom de l’Évolution psychiatrique et de Henri Ey. Détail curieux : ces deux textes ne sont pas mentionnés dans uploads/Sante/ 09-top-088-0037.pdf
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- Publié le Dec 05, 2021
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
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