Auto-diagnostic et stratégie du patient : généraliste et/ou spécialiste ? Phili
Auto-diagnostic et stratégie du patient : généraliste et/ou spécialiste ? Philippe Abecassis, (Forum, Université Paris-X, et GEAPE, Université d’Angers) Frédéric Gannon ( Modem, Paris-X, Nanterre et Université du Havre) Résumé L'objectif du papier consiste en l'analyse des motivations d'un patient relatives à la consultation directe d'un médecin spécialiste, en fonction de ses symptômes, de son degré de confiance intrinsèque en son auto-diagnostic et de son aversion à la morbidité. Nous proposons pour ce faire une heuristique de sa stratégie de choix de praticien –généraliste ou spécialiste- au cours d'un épisode de maladie donné, conditionnée simultanément par ces caractéristiques personnelles et la réponse du praticien consulté. Nous construisons une procédure de révision automatique de la confiance en son auto-diagnostic basée sur la "distance" entre celui-ci et diagnostic proposé par le médecin consulté. Une typologie des patients peut ainsi être proposée, permettant, dans le cadre d'une modélisation purement analytique, d'analyser de manière partielle le problème de la consultation multiple et de la "résistance" éventuelle du patient au diagnostic du médecin, qu'il soit généraliste ou spécialiste. Nous pouvons ainsi en particulier mesurer l'effet qualitatif individuel d'une amélioration de la diffusion des connaissances médicales au seins de la population : toutes choses égales d'ailleurs, si les patients utilisent cette connaissance pour se forger un auto-diagnostic, la probabilité de consultation directe d'un spécialiste correspondant à cet auto-diagnostic tendra à augmenter. Abstract The aim of this paper is to analyze a patient's motivation relative to direct consultation of a specialist, according to his symptoms, his self-confidence in his auto-diagnosis and his aversion toward illness. We propose then a heuristics of his choice of a doctor –either General Practitioner or Specialist- strategy, during a given illness episode, which is based simultaneously by these personal characteristics and the doctor's answer. An automatic revision procedure for the autodiagnosis is built which lies on the "distance" between the latter and the currently consulted doctor's diagnosis. A typology of the patients can then be derived, which allows a formal partial analysis of the multiconsultation problem linked with the "resistance" of the patient to the MD's diagnosis. This helps in turn to evaluate the qualitative consequences on the patient of a better diffusion of global medical knowledge among population. Ceteris paribus, if patients use this knowledge to build themselves autodiagnosis, likeliness of direct consultation of a specialist will tend to increase. 1 INTRODUCTION Le médecin généraliste est, en principe, le premier acteur de la sphère médicale qu'un patient est amené à consulter lorsque se déclarent les symptômes d'une maladie. Ce choix n’est pourtant pas toujours celui observé. Les patients, forts de leurs croyances, se dirigent fréquemment directement vers un spécialiste. Or plus que toute autre, cette stratégie est génératrice de dépenses. Paradoxalement, peu d’études mesurent effectivement cette stratégie, comme le soulignent (Mehrez, A., Y. Yuan and A. Gafni, 1995) concernant la stratégie de recherche d’informations complémentaires après diagnostic du médecin généraliste. Les études existantes, s’appuyant principalement sur des travaux internes à la CNAM mesurent exclusivement le nomadisme1 au sein d’une même spécialité et se cantonnent le plus souvent aux seuls omnipraticiens. Or de l’aveu même de ces travaux, le “vrai” nomadisme reste très limité, même chez les omnipraticiens. Ainsi, le document de recherche de la CNAMTS (1992)2 met en exergue un nomadisme médical brut de l’ordre de 37 %. Pourtant, en y regardant de plus près, l’étude précise que parmi les 36.9 % de patients qui ont consulté au moins 2 généralistes, 43.1 % l'ont fait dans les 15 jours. Et parmi ceux ci, seuls 10 % sont de vrais nomades, les autres ont de bonnes excuses (cas de force majeure, urgence, nuit, médecin traitant absent, etc.). Au total, uniquement 1.6 % de l'échantillon des assurés doivent être considérés comme de véritables nomades. Le nomadisme authentique, bien que non nul, semble restreint. Ce résultat semble confirmé par les études portant sur le nombre de séances de médecins, dans les 15 jours, pour un même épisode de soins (BREUIL-GENIER 1998, 1999). La fréquence de renvoi du malade vers un autre confrère (généraliste ou spécialiste) est faible (moins de 6 %). On peut avancer l’hypothèse que cette faiblesse indiquerait qu’une partie des patients consulte directement un spécialiste. Le principe de l’option de médecin référent ne s’y trompe pas puisque le contrat signé entre un patient et son omnipraticien, qui devient alors son médecin référent, stipule que le patient s’engage « à recourir en première intention à son médecin référent pour toute demande de soins, sauf cas de force majeure ». Clause qui semble d’ailleurs être le principal obstacle à l’adhésion des patients au dispositif de médecins référents (AGUZZOLI & alii, 1999). Une contradiction apparaît entre cette clause limitant fortement la liberté de choix des patients, qui doivent s’en remettre, pour consulter un spécialiste, au seul jugement de leur médecin référent et la multiplication de l’information mise à leur disposition. Celle-ci contribue à renforcer les croyances des patients sur leurs maladies supposées et les thérapies associées. 1 Le nomadisme désignant dans ce cas la pratique de consultation successive de plusieurs praticiens d’une même spécialité, sans nécessité médicale. 2 Ce document, qui prend appui sur le fichier EPAS, est le seul et le dernier en date à traiter directement du nomadisme médical. Il porte sur l’année 1990 et sur la clientèle des omnipraticiens. 2 En effet, le patient (comme l’économiste) est forgé à l’esprit bayésien pour lequel une information ne peut détériorer le jugement. Dans cet esprit, la différence entre patient et praticien se restreint à la seule asymétrie d’information. En comblant le vide informationnel, le patient pense donc pouvoir se substituer à son médecin soit partiellement, en sélectionnant la spécialité qui lui apparaît adéquat, soit totalement en pratiquant de l’automédication. Cet article se propose de jeter les bases d’une axiomatique du parcours menant le patient à un tel comportement d’automédication en se fondant sur l’analyse que ce dernier fait de ses symptômes, sur le degré de confiance intrinsèque du patient en son auto-diagnostic et sur son aversion à la morbidité. Nous proposons pour ce faire une heuristique de la stratégie du choix du patient –généraliste ou spécialiste- au cours d'un épisode de maladie donné, conditionnée simultanément par ces caractéristiques personnelles et la réponse du praticien consulté. Cette heuristique peut-être résumée de la façon suivante : un patient présentant certains symptômes dispose a priori de deux ''stratégies'' dans un système libre : soit consulter un médecin généraliste, soit consulter directement un spécialiste. Dans le premier cas, en fonction du diagnostic, il est éventuellement adressé à un confrère spécialiste, en fonction du degré de gravité estimé de la maladie et de l'aptitude du médecin généraliste à la traiter. Dans le second cas, soit le spécialiste se déclare'' incompétent'' (le patient n'offre pas une pathologie de la spécialité), soit il établit un diagnostic. Dans la première éventualité, le patient, ne disposant que d'une information négative (élimination d'une spécialité), a de nouveau le choix entre les deux stratégies initiales. Il peut ainsi continuer sa recherche personnelle du spécialiste ''adapté'' (en cas de pathologie réelle), entraînant la répétition d'un coût fixe de consultation, ou consulter un généraliste. Une variable déterminante du choix du patient est son degré de confiance dans son auto-diagnostic ; la probabilité que le patient consulte directement un spécialiste est proportionnelle à ce degré de confiance : s'il ne fait pas d'auto-diagnostic ou si la confiance qu'il accorde à celui-ci est faible, il consultera un généraliste, du fait de l'incertitude sur le spécialiste à consulter. 2. NOTATIONS ET HYPOTHÈSES DE BASE Une maladie est référencée dans un "catalogue" donnant la liste des symptômes3 ou un syndrome4 permettant son diagnostic. Les symptômes objectifs localisent la maladie dans l'espace des maladies, tandis que les symptômes subjectifs sont la traduction vécue de ces symptômes objectifs par le patient, qui les expose au praticien. Une asymétrie fondamentale caractérise ainsi la relation patient- praticien, au cours de la consultation. Le second doit ausculter, c'est-à-dire écouter le patient, qui lui expose de manière subjective ses symptômes somatiques, réels 3 Phénomène, caractère perceptible ou observable lié à un état ou à une évolution (le plus souvent morbide) qu'il permet de déceler. On distingue les symptômes subjectifs : troubles perçus et signalés par le patient des symptômes objectifs: découverts par le médecin. 4 Association de plusieurs symptômes, signes ou anomalies constituant une entité clinique reconnaissable, soit par l'uniformité de l'association des manifestations morbides, soit par le fait qu'elle traduit l'atteinte d'un organe ou d'un système bien défini. 3 ou non. Dans cette section, nous tentons de préciser de manière axiomatique les termes essentiels de la relation patient-praticien. 1.1. Maladie Soit x M=1,…,m, où x désigne une maladie répertoriée et M l'espace de maladies tel que l'état de l'art le décrit à la même date. M est fini et dénombrable, m représentant le nombre de maladies, ou le cardinal de M. Les maladies sont plus ou moins graves, en terme d'espérance de guérison, et peuvent être partitionnées selon des spécialités médicales précises. 1.2. Symptômes Les symptômes objectifs irréductibles ou unitaires sont des "signaux" de morbidité répertoriés uploads/Sante/ 2001-abecassis-ganon-com-ces-auto-diagnostic-et-strategie-du-patient.pdf
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- Publié le Mai 21, 2022
- Catégorie Health / Santé
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