Risques sanitaires et société Anses • Bulletin de veille scientifique n° 30 • S

Risques sanitaires et société Anses • Bulletin de veille scientifique n° 30 • Santé / Environnement / Travail • Octobre 2016 e64e Quels sont les impacts positifs et négatifs des nouvelles technologies sur notre sommeil ? Joy PERRIER et Marie-Laure BOCCA | perrier-j@phycog.org Inserm – Comete U1075 – Caen - France Mots clés : sommeil, smartphones, écrans, applications, diagnostic L’emploi des nouvelles technologies est croissant et particulièrement au cours de la dernière décennie. Nous utilisons notamment nos smartphones quotidiennement. Parmi les domaines de santé publique au cœur des préoccupations, le sommeil est concerné par ces nouvelles technologies. En effet, l’utilisation des smartphones au moment du coucher peut perturber le sommeil, comme l’ont montré de nombreuses études évaluant les effets de l’utilisation des téléphones mobiles sur le sommeil des enfants et adolescents (1–5). Ces effets restent toutefois à évaluer chez l’adulte car peu d’études se sont intéressées à cette tranche de la population. L’étude d’Exelmans et Van den Bulck (2016) traite de ce sujet et est commentée dans cette note. D’un autre côté, les nouvelles technologies et les smartphones peuvent également jouer un rôle bénéfique sur notre sommeil. Notamment, des applications ludiques de smartphones nous sont proposées afin de permettre de suivre l’évolution du sommeil, même si leur fiabilité reste encore mal évaluée à ce jour. La publication de Bhat et al. (2015) évalue de façon pertinente la fiabilité d’une application iPhone très populaire, appelée Sleep Time. Enfin, des applications développées en collaboration avec des cliniciens pourraient également être utilisées comme des outils de diagnostic médical et/ou de suivi dans le cadre des pathologies du sommeil ; cela est par exemple décrit et testé dans la publication d’Isetta et al. (2015). Utilisation des téléphones mobiles au moment du coucher et sommeil chez l’adulte. Exelmans L, Van den Bulck J. Bedtime mobile phone use and sleep in adults. Soc Sci Med. 2016;148:93-101. Résumé Les quelques études qui se sont attachées à étudier la relation entre l’utilisation du téléphone mobile et le sommeil, ont été réalisées majoritairement chez les enfants et les adolescents. Chez les adultes, peu d’informations sont disponibles quant à l’utilisation du téléphone mobile au moment du coucher après l’extinction des lumières. Cette étude transversale a été réalisée afin d’analyser l’association qui pourrait exister entre l’utilisation du téléphone mobile au moment du coucher et la qualité du sommeil chez l’adulte. Un groupe de 844 adultes (18-94 ans) a été constitué suivant un processus aléatoire de sélection en deux étapes (sélection par villages, puis par logement individuel); ces volontaires ont répondu à un questionnaire sur l’utilisation de médias électroniques et des habitudes de sommeil. Des mesures de la qualité du sommeil, de la fatigue diurne et d’insomnie ont été réalisées en utilisant respectivement l’index PSQI (Pittsburg Sleep Quality – PSQI*), l’échelle de mesure de fatigue (Fatigue Assessment Scale – FAS*) et l’échelle d’insomnie de Bergen (Bergen Insomnia Scale – BIS*). Les données ont été analysées, d’une part, via des corrélations permettant d’établir un lien entre l’utilisation du téléphone mobile au coucher et les variables de sommeil et, d’autre part, via des régressions permettant de déterminer dans quelle mesure l’utilisation du téléphone mobile au coucher pouvait prédire les résultats issus des variables de sommeil. La moitié des participants ayant répondu, étaient en possession d’un « smartphone » et environ 60% d’entre eux prenaient leur téléphone mobile dans leur chambre. Le fait de recevoir/envoyer des messages écrits et/ou des appels téléphoniques après extinction des lumières était associé de façon significative au score des participants au PSQI, en particulier avec une plus longue latence d’endormissement et une moins bonne efficacité du sommeil (score calculé en divisant le temps total de sommeil par le temps passé au lit, en minutes). Le fait d’utiliser le téléphone mobile au moment du coucher était lié à une heure d’endormissement plus tardive chez ces participants ainsi qu’à un score d’insomnie plus élevé et une fatigue plus importante. L’âge avait un effet modérateur significatif sur la relation entre l’utilisation du téléphone mobile au moment du coucher et la fatigue, l’heure de lever et la durée du sommeil. Une augmentation de l’utilisation du téléphone mobile au moment du coucher était associée à une plus grande fatigue et une heure de lever plus tardive chez les participants les plus jeunes (ceux âgés de moins de ≤ 41,5 ans et ceux âgés de moins de ≤ 40,8 ans, respectivement). En revanche, cette même augmentation dans l’utilisation du téléphone mobile au moment du coucher était associée chez Quels sont les impacts positifs et négatifs des nouvelles technologies sur notre sommeil ? Joy PERRIER et Marie-Laure BOCCA Risques sanitaires et société Anses • Bulletin de veille scientifique n° 30 • Santé / Environnement / Travail • Octobre 2016 e65e les participants les plus âgés (≥ 60,15 ans et ≥ 66,4 ans, respectivement), à une heure de lever plus précoce et à une durée de sommeil plus courte. En conclusion, les résultats de cette étude suggèrent que l’utilisation du téléphone portable au moment du coucher est liée à une moindre qualité du sommeil ainsi qu’à une durée de sommeil plus courte chez l’adulte. Ces effets méritent donc une attention particulière, d’autant plus que les fonctionnalités des téléphones mobiles évoluent rapidement et de façon exponentielle. Commentaire Les résultats de cette étude belge réalisée avec ce groupe de participants adultes sains montrent l’existence d’un lien entre l’utilisation du téléphone mobile au moment du coucher et la qualité du sommeil. En particulier, l’utilisation du téléphone mobile au moment du coucher, que ce soit pour échanger des messages textes ou effectuer des appels téléphoniques, est associée à une moins bonne qualité du sommeil, à plus de symptômes d’insomnie avec une plus grande fatigue diurne. Les effets semblent cependant modérés selon l’âge. La force des associations entre les paramètres se réduit quand il s’agit de participants plus âgés puisque l’utilisation du téléphone mobile au moment du coucher se réduit avec l’avancée en âge. De plus, les participants les plus âgés semblent se lever plus tard et/ou dormir plus longtemps pour compenser un coucher tardif par rapport aux participants les plus jeunes. Les auteurs de cette étude donnent donc de premières réponses quant à l’existence d’un lien négatif entre l’utilisation du téléphone mobile au moment du coucher chez l’adulte et la qualité du sommeil. Cette étude souffre cependant de certaines limites. La première est le taux de réponse de 43% réduisant ainsi la représentativité des résultats à l’ensemble de la population. La seconde concerne l’estimation des différents paramètres du sommeil. En effet, les variables relatives au sommeil ont été obtenues à partir de questionnaires. Il est bien connu que les caractéristiques du sommeil souffrent de biais d’estimation puisque les variables subjectives et les variables objectives obtenues par enregistrements actimétriques ou polysomnographiques diffèrent. Bien que la polysomnographie* soit difficilement envisageable du fait de son coût pour un nombre élevé de participants, l’actimétrie* pourrait fournir des données objectives sur les paramètres de sommeil. Une autre limite concerne les variables caractéristiques des participants, puisqu’hormis les données relatives au niveau d’études, aucune information n’est disponible sur les facteurs psychosociaux qui pourraient être des facteurs confondants (6). Enfin, des questionnaires relatifs à l’utilisation du téléphone mobile auraient permis de donner des explications supplémentaires relatives au comportement des participants comme cela a été fait chez les adolescents dans l’étude de Bruni et al. (7). Les applications ‘spécial sommeil’ des smartphones ont-elles un rôle clinique ? Comparaison des cycles du sommeil enregistrés sous application Smartphone et par polysomnographie. Bhat S, Ferraris A, Gupta D, Mozafarian M, DeBari VA, Gushway- Henry N, et al. Is There a Clinical Role For Smartphone Sleep Apps? Comparison of Sleep Cycle Detection by a Smartphone Application to Polysomnography. J Clin Sleep Med. 2015;11(7):709-15. Résumé Plusieurs applications smartphones, bon marché et facilement accessibles, proposent un suivi du sommeil en temps réel, ce qui les a rendues populaires. Cependant, la fiabilité de ces applications reste inconnue, ce qui limite leur utilisation clinique. Cette étude a été réalisée afin d’évaluer la validité des paramètres enregistrés par l’application pour iPhones Sleep Time (Azumio, Inc., Palo Alto, CA, USA). Vingt volontaires sans pathologie du sommeil ont eu leur sommeil d’enregistré en laboratoire par polysomnographie (PSG), simultanément à l’utilisation de l’application. Les paramètres rapportés par l’application ont ensuite été comparés à ceux obtenus par PSG. Une analyse a été réalisée en divisant les données issues de la PSG et du graphique de l’application smartphone en tranches (découpage du signal en périodes de durées identiques) de 15 minutes chacune. Aucune corrélation entre la PSG et l’application smartphone n’a été trouvée pour les paramètres d’efficacité du sommeil, de pourcentage de sommeil léger, de pourcentage de sommeil profond et de latence d’endormissement. L’application smartphone sous-estimait significativement le sommeil léger de 27,9%, et surestimait significativement le sommeil profond de 11,1% et la latence d’endormissement de 15,6 min. Une comparaison par tranche a montré une faible précision globale (49,5%) due à une mauvaise discrimination entre les phases de sommeil, mais a révélé une forte précision dans la détection des périodes veille-sommeil (85,9%). L’application avait une haute uploads/Sante/ bvs-mg-030-perrier-bocca.pdf

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  • Publié le Jul 21, 2022
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
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