175 Déshydratations aiguës 1. Données préliminaires 1.1 Mécanismes Plus un enfa

175 Déshydratations aiguës 1. Données préliminaires 1.1 Mécanismes Plus un enfant est jeune, plus il est vulnérable face à une DA. Cela tient à certaines particularités : l’enfant dépend des autres pour la fourniture de ses besoins hydriques ; l’eau totale correspond chez lui à 65-80 % du poids corporel (60 % chez l’adulte) ; le secteur extracellulaire représente 45 à 60 % de l’eau totale (pour 35 % chez l’adulte) ; un nourrisson renouvelle le volume de son secteur extracellulaire tous les 2 jours, alors que l’adulte le fait tous les 5 jours. Les déshydratations reten- tissent ainsi préférentiellement sur le secteur extracellulaire, donc sur la volémie. Enfin, avant 18 mois, il existe une fragilité cérébrale accrue face à l’hyperosmolarité. 1.1.1 Déficit en eau et en sel Il permet de définir plusieurs types de DA. Isotonique ou isonatrémique (natrémie 135 à 145 mmol/L) La perte d’eau est proportionnelle à la perte de sel. Il y a des signes d’hémoconcentration. C’est la forme la plus commune, représentant environ 80 % des DA. Hypertonique ou hypernatrémique (natrémie > 150 mmol/L) L’enfant a perdu plus d’eau que de sodium. Une hyperglycémie modérée est souvent associée. L’hyper- tonicité plasmatique attire l’eau intracellulaire vers le secteur extracellulaire, favorisant ainsi le maintien d’une volémie suffisante. Le collapsus est retardé, faisant peut-être sous-estimer la gravité de ce type de déshydratation. Au niveau céré- bral, les cellules risquent d’être dangereusement déshydratées. Si l’hypernatrémie s’est installée progressivement, les cellules, afin de limiter leur dessiccation, se sont adaptées en dépolymérisant certaines molécules, créant des « osmoles idio- gènes ». Celles-ci persistent après abaissement de l’osmolarité plasmatique. S’il y a un trop fort gradient osmotique lors de la correction, un œdème cérébral peut se constituer, responsable de convulsions, de coma, voire d’engagement. La correction des désordres en cas de déshydratation hypertonique doit être progressive. Hypotonique ou hyponatrémique (natrémie < 130 mmol/L) L’enfant a perdu plus de sodium que d’eau. Elle se rencontre dans certaines diarrhées aiguës, dans le syndrome de perte de sel par tubulopathie, ou dans l’insuffisance surrénalienne. C’est une variété sévère par sa tendance au collapsus. Le plus souvent, elle apparaît lors de corrections humorales inadé- quates (trop d’eau ou pas assez de sodium). 1.1.2 Acidose métabolique (Voir chap. B.41.) Elle peut accompagner les DA. Son origine est multifactorielle : production d’acide lactique par hypoxie et ischémie tissulaires dues à l’hypovolémie, perte de bicarbonates lors de diarrhées, défaut d’éli- mination d’ions (H+) par insuffisance rénale. 1.2 Causes Les pertes hydriques causales des DA sont de trois types (tableau 39.1). La déshydratation aiguë (DA) se définit comme un déficit aigu en eau des compartiments de l’organisme. Ses formes les plus graves menacent de façon immédiate la vie de l’enfant par collapsus hypovolémique. Des séquelles, consécutives aux troubles hydro-électrolytiques ou à l’altération de l’hémodynamique et de l’oxygénation tissulaire, peuvent grever l’avenir neurologique ou rénal. Le traitement de la DA est une urgence en toute situation, et une extrême urgence en cas de troubles hémodynamiques. Si la forme la plus fréquente survient chez le nourrisson et complique une gastro-entérite aiguë, d’autres DA peuvent être liées à des affections aussi diverses qu’un diabète, une néphropathie, ou la constitution d’un troisième secteur. 39 CLINIQUE 176 Les pertes extrarénales, en particulier digestives par gastro-entérite aiguë, sont les plus fréquentes. Elles s’accompagnent d’une diminution de la concentra- tion urinaire de sodium < 20 mmol/L, du fait de l’aldostérone. La connaissance de la composition des différents liquides biologiques est une aide, supplémen- taire, à la prise en charge thérapeutique d’une déshydratation (voir chap.C.7). Les carences d’apports sont beaucoup plus rares, apparaissant lors de vomissements incoercibles, chez des encéphalopathes ou lors de manque de soins. 2. Principales situations rencontrées en pratique 2.1 Déshydratation aiguë avec choc hypovolémique Le diagnostic de l’état de choc et de la déshydrata- tion est rapide car il est clinique. 2.1.1 État de choc (Voir chap. B.26.) Il doit se reconnaître, lorsqu’il est compensé, dès la présence de signes périphériques : pâleur et refroi- dissement des extrémités, augmentation du temps de recoloration cutanée (celui-ci est obtenu après une compression de 5 secondes – chronomètre en main – de l’éminence thénar ou hypothénar ; il est normalement inférieur à 3 secondes), marbrures cutanées, pouls petit, filant, rapide (tachycardie), tachypnée (les fréquences cardiaque et respiratoire devant être interprétées selon l’âge de l’enfant), somnolence, oligurie. À ce stade, la pression arté- rielle (dont les valeurs sont également à interpréter en fonction de l’âge) est souvent conservée, voire élevée, mais avec une pression différentielle pincée. La constatation d’une hypotension artérielle témoigne d’un stade de gravité supérieur de collapsus, et peut mettre en jeu le pronostic vital de façon immédiate, car un arrêt circulatoire est susceptible de survenir à tout moment (voir chap. B.25). 2.1.2 Signes de déshydratation associés Ils sont le plus souvent évidents : teint gris, yeux cernés, persistance du pli cutané, muqueuses sèches, soif, fontanelle antérieure creuse, dans un contexte étiologique évocateur (diarrhée aiguë profuse). 2.1.3 Gestes immédiats Il faut d’urgence rétablir une volémie efficace. Il importe de mettre en place une voire deux voies veineuses périphériques de fort calibre. À défaut d’y parvenir en moins de 3 minutes, on doit recourir à un abord vasculaire intra-osseux très rapide (voir chap. C.36). Cela permet de débuter une expansion volémique, en passant en moins de 20 minutes 15 à 20 mL/kg de colloïdes : gélatines synthétiques modifiées ou hydroxy-éthyl-amidons, ou 30 à 50 mL/kg de sérum physiologique en 30 à 45 min (tableau 39.2). Il faut savoir accélérer à la demande le débit dans les cas, heureusement rares, de collapsus sévère. Dans ce contexte, prélèvement sanguin préalable et pesée sont à différer jusqu’à récupération d’une hémodynamique plus sûre (la pesée montrant alors une perte de poids > 10 %, voire  15 % du poids antérieur). Secondairement, dans les cas où il a fallu prendre une voie osseuse, ou si un abord périphérique ne paraît pas sûr, pourra être réalisée la pose d’un cathéter veineux central, jugulaire interne, sous-clavier ou fémoral. La pose directe d’un cathéter central dans cette situation est souvent difficile et consomme du temps. De plus, elle peut précipiter la survenue d’un collapsus ou d’un arrêt circulatoire chez un enfant dont l’hémodyna- mique n’a pas été stabilisée auparavant. Sous l’effet de l’expansion volémique initiale, l’évo- lution est en règle générale favorable : élévation de Tableau 39.1. : Causes des déshydratations aiguës Pertes extrarénales Pertes rénales Troisième secteur Digestives : – diarrhées, vomissements – iléostomies – aspirations digestives Cutanées : – brûlures, syndrome de Lyell – mucoviscidose – hyperthermie Tubulopathies Uropathies obstructives (et levée d’obstacle) Diabète insipide central Diabète sucré Insuffisance surrénalienne Hypercalcémie Diurétiques Péritonites Occlusions digestives Pancréatites aiguës 177 la pression artérielle, amélioration du temps de recoloration cutanée surveillés par quart d’heure, reprise de la diurèse), le relais est pris par le traite- ment de la déshydratation (voir 2.3. Conduite de la réhydratation des DA). En l’absence de réponse clinique rapide et favorable, il est nécessaire de poursuivre l’expansion volémique. Il faut s’aider le plus tôt possible d’une évaluation hémodynamique par échocardiographie Doppler, et poser une voie veineuse centrale permettant de mesurer la pression veineuse centrale. 2.2 Déshydratation aiguë en dehors d’un collapsus Le tableau de déshydratation est au premier plan. Il ne doit cependant pas faire omettre de rechercher des signes d’état de choc débutant mentionnés plus haut. 2.2.1 Signes cliniques Les signes habituels sont représentés dans le tableau 39.3. Le diagnostic objectif repose sur la détermi- nation de la perte de poids liée en comparant le poids de l’enfant nu, lors de sa prise en charge, à un poids antérieur, le plus récent possible, ou à défaut aux références des courbes de croissance pondérale pour l’âge. S’il est classique de différencier les signes de déshy- dratation intra et extracellulaire, la reconnaissance clinique du type est moins fiable que son appré- ciation par les examens biologiques courants (voir 2.2.3. Examens complémentaires). Néanmoins, il doit être tenu compte des éléments suivants : – la fièvre observée lors d’une DA est habituelle- ment modérée ( 38,5 °C). Une température plus élevée doit inciter à rechercher une autre cause ; – la fontanelle est palpée en position demi-assise. Une fontanelle normotendue associée à des signes patents de déshydratation doit faire suspecter une méningite. La ponction lombaire sera effectuée après stabilisation hémodynamique ; – lors d’une dénutrition, un pli cutané par fonte du tissu adipeux sous-cutané doit être différencié du pli « paresseux » d’une déshydratation. À l’in- verse, chez l’enfant pléthorique, la déshydrata- tion risque d’être sous-évaluée, car le pli cutané est minoré ou remplacé par un aspect en peau d’orange ; – enfin, il faut se méfier des déshydratations par constitution d’un troisième secteur, car la perte de poids peut manquer ; – une déshydratation associée à une diurèse conservée d’emblée est insolite et doit orienter vers une cause rénale, ou endocrinienne. Tableau 39.2. : Composition de solutions de remplissage vasculaire fréquemment utilisées (en mmol/L) Chlorure de sodium à 9 ‰ Ringer lactate® Plasmion® Gélofusine® Sodium 154 130 150 154 Potassium - 5,4 5 uploads/Sante/ dsh-aigue-extrait-du-livre-urgences-pediatriques.pdf

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  • Publié le Dec 26, 2021
  • Catégorie Health / Santé
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