LA PERCEPTION DES CAUSES DES ÉPIDÉMIES PAR LES POPULATIONS ET LES POUVOIRS PUBL

LA PERCEPTION DES CAUSES DES ÉPIDÉMIES PAR LES POPULATIONS ET LES POUVOIRS PUBLICS, DE LA FIN DU XVIIE SIÈCLE À LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE Vincent-Pierre Comiti ESKA | « Droit, Santé et Société » 2020/1 N° 1 | pages 11 à 18 ISSN 0999-9809 ISBN 9782747231190 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-droit-sante-et-societe-2020-1-page-11.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour ESKA. © ESKA. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © ESKA | Téléchargé le 11/04/2021 sur www.cairn.info par Jodel Pierre via Université d'Artois (IP: 194.254.23.50) © ESKA | Téléchargé le 11/04/2021 sur www.cairn.info par Jodel Pierre via Université d'Artois (IP: 194.254.23.50) SÉRIE E : DROIT, SANTÉ ET SOCIÉTÉ / SERIES E: LAW, HEALTH AND SOCIETY • N° 1, VOL. 7 11 Histoire de virus, histoire de peurs LA PERCEPTION DES CAUSES DES ÉPIDÉMIES PAR LES POPULATIONS ET LES POUVOIRS PUBLICS, DE LA FIN DU XVIIE SIÈCLE À LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE CAUSES OF EPIDEMICS AS PERCEIVED BY POPULATIONS AND PUBLIC AUTHORITIES FROM LATE 17TH CENTURY TO THE FIRST WORLD WAR Vincent-Pierre COMITI* RÉSUMÉ Au cours des siècles passés, les autorités invoquèrent des facteurs à l’origine des épidémies, comme des maladies de façon plus générale, inaccessibles ou peu accessibles, comme l’environnement et le climat, ou découlant de la responsabilité des individus eux-mêmes. Les habitants expriment, eux, souvent leur abandon et des conditions de vie délétères. MOTS-CLÉS Perception des causes des épidémies, Etiologie des épi­ démies dans les siècles passés, Histoire des épidémies, Epidémies et détresse des populations. ABSTRACT In past centuries, as causes of epidemics and indeed of diseases more generally, the authorities cited factors that were inaccessible or almost, such as the environment and the climate or resulting from the responsibility of individuals themselves. The inhabitants often express the fact of being aban­ doned and deleterious living conditions. KEYWORDS Perception of causes of epidemics, Aetiology of epidemics in past centuries, History of epidemics, Epidemics and distress of populations. * * * Il existe une indéniable parenté de réactions des sociétés vis-à-vis des causes des épidémies, quel que soit le lieu, quelle que soit l’époque. Les réactions des autorités et les réactions des populations concernées divergent profon­ dément. Cet article ne se veut aucunement exhaustif, ces réactions peuvent varier même si, (notre connaissance actuelle), le mode de transmission des germes peut être ignoré, mais certaines circonstances sont ressenties : rôle de la famille dans l’éclosion de la tuberculose (phtisie) qui peut être à l’origine d’une conception héréditaire erronée de la maladie au XIXe siècle notamment, rôle des marais par exemple dans l’apparition du paludisme (fièvres intermittentes ou paludisme), réunion avec pro­ miscuité dans des lieux clos (casernes écoles, monastères) et développement du typhus ou (maladie des camps), « souillure » des eaux et propagation des typhoïdes. Un schéma classique consiste à déceler quatre réactions qui se succèdent dans le temps. Pour ce qui a trait aux autorités, après une phase souvent d’absence de percep­ tion du danger à venir, vient la volonté de rassurer et de * Ancien responsable du département d’histoire de la médecine, Laboratoire d’Anthropologie physique, Collège de France © ESKA | Téléchargé le 11/04/2021 sur www.cairn.info par Jodel Pierre via Université d'Artois (IP: 194.254.23.50) © ESKA | Téléchargé le 11/04/2021 sur www.cairn.info par Jodel Pierre via Université d'Artois (IP: 194.254.23.50) 12 UNE SÉRIE DU JOURNAL DE MÉDECINE LÉGALE / A SERIES OF THE JOURNAL OF FORENSIC MEDICINE • N° 3, VOL. 63 Histoire de virus, histoire de peurs minimiser le phénomène. Ces deux phases entraînent un retard dans l’information des professionnels de la santé comme de la population, phénomène d’autant plus préjudiciable que les soins en sont retardés et que des sources spontanées d’information décrivent, parfois de manière totalement irréfléchie et inexacte l’étendue et la gravité du mal, ainsi que les traitements possibles. C’est aussi le temps de la fuite de ceux qui le peuvent et celui des actes malveillants vis-à-vis de certaines catégories bien précises de personnes, perçues comme responsables de la maladie, comme « profiteurs de la situation » ou comme incompétents. Les principales victimes sont les personnes pauvres et défavorisés ou recluses. Il ne s’agit pas d’une règle intangible, comme l’âge des populations atteintes peut varier, mais qu’on se souvienne des effroyables épidémies de diphtérie tuant les enfants ou de la variole moins sélective. Puis vient le temps de l’action, bien souvent c’est l’objet de joutes âpres entre les partisans de la préservation de la santé et les partisans d’une reprise la plus rapide possible de la vie commune, économique notamment. Il en est souvent ainsi lors des quarantaines et l’exemple médi­ terranéen est particulièrement démonstratif à cet égard. Cette troisième phase est celle de la mobilisation des moyens jugés nécessaires pour combattre ce fléau et l’établissement de projets pour les temps futurs. La dernière phase est celle du retour, non pas à la « nor­ male » mais à une situation où l’oubli s’abat sur la zone géographique concernée, mais il faut ici s’arrêter car, dans de nombreux cas des mesures positives sont prises pour pallier les inégalités sociales et sanitaires présentes avant l’épidémie, et qui dans la très grande majorité des cas, a frappé principalement les populations les plus pauvres, les populations les moins favorisées, répétons-le. J’ai choisi de suivre l’ordre chronologique et, sans être pour le moins du monde exhaustif de prendre des exemples et des illustrations dans des cadres divers. Notons, pour conclure cette introduction, les rapports particulièrement ambigus entre l’expertise scientifique, consultative et principalement sanitaire ici, et le pouvoir politique décisionnel, se basant très diversement sur l’expertise déclarée en fonction de ses options. C’EST AVANT TOUT LA DÉTRESSE HUMAINE ET LA PEUR QUI SONT AU CENTRE DES RÉACTIONS DES INDIVIDUS Face à ces souffrances les actions et les modalités de la gestion de ces crises, leur « police », au sens de police sanitaire et sociale, leur « police » au sens de la cité et de la société, présentent de profondes similitudes. J’ai hésité à employer une deuxième fois le terme de « police » au sens de la société tout entière, car ce sont les villes, et singulièrement les villes principales, qui en temps de calme comme en temps d’orage sanitaire, accaparent l’attention prioritaire des autorités. UN XVIIE SIÈCLE ENCORE IMPRÉGNÉ PAR LES ANALYSES DE SYSTÈME ET LES MÉTAPHORES À nous arrêter vers le milieu du XVIIe siècle, nous sommes encore dans une conception ou signes, consi­ dérations métaphoriques, panachage d’éléments comme perçus comme favorables, facilitateurs ou proprement étiologiques sont considérés sur le même plan : « Voilà à peu près l’origine de la confection de la chaleur naturelle destinée pour cuire & digérer en l’estomac et d’autres ven­ tricules tous les aliments qui leur sont nécessaires, faisant une transpiration suave & sans aucune mordicatio, & comme elle se compose de la substance la plus douce des aliments, l’autre au contraire le faict de tout ce qu’il y a de plus acre & mordicants, c’est à scavoir de salubres, épiceries, & toutes autres choses de haut goust, laquelle au lieu de cuire & digérer les aliments les brulle & les corrompt par le moyen de leur humidité, & lors fait une transpiration & chaude & mordicante, laquelle incontinent produit la fièvre & plusieurs autres grandes maladies car ce qui est brulé s’appelle mélancolie, principes des Fièvres quartes, & autre maladies… » (Rochas, (Henry de) [fut conseiller et médecin du roi), Nouvelles desmontrations pour cognoistre la cause des fièvres intermitentantes & continûes, dysen­ teries… » Paris : chez l’auteur, 1645, 142 p. (ici p. 6 et 7). La suite de la démonstration fait appel à un système très homogène. Son exposé expose l’action de la lune, de Mars et Saturne sur la bile ou la rate pour expliquer la cause de nombre de maladies. Ici la cause, entre autres éléments, fait référence à des causes (directes ou pas) qui sont hors d’atteinte. Au début du siècle des Lumières, dans le chapitre consa­ cré à la lèpre Delamare [Conseiller Commissaire du Roy au Châtelet de Paris] est explicite, Titre XII, De la lèpre Chapitre premier ; Des maladies contagieuses en général. Que la lèpre est une des plus dangereuses. Sa description : les soins qui ont toujours été pris pour l’éviter, & ce qui a été observé par les Anciens, & en France, pour séparer de toutes sociétés ceux qui en sont frappés. (Delamare, Traité de la police, Amsterdam : Compagnie 1729, tome 2, 616-1016-40 p.). Nous allons nous y arrêter, car il expose une constante uploads/Sante/ dsso-071-0011.pdf

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  • Publié le Nov 03, 2022
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
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